Orange Luxembourg se décrit comme un opérateur fragile. (Photo: archives paperJam)

Orange Luxembourg se décrit comme un opérateur fragile. (Photo: archives paperJam)

Les dirigeants d’Orange Luxembourg avaient déjà prévenu qu’ils n’hésiteront pas «à utiliser tous les moyens» pour faire valoir leur droit et «si nécessaire faire annuler la décision» que l’Institut luxembourgeois de régulation (ILR) a pris unilatéralement le 6 janvier dernier pour faire baisser de manière drastique les tarifs de terminaison d’appel sur le marché luxembourgeois du mobile.

Sous la pression de la Commission de Bruxelles, qui lui reprochait l’absence d’analyse des différents marchés de la téléphonie (notamment mobile), le régulateur luxembourgeois a imposé des tarifs sur la base d’un benchmark très controversé prenant en compte sept marchés (Danemark, Espagne, France, Pays-Bas, Portugal, Suède et Royaume Uni), sans tenir compte de la taille du Luxembourg, qui est une de ses principales spécificités. L’ILR avait tranché en déterminant un coût unitaire de 0,0098 euros (0,98 centime d’euros) par minute la terminaison d’appel sur base du calcul d’une moyenne des coûts unitaires des sept pays pris en compte.

Le règlement pris à la suite d’une consultation avait mécontenté tous les opérateurs du marché, y compris le principal, Post Telecom, parce qu’il imposait jusqu’à 90% de baisses. Selon les documents de la consultation, le tarif acceptable aurait été à 1,29 centime d’euros. Toutefois, ces tarifs avaient été fixés à titre provisoire, le temps de boucler une nouvelle analyse du marché (la dernière remontait à 2006) et de mettre en place un nouveau modèle de coût adapté au marché luxembourgeois.

Crainte pour sa survie

Orange Luxembourg, dans la consultation publique, avait demandé à l’ILR de revoir son prix à la hausse si le régulateur entend promouvoir la concurrence et la «survie» d’Orange. «La situation financière d’Orange», écrivait alors l’opérateur, «demeure fragile et ses revenus, essentiellement du marché mobile, sont mis à mal avec la pratique d’offres d’abondance sur le marché de détail, la réglementation européenne du roaming et la nécessité de réaliser d’importants investissements».

Orange Luxembourg a donc mis début mars sa menace à exécution et a saisi le Tribunal administratif d’un recours pour faire annuler le règlement. L’opérateur avait également introduit en parallèle une demande en référé devant le président du Tribunal administratif pour faire suspendre provisoirement le règlement incriminé. Le 25 mars, l’ordonnance est tombée: Henri Campill, qui préside la juridiction a estimé que l’entreprise n’avait pas fourni assez d’éléments pour montrer que le règlement du 6 janvier lui causerait un préjudice grave et définitif, condition indispensable pour obtenir une suspension provisoire, en attendant que le recours au fond soit toisé.

Le juge Campill a estimé que l’appartenance de l’opérateur à un groupe multinational rendait peu probable le risque de défaillance de la filiale luxembourgeoise. Orange avait exhibé un rapport d’expertise du cabinet Marpij du 28 février dernier, renseignant sur un risque d’une baisse du chiffre d’affaires. Mais cette expertise ne démontrait pas, selon le juge, que les résultats d’Orange Luxembourg «deviendraient déficitaires et que son existence serait menacée». Pas plus que le magistrat n’a retenu l’argument selon lequel le règlement contribuerait à la perte d’une partie de ses clients: «L’argument n’est pas suffisamment étoffé et reste partant à l’état de simple affirmation», note le magistrat dans son ordonnance du 25 mars.

Pari trop dangereux

Les experts de Marpij avaient conclu au caractère «atypique» du marché luxembourgeois et aux risques que la baisse aussi brutale (90%) des prix des terminaisons d’appel faisait peser sur «le plus petit et le plus fragile des opérateurs» du Grand-Duché qui «prend déjà le risque commercial (et financier associé) de proposer à ses abonnés un tarif identique tous réseaux via des offres illimitées (‘all nets’)».

«Bien plus grave», souligne le rapport cité dans l’ordonnance du 25 mars, «la baisse brutale et non-anticipée de ce tarif pourrait entraîner un dérèglement majeur et irréversible du marché luxembourgeois. On peut certes souhaiter qu’Orange Luxembourg en soit le gagnant, mais cela apparaît en l’état comme un pari trop risqué et trop dangereux pour être tenté.»

Selon Marpij, le règlement ILR du 6 janvier devrait surtout «consolider la position financière de l’opérateur dominant» et «ne garantir aucun gain pour le consommateur luxembourgeois qui bénéficie déjà d’offres d’abondance».

Orange Luxembourg estime que la chute tarifaire le fera revenir 10 ans en arrière, «synonyme d’un véritable retour à la case départ», du temps où Orange s’appelait encore Voxmobile. Le recours en référé nous apprend par ailleurs que l’opérateur luxembourgeois doit 30 millions d’euros à sa maison mère et qu’il craint que le règlement de l’ILR l’empêche d’honorer «tout ou en partie» cette dette. Les arguments n’ont toutefois pas convaincu le président du Tribunal administratif. Reste maintenant le recours au fond.