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Aujourd’hui, au Luxembourg, les obligations légales des entreprises au niveau comptable se limitent à la publication de résultats une fois par an. Au regard de ce qu’il convient d’appeler «une gestion financière saine et efficace», c’est pour le moins léger.
En effet, pour être efficientes, les entreprises, qu’elles soient petites, moyennes ou grandes, ont besoin d’informations fraîches et fiables. «Bien gérer financièrement son entreprise, c’est avant tout pouvoir disposer d’une comptabilité régulière et analytique, de bons indicateurs de rentabilité, d’un état des lieux des liquidités… Autant d’éléments qui doivent permettre au chef d’entreprise de pouvoir évaluer à tout moment la situation», explique Romain Girst, directeur de la banque de détail chez BGL BNP Paribas.
Au cas où la barque ou le paquebot, selon la taille de l’entreprise, venait à chavirer, il est en effet préférable que le capitaine soit avisé du problème dans les meilleurs délais, cela afin qu’il puisse manœuvrer au mieux. D’ailleurs, c’est bien connu, il est plus que risqué de naviguer à vue. «Si aujourd’hui, en me présentant les comptes de 2009, mon comptable m’indique qu’il y a un problème dont l’origine remonte à la moitié de l’année précédente, il est sans doute déjà beaucoup trop tard pour réagir et corriger le tir», poursuit-il.

Diriger son entreprise de manière optimale, c’est le faire en connaissance de cause, en disposant des indicateurs clés, actualisés régulièrement, qui permettront au chef d’entreprise de prendre les bonnes décisions au bon moment. «Pour bien faire, un chef d’entreprise doit pouvoir se fier à des données mises à jour chaque mois, ajoute le banquier. C’est essentiel.»
Mais gérer efficacement les finances de son entreprise ne se limite pas à cela. «De manière qui peut paraître caricaturale, un professeur d’université précisait que la bonne gestion financière d’une entreprise se résumait à accélérer les entrées de fonds en son sein et à en retarder les sorties, explique Philippe Slendzak, associé du cabinet de réviseurs d’entreprises et d’experts comptables Mazars. En d’autres termes, on pourrait dire que c’est gérer sa trésorerie de manière optimale.»

La clé, c’est l’anticipation

Il n’en demeure pas moins vrai que l’optimisation de la gestion financière est rarement la priorité des dirigeants de petites et moyennes entreprises. Loin d’être des spécialistes dans les métiers du chiffre, ils n’accordent généralement qu’un temps marginal à l’analyse de leur comptabilité. Or, celle-ci peut s’avérer capitale dans la bonne marche d’une entreprise et même générer des gains. «La clé du succès, pour arriver à une saine et bonne gestion financière, c’est l’anticipation. Avoir les bons indicateurs, pour prendre les bonnes décisions, permet aux chefs d’entreprise de disposer d’une bonne vision à court terme, de se rendre compte de l’évolution de leurs liquidités et de leurs fonds de roulement. De sorte qu’ils peuvent assurer une base de fonctionnement saine à leur entreprise, poursuit Philippe Slendzak. Une gestion intelligente des liquidités ou des stocks, par exemple, peut rapporter de l’argent. En effet, s­tocker, quand cela ne coûte pas, ne rapporte rien. Alors que, peut-être, des liquidités en banque pourront fructifier, être placées de manière sécurisée.»

Les outils pour parvenir à de tels résultats sont nombreux. Entre des tableaux comptables actualisés à intervalles réguliers et une comptabilité analytique par produit, section ou département, il convient de définir quels sont les besoins réels de l’entreprise pour assurer une gestion financière optimale. Divers indicateurs de performance peuvent aussi être envisagés. A chaque entreprise, ses tableaux de bord.
«Leur mise en place, évidemment, a un coût. Et c’est souvent à cause de ce dernier que les entrepreneurs sont réticents à opter pour ces outils, poursuit l’associé de Mazars. En fonction des indicateurs dont on veut disposer, il y a des paramétrages plus ou moins difficiles à réaliser. Mais tous ces outils doivent être des supports utiles à la prise de décision et éviter à un chef d’entreprise de se rendre compte de dérives éventuelles et de devoir redresser la barre six mois trop tard.

Des sources de financement multiples

Optimiser la gestion financière de son entreprise, c’est aussi veiller à son avenir, à sa croissance. Bien anticiper, c’est envisager les projets et leur mode de financement. «Face à son banquier, le rôle du responsable de l’entreprise qui cherche des financements est avant tout de présenter un projet cohérent avec des objectifs de rentabilité raisonnables et la démonstration d’un succès probable sur le marché. Pour parvenir à monter un dossier, il peut compter sur le soutien de son comptable. Le banquier, lui, aura pour rôle d’analyser les possibilités de son financement», explique Romain Girst (BGL BNP Paribas). Rien n’est moins simple. Prouver la faisabilité d’un projet est un travail conséquent qui nécessite maîtrise et connaissance de son entreprise et du marché. D’où l’importance de disposer des bons indicateurs en temps réel.

«Il est toujours plus facile de discuter avec une entreprise qui sait dans quelles eaux elle navigue et quelle est sa marge de manœuvre, confirme le banquier. Nous envisagerons toujours un projet en fonction des informations qui peuvent être mises à notre disposition.» Un minimum de fonds propres, la description claire et cohérente du projet, la maîtrise de celui-ci par l’entrepreneur sont autant d’éléments qui en faciliteront la compréhension par le banquier.

«Nous intervenons de manière générale comme des conseillers sur les diverses possibilités de financement d’un projet, précise Romain Girst. Car les fonds, pour y parvenir, peuvent venir de plusieurs sources. Au-delà des fonds propres associés au crédit bancaire, il existe d’autres formes d’aides: les crédits octroyés par la Société Nationale de Crédit et d’Investissement (SNCI) ou encore les possibilités offertes par la mutualité d’aide aux artisans, la mutualité de cautionnement et d’aide aux commerçants ainsi que divers soutiens émanant de l’Etat ou d’autres institutions comme la BEI.» Aux entreprises, avec l’aide de leur banquier, de trouver le mix qui conviendra le mieux au financement de leur projet.

Avec une gestion financière optimale, plus que générer des gains au quotidien, un chef d’entreprise montera plus facilement des projets rentables et se verra plus facilement octroyer les moyens de les financer. Mais on peut encore aller plus loin. Il y a toujours moyen d’optimiser encore et encore. En plus du comptable et du banquier, consulter régulièrement un troisième partenaire,  à savoir le conseil fiscal ou l’avocat, peut aussi aider l’entrepreneur à réaliser de substantielles économies. «La première étape, en vue d’entrer dans des démarches d’optimisation fiscale, est d’analyser le type d’activité de la société, la volonté du client mais également ce qu’il y a dans les comptes d’une société, explique Me David Maria, avocat à la Cour et collaborateur au cabinet d’avocats Wildgen, Partners in Law. Le bilan comptable ou tout autre tableau de bord utile nous permettra de voir ce qu’il est possible de faire en fonction de la volonté du client. Il est possible de faire beaucoup de choses mais un cas n’est pas l’autre.»

Aller loin dans l’optimisation fiscale

Enormément d’éléments peuvent entrer en ligne de compte en vue d’optimiser une activité fiscalement. Le premier étant la nature de l’activité. «Le Luxembourg a mis en place des régimes intéressants pour certains types d’entreprises. On pense notamment à la récente loi sur la propriété intellectuelle, les exonérations d’impôt en faveur des industries nouvelles, les crédits d’impôt pour investissement ou pour embauche de chômeurs ou plus généralement l’octroi d’abattements d’impôt pour certains investissements tels que les investissements dans l’audiovisuel ou en capital-risque, poursuit l’avocat. Mais on peut aussi jouer sur la structuration de l’entreprise et de nombreux autres aspects comptables, comme  les amortissements, le financement par de la dette… La planification, ou parfois même une information suffisante de la législation en matière de  TVA peuvent également permettre de faire une économie d’impôt substantielle. Les leviers pour réduire la base d’imposition sont nombreux. Souvent, ce sont des petites choses. Mais ne dit-on pas que les petites rivières peuvent faire de grands fleuves?»

Les professionnels en la matière sont évidemment au fait des changements qui s’opèrent régulièrement dans la législation. Passer une heure ou deux, de manière régulière, avec l’un d’eux – comme avec son comptable et son banquier d’ailleurs – doit permettre d’envisager des pistes.

«Une optimisation fiscale peut aller plus ou moins loin, en fonction de la volonté et des besoins du client. Au Luxembourg, la politique fiscale tend plus à encourager l’investissement et à favoriser la création d’activité qu’autre chose. L’administration peut être un partenaire pour optimiser la gestion financière de son entreprise. Par l’intermédiaire d’un avocat ou d’un conseiller fiscal, qui peuvent être d’excellent conseil. Il serait dommage de ne pas en profiter», conclut Me David Maria.