Si on l'appelle la Forge du Sud, Dudelange ne saurait se réduire à son épopée industrielle. La petite bourgade située au pied du Mont Saint-Jean et dont les origines remontent à plus de 2.000 ans, a connu un passé artisanal et agricole avant de devenir l'un des berceaux de la sidérurgie luxembourgeoise, avec la découverte de minerai de fer en 1881. Sa population étant passée, en trois décennies, de 1.500 à 10.000 habitants, Dudelange est élevée au rang de Ville le 4 août 1907. Il y a donc de cela un siècle.
Commence une longue période de prospérité économique, durant laquelle la cité, qui abrite une usine sidérurgique, va attirer des milliers de travailleurs étrangers, notamment italiens. Un brassage de populations qui va peu à peu forger le caractère bien trempé de la Ville, carrefour de civilisations et de cultures dont elle ne manque jamais de s'enorgueillir. Ce n'est donc pas un hasard si l'une des expositions phares de Luxembourg et Grande Région, Capitale européenne de la Culture 2007, intitulée "ReTour de Babel" et consacrée aux migrations humaines, se tiendra dans l'ancienne Aciérie (du 28 avril au 28 octobre).
C'est également en puisant dans ce dynamique passé industriel et social que la Forge du Sud a trouvé, au moment du déclin de la sidérurgie, dans les années 1970, les ressources indispensables à la définition d'une nouvelle voie de développement. Elle la trouvera dans la diversification économique, en favorisant l'implantation de zones d'activités à sa périphérie - Husky est ainsi le principal employeur de la ville, avec 700 salariés - mais aussi et surtout, dans de fortes ambitions culturelles. "Nous travaillons activement sur l'image de la Ville, pour qu'elle ait une identité forte, axée sur la culture, les médias, la communication et, bien sûr, la qualité de vie, souligne le bourgmestre socialiste, Alex Bodry. Nous disposons pour cela d'un très bon partenaire depuis 1988, le Centre National de l'Audiovisuel (CNA), qui fut implanté à Dudelange dans le cadre d'une politique de décentralisation". Bien décidés à prendre la balle au bond, les édiles n'ont pas manqué de tisser autour du CNA une solide toile où sont accrochés de multiples acteurs culturels.
Nouvelle demeure
Au cours des dix dernières années, "l'effort entrepris en ce sens par la Ville a été exceptionnel", assure l'élu, qui cite parmi les infrastructures existantes les deux galeries publiques d'art (Dominique Lang et Nei Liicht), le Centre régional de documentation sur les migrations humaines, le Musée d'histoire locale et d'histoire naturelle, le Musée des Enrôlés de Force, la Bibliothèque régionale ou encore l'Ecole régionale de Musique. La Ville s'est également taillé une réputation en matière d'organisations de concerts, notamment de jazz, d'orgues et de musiques du Monde.
Un savoir-faire et des infrastructures qui seront bien utiles aux organisateurs des cérémonies festives du Centenaire, qui s'étaleront tout au long de l'année. A côté des animations commerciales et des fêtes populaires (voir le programme sur le site www.dudelange.lu) aura lieu toute une série de concerts, dont certains en plein air. Parmi les prochains grands rendez-vous du printemps figurent ainsi le Bal du Centenaire (le 5 mai), ainsi que les concerts de Zucchero (le 6 mai) et de Renaud (le 7 mai), à l'Aciérie.
Au cours des dernières années, le besoin d'infrastructures modernes pour accueillir ces multiples activités s'est fait de plus en plus nettement ressentir. Il se concrétisera en septembre, avec l'inauguration d'un grand Centre culturel à vocation régionale, qui rassemblera notamment, sous son toit, les nouveaux locaux du CNA, l'Ecole de Musique et une salle de cinéma. "Il s'agira d'une expérience extraordinaire puisque le bâtiment est une copropriété, avec des parties indépendantes pour chaque entité", précise Alex Bodry. Une auberge de jeunesse, à vocation culturelle, devrait également ouvrir ses portes à proximité.
Le bourgmestre de la Forge de Sud évoque en outre un projet "très beau" et qui lui tient particulièrement à coeur, toujours sur le même site: la Tour d'Eau. Avec le soutien financier du Service des Sites et Monuments nationaux, l'ancienne tour sera transformée et réaménagée en salle d'exposition permanente. Elle est destinée à accueillir, à partir de 2008, une exposition photographique d'Edward Steichen, "Bieter Years", qui rassemble des clichés pris aux Etats-Unis durant la récession de 1930, dans le monde rural.
Un mouvement étonnant devrait donc se produire à Dudelange au cours de ce printemps: "Le centre névralgique événementiel de la Ville va se déplacer vers son nouveau site de gravitation culturelle, annoncent les organisateurs du Centenaire. De la traditionnelle Salle des fêtes de l'Hôtel de Ville, les manifestations les plus diverses vont transiter par la scène exceptionnelle de l'ancienne Aciérie, pour retrouver, à partir de septembre, leur nouvelle demeure, le Centre culturel régional".
Quant à l'Aciérie, mise largement à profit tout au long des prochains mois, son avenir se dessine déjà dans l'esprit des édiles communaux. "C'est une piste que nous explorons actuellement et nous sommes à la recherche de partenaires privés pour voir si elle peut se concrétiser, avance M. Bodry. Il s'agirait de transformer cet immense bâtiment en lieux de production et en studios pour l'industrie cinématographique".
Si l'année 2007 et une partie de l'année 2008 seront placées sous le double signe du Centenaire de la Ville et de sa destinée culturelle, les élus locaux n'oublient pas de planifier le développement général et à plus long terme de la cité. A commencer par sa réorientation économique, autour de deux pôles: la logistique et les technologies de la santé. "Nous avons choisi la voie de la spécialisation, car nous ne voulons pas devenir une ville fourre-tout", explique-t-il.
Situé à cheval entre les territoires communaux de Bettembourg et de Dudelange, l'ancien site de la WSA va ainsi devenir une zone d'activités logistiques à vocation nationale, où un millier d'emplois devraient voir le jour d'ici cinq ans. Une trentaine d'entreprises ont déjà fait part de leur intérêt pour le site et Alex Bodry a annoncé, lors d'un conseil communal, fin mars, que la société de transports Kuehne & Nagel devrait s'y installer, dans un premier temps sur trois hectares, et créer quelque 150 emplois.
Ravalement de façade
Le deuxième pôle d'activité important, celui des technologies de la santé, pourrait se développer autour du Laboratoire national de Santé - décentralisé de la capitale - en construction dans une zone d'activité en création à l'entrée nord de la ville. "Dudelange a passé récemment un accord avec Bettembourg, Rumelange, Kayl et Roeser afin de se concerter sur la création de zones d'activité, pour coordonner les efforts en matière d'urbanisme et oeuvrer ensemble à la protection de la nature et de l'environnement", souligne le bourgmestre de la Forge du Sud.
Outre son développement périphérique, la Ville entend également s'attaquer à un autre et très vaste chantier: la redynamisation du centre-ville, en pleine mutation. Et il y a du pain sur la planche. "Sur le plan commercial, la ville se situe actuellement au plus bas, admet Romain Zambon, le président de la Fédération des Commerçants et Artisans (FCAD). De nombreux commerces ont fermé en vue de la rénovation et de la reconstruction de plusieurs immeubles du centre et pour l'heure, de nombreuses cellules demeurent vides". Pour M. Zambon, établi dans le centre depuis plus de 30 ans, Dudelange a, pourtant, une belle carte à jouer en matière d'attrait commercial. "Il faut veiller à accueillir des enseignes de tailles adéquates - avec des surfaces moyennes de 150 m2 - permettant de développer une offre commerciale de moyenne gamme, dans une ambiance de marché. Il est important également de réduire le trafic et les places de parking dans les artères principales, d'y favoriser les promenades par l'installation de larges trottoirs et de terrasses", estime le commerçant.
Une vision qui rejoint bien celle des élus, qui ont engagé, en 2006, un vaste programme de rénovation urbanistique, confié à l'architecte Nico Steinmetz. "La revitalisation du commerce et le réaménagement du centre-ville sont des priorités absolues des pouvoirs locaux", assure M. Bodry. La physionomie de la ville devrait dès lors se caractériser par un meilleur équilibre urbanistique entre les points d'agitation, les espaces animés, d'une part, et les zones vertes et de détente, d'autre part. Un marché couvert pourrait également créer une animation inédite au centre, et la construction d'un parking souterrain, rendre les artères aux piétons.
Pour les autorités publiques, l'ensemble de ces projets - culturels, économiques, urbanistiques - permettra de doter la ville d'un véritable concept touristique, totalement inédit, qui intégrera entièrement l'aspect "promotion du commerce local". Centenaire toujours jeune, Dudelange entend bien mettre pleinement à profit cette "année charnière" 2007 pour opérer un grand ravalement de façade et se dessiner un visage tout neuf.