Madame Wüllner, quels sont les grandes lignes et les grands défis de votre politique RH aujourd’hui?
«Faisant partie du groupe suédois Lindab, avec un effectif global de presque 5.000 collaborateurs, la société Astron Buildings, forte de ses quelque 1.000 employés à travers l’Europe, dont environ 300 au Luxembourg, s’engage à implémenter les valeurs du groupe qui sont: Pragmatisme («Down to earth»), Ordre et Propreté («Neatness and order») et Simplifions l’acte de construire («Simplify construction»). (…) En respectant ces valeurs, nous tendons à garder nos meilleurs éléments, notre personnel. En plus, une toute nouvelle approche, nommée «Lindab Life», intègre des facteurs comme la responsabilité sociale à des aspects visant à fidéliser et motiver les collaborateurs, et donner des perspectives de carrière, qui deviennent de plus en plus importants. Nos employés attendent de la transparence en communication, de la cohérence. Nous leur devons de donner du sens à leur travail quotidien. Ils veulent être entendus. (…
La crise économique actuelle modifie-t-elle votre façon d’exercer votre fonction/métier?
«La gestion des Ressources Humaines voit son importance s’accroître encore dans la crise, de par la nécessité de fournir des informations précises et de formuler des messages clairs, tant envers la direction, la délégation, qu’envers les salariés, qui restent le capital majeur. La crise économique globale souligne l’importance de bien gérer les coûts, dont les salaires constituent une portion très substantielle. C’est dans ce cadre-là que je vois un grand enjeu et aussi une opportunité. Il devient de plus en plus important de gérer le changement. C’est via cette capacité de gestion que se projette l’image d’une société. Le défi est ici, plus que jamais, de convaincre et d’inspirer confiance. Bien communiquer vis-à-vis de tous les employés devient de plus en plus important. Mais aussi un dialogue soutenu, avec les partenaires sociaux, le secrétariat du comité de conjoncture ou l’Adem, est devenu essentiel.
Quelle est, selon vous, l’évolution la plus significative dans le domaine de la gestion des Ressources Humaines au cours de ces 20 dernières années et comment envisagez-vous l’évolution prochaine du métier du DRH?
«L’importance du rôle du DRH a beaucoup augmenté. C’est en 1992 que j’ai commencé à travailler dans ce domaine. Le travail d’un employé du secteur RH consistait alors essentiellement à administrer les fichiers du personnel et à assurer un paiement ponctuel des salaires aux collaborateurs. Aujourd’hui, le DRH est le «coach» du business. La gestion des RH est devenue une des composantes essentielles du bon fonctionnement d’une entreprise. (…) Les RH sont la conscience de l’entreprise, le baromètre social et culturel, l’accompagnateur du personnel dans la vie au travail. (…)Pour ce qui est de la rémunération, quelles sont vos grandes tendances actuelles en la matière? «Faisant partie du groupe Lindab, les salaires du top management sont discutés annuellement et approuvés par le Comité Compensation & Benefits en Suède, où se trouve notre maison mère. En ce qui concerne les autres niveaux de salaires, on les analyse, compare et revoit chaque année. Au Luxembourg, nous avons malheureusement, en tant qu’employeur, un espace de manœuvre plus réduit pour encourager et gratifier les talents, surtout en temps de crise, en raison de l’indexation automatique. Pour 2010, que nous entrevoyons délicate pour notre société, nous ne voyons pas beaucoup de possibilités d’augmenter les salaires. Dans le cadre, toutefois, d’une promotion, ou d’une plus grande prise de responsabilités, nous procéderons par exception.En ces temps difficiles pour recruter, l’accent est souvent mis sur la rétention des employés déjà en place
Quelle est votre politique en la matière?
«(…) Dans un environnement difficile, ce sont surtout les grands talents qui, dans un premier temps, partent les premiers. C’est dans ce contexte-là que l’on doit être attentif à identifier les personnes clés d’une entreprise. Nous sommes en train de mettre en place un ‘plan de carrière’ pour les personnes identifiées dans l’évaluation annuelle, et pour élargir le plan de rétention.(…) Nous avons également signé avec nos partenaires sociaux un «plan de maintien dans l’emploi» qui consiste notamment en la flexibilité des heures de travail sous forme de chômage partiel de source conjoncturelle. Pour notre entreprise, c’est le moyen idéal de sauvegarder l’emploi dans ce pays où les coûts salariaux restent considérablement plus élevés que ce qui se pratique dans les pays de l’Est. Nous utilisons par ailleurs les heures de chômage pour former nos collaborateurs afin qu’ils soient bien préparés pour le futur. C’est un ‘win-win’ pour les employés et l’entreprise.
Quelles sont les attentes de vos salariés en ce qui concerne le développement de leurs compétences?
«Nous observons que les collaborateurs deviennent de plus en plus exigeants en ce qui concerne leur parcours de carrière et leurs rémunérations. Nous avons établi un système de révision annuelle des compétences et performances, le personnel étant divisé en deux groupes: ceux à qui d’autres rapportent et ceux qui n’ont pas la responsabilité d’autres personnes. C’est à partir de cette évaluation, (…) que les deux parties se parlent, revoient ensemble les points forts et ceux à améliorer, analysent comment les objectifs fixés douze mois plus tôt ont été atteints ou non, parlent de la nécessité de formations ultérieures, ou d’un prochain poste.
Quel est le degré d’adhésion des salariés à l’exercice d’appréciation des compétences? Et celui des managers?
«Pour le moment, nous sommes en train d’établir un ‘retour à 360’ (‘360 feedback’) qui inclut aussi une auto-évaluation et une évaluation des managers par leurs employés, pour compléter tous les aspects de cette révision annuelle, sur une base spontanée. C’est à l’aide d’un questionnaire distribué cet été qu’on s’est aperçu qu’il y avait des possibilités d’amélioration. (…)
Quelle est votre définition du terme ‘qualité de vie’ (ou ‘bien-être’) au travail?
«Pour moi, le bien-être au travail est lié à un équilibre entre les heures que l’on dédie au travail et le temps qu’il reste à consacrer à sa famille, ses amis, pour faire du sport, lire… bref, les loisirs en général. Mais ce qui est aussi important, c’est l’ambiance, l’ergonomie des lieux et outils de travail, les rapports humains entre les collègues, le respect mutuel, l’enthousiasme pour travailler vers le même but, ou le niveau de dialogue entre la direction et les employés.Chez Astron, nous organisons des activités sportives pour tous nos collaborateurs, comme en Hongrie en 2008, ou la fête de Noël avec les enfants à Diekirch. Toutes les nouvelles principales sont publiées dans notre magazine mensuel interne, Focus. Dans toutes les usines, la cantine ou les coins-café sont très fréquentés. (…) Nous devons faire de notre mieux pour rester un employeur attractif avec du personnel satisfait de son emploi.
A propos de l’égalité des chances, quelles sont les mesures que vous avez mises en place?
«Beaucoup de nos collaborateurs sont des ingénieurs. Pour être embauché chez Astron, il faut passer des tests techniques et plusieurs entretiens. Nous avons récemment embauché plusieurs femmes ingénieurs qui se sont très bien intégrées dans les équipes. Surtout dans notre site en Russie, ce sont les profils féminins qui se présentent davantage sur le marché. Ce sont des personnes généralement qualifiées et ambitieuses. Quatre ans après notre entrée sur le marché russe pour ce qui concerne l’emploi local, nous sommes très satisfaits des résultats de notre embauche équilibrée hommes/femmes.En résumé, ce qui nous intéresse, ce n’est pas le sexe mais la qualification, l’expérience, et, le plus important, la personne elle-même, capable de s’intégrer dans une équipe, compétente, ambitieuse et fière de pouvoir travailler dans un environnement international.
En quoi les ressources humaines font-elles, aujourd’hui, du marketing? En quoi contribuent-elles à l’image de marque de l’entreprise?
«Les RH agissent comme gardien de la vision et des valeurs de l’entreprise. Elles visent les changements de manière proactive, doivent être créatives et innovatrices. Etant la porte d’entrée pour attirer de nouveaux collaborateurs, elles jouent un rôle fondamental pour l’image de marque de l’entreprise. C’est finalement grâce à l’aide des directives établies par le département RH qu’une entreprise se développe. (…) Quels sont, selon vous, les avantages et les inconvénients du métier du DRH?
Et quelles sont les qualités essentielles pour l’exercer?
«(…) Si l’on s’intéresse aux autres, si l’on possède une sensibilité sociale et une intelligence émotionnelle – qui sont des qualités plutôt innées, je crois, et non pas que l’on acquiert –, on a de bonnes prédispositions pour ce métier. En outre, nous avons la flexibilité de travailler dans n’importe quelle société, vu que l’on n’est pas spécialisé dans une certaine branche, comme ce serait plutôt le cas dans le marketing ou l’ingénierie. Dans le pire des cas, on est malheureusement la personne qui peut être amenée à mettre la clé sous le paillasson, en cas de fermeture d’un site.
Pour conclure, quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui souhaiteraient suivre vos traces?
«Si vous êtes une personne curieuse, si vous êtes prêt à communiquer même dans des situations pas toujours ‘confortables’ (…), si vous possédez un bon instinct pour tout ce qui touche vos collaborateurs, si on peut vous faire confiance, si vous avez le sens de comment contenir les coûts et simultanément de ne pas fâcher votre chef ou vos collègues, je vous conseille de suivre mes traces dans une des fonctions clés pour chaque entreprise, le domaine des Ressources Humaines! En tout cas, j’aimerais féliciter et encourager quiconque veut relever ce défi.»