Marc Hansen: «La responsabilité du logement est collective. Les communes, proches des citoyens, ont un rôle central à jouer.» (Photo: Mike Zenari)

Marc Hansen: «La responsabilité du logement est collective. Les communes, proches des citoyens, ont un rôle central à jouer.» (Photo: Mike Zenari)

Monsieur Hansen, au-delà des statistiques, quel regard portez-vous sur la situation de l’immobilier privé au Luxembourg aujourd’hui?

«Le tableau est très complexe. Une chose est sûre: il n’y a pas assez de logements! Je n’ai, malheureusement, pas de solution magique face à ce constat récurrent. Plusieurs facteurs peuvent l’expliquer, dont la pression toujours plus importante du solde migratoire, les évolutions démographiques qui font que les gens restent à la maison plus longtemps et la multiplication des nouveaux modèles de familles. Parents divorcés ou cellules monoparentales réclament plus d’habitations.

La principale source de ce manque réside, à mon sens, dans les difficultés de financement. Vu la taille du pays, les possibilités d’extension sont limitées. Il ne faut pas oublier non plus que le Luxembourg est un territoire fortement polarisé autour de sa capitale, bassin majeur en termes d’emploi. L’impact de la proximité avec la ville n’a fait qu’augmenter par ricochet depuis cinq ans, et ce, dans toutes les directions.

Face à cette complexité, il est crucial de trouver des solutions alternatives. On commence à percevoir un frémissement. Le nombre de logements croît de manière encourageante. En 2014, par exemple, 6.360 permis de bâtir concernant des logements ont été délivrés. En 2013, ce chiffre s’élevait à 3.761.

Le logement nécessite un vrai travail interministériel

Depuis une décennie, ce manque de logements, ainsi que la flambée des prix de l’immobilier ne font que s’accentuer. Quelles doivent être les priorités pour y répondre?

«Je crois peu aux miracles. Il faut être pragmatique et surtout patient, les évolutions en matière de logement se font sentir sur des années. C’est loin d’être une problématique qui peut se résoudre rapidement. Notre gouvernement est bien conscient de ces enjeux. Plusieurs axes doivent être investigués pour combiner les réponses. Il faut absolument trouver du foncier hors des zones classiques d’habitat, débusquer des terrains constructibles en collaboration avec les communes, mobiliser les investisseurs privés (particuliers, promoteurs, etc.), mais aussi faciliter et alléger les procédures administratives. Une fois les terrains réhabilités, il ne faut plus perdre de temps. Les fameuses zones des ‘dents creuses’ pourraient, si cette piste est creusée, apporter 950 hectares supplémentaires.

Comment impliquez-vous les citoyens dans cette réflexion?

«82% des terrains potentiellement habitables appartiennent à des personnes privées. Il est plus que temps de les sensibiliser et de les associer aux débats sur le futur de l’habitat. Il faut en finir avec la volonté répandue de garder ses terrains inoccupés le plus longtemps possible afin de tirer profit de la spéculation. La responsabilité du logement est collective.

Les communes, proches des citoyens, ont un rôle central à jouer.

En marge de cet effort, il faut continuer à soutenir les promoteurs publics, qui mènent des projets conséquents dans le respect de l’environnement, même si, à eux seuls, ils ne suffiront pas à répondre à tous les besoins.

Qui sont ces promoteurs publics? Quelles sont leurs missions?

«Au Luxembourg, il y en a deux: le Fonds du logement et la Société nationale des habitations à bon marché. Ils ont notamment pour objectifs de réduire les coûts d’aménagement des terrains à bâtir, d’étendre le parc public des logements locatifs et d’aménager de nouvelles zones d’habitation. Depuis sa fondation en 1919, le SNHBM a construit près de 8.600 logements, notamment à Differdange, Dudelange, Roodt-sur-Syr, Mamer, Schuttrange et Junglinster. Ses capacités vont être prochainement augmentées.

Le Fonds du logement, lui, créé par la loi du 25 février 1979, a également pris de l’importance avec les années. Si on prend les chiffres 2011/2012, le nombre de constructions réalisées sous son impulsion a progressé de 8% et le nombre de terrains disponibles de 22,1%. Il est en train d’être réformé, notamment en raison des récents scandales que l’on connaît bien. Nous travaillons à en améliorer la transparence, la gouvernance et les processus de décision. Cela prendra un certain temps, mais c’est plus que nécessaire.

En fin d’année 2014, la hausse des prix s’est encore accélérée et un nombre grandissant de ménages consacre plus d’un tiers de ses revenus au logement. Quelles sont les actions concrètes menées par le ministère du Logement pour les appuyer?

«Il est clair que les ménages modestes sont ceux qui souffrent le plus. Selon l’Observatoire de l’habitat, entre le 1er trimestre 2005 et le 4e trimestre 2014, la hausse des loyers a été de 23,5% pour les maisons et de 39,2% pour les appartements issus du marché privé. Cette augmentation des loyers a été plus, voire beaucoup plus importante que le taux d’inflation sur la même période (+21,9%).

Si on examine les loyers des studios et appartements avec une chambre, ils ont respectivement connu un bond de 48,5% et 40,5%. Face à cette situation qui n’est plus acceptable, le Conseil de gouvernement a approuvé, il y a quelques semaines, l’introduction d’une nouvelle subvention de loyer pour les ménages à faibles revenus. Le moteur est d’aider les plus pauvres à accéder au marché locatif privé. On estime que cette mesure pourra aider 19.000 foyers. L’enveloppe totale qui a été allouée s’élève à 28 millions d’euros. Pour pallier le manque de logements sociaux, trouver des solutions privées est impératif. Le dispositif est actuellement en cours de validation à la Chambre des députés.

La responsabilité du logement est collective

Comment se déroulera la sélection des dossiers?

«C’est le service des Aides au logement, rattaché au ministère, qui sera chargé de traiter les demandes. Le cercle des bénéficiaires potentiels a été étendu, notamment aux bénéficiaires du revenu pour personnes gravement handicapées, ainsi qu’à ceux disposant du revenu minimum garanti. Parmi les facteurs de décision, il sera tenu compte du niveau de revenu, du taux d’effort du demandeur pour payer son loyer ou sa situation familiale. Le montant accordé à chaque ménage sera situé entre 124 et 270 euros par mois. C’est un coup de pouce appréciable si on compare le montant de l’aide au revenu médian. Il est important de rappeler que la subvention ne concerne que les logements privés. Les locataires sociaux ne sont donc pas éligibles.

Quelles sont les actions prévues en matière de logements sociaux?

«Il y a constamment des projets en cours et des efforts notables du côté des promoteurs sociaux, mais il en faudrait bien plus! Ainsi, 33% des logements prévus dans le nouveau programme de constructions d’ensemble de logements subventionnés seront des logements locatifs sociaux. D’ici 2025, le ministère du Logement prévoit la réalisation de 460 projets de logements de ce type, ce qui correspondra à un total de 10.859 unités: 6.141 seront destinées à la vente et 4.718 dédiées à la location.

Ces chiffres ne visent que les projets subsidiés par le ministère. En effet, il n’existe pas de définition générale et exhaustive du logement social. Bon nombre d’unités ‘sociales’ sont gérées par des associations ou sont subsidiées par d’autres ministères, notamment lorsqu’elles concernent des jeunes ou des personnes âgées. C’est un domaine qui mobilise une multitude d’acteurs, ce qui le rend particulièrement complexe. Les offices sociaux, comme l’Agence immobilière sociale et les communes, en font partie. Améliorer la coordination de toutes ces initiatives est essentiel. Aujourd’hui, il est difficile d’avoir une vue globale sur le parc existant.

Que prévoyez-vous en termes de subsides?

«Le ministère est en train de procéder à un vaste recensement de toutes les aides qui existent en matière de logement. Le canevas de base remonte à 1979. Toute une série d’aides s’est ajoutée au fil du temps. Il est, aujourd’hui, devenu très difficile de s’y retrouver. Certaines doivent être ajustées, d’autres supprimées. Il faut rationaliser tout cela pour plus d’efficacité et de lisibilité. C’est un travail de longue haleine. En parallèle, nous travaillons avec le ministère des Finances sur un projet de banque qui pourrait permettre un préfinancement sur le plan de l’assainissement énergétique. Nous n’en sommes qu’aux prémices.

Il faut faciliter et alléger les procédures administratives

Qu’en est-il du logement étudiant?

«Le ministère du Logement prévoit la réalisation à court terme de 1.206 unités, dont près de 95% dans le sud du pays. Avec tous les espoirs mis sur le développement de Belval, c’est un vrai sujet. Même constat que pour le logement social: les réalisations d’acteurs comme l’Université doivent aussi être prises en compte dans le panorama. Promoteurs privés et particuliers fournissent également de nombreux logements estudiantins. Nous allons nous atteler davantage aux besoins des jeunes travailleurs, qui ont souvent des difficultés à trouver un logement accessible. C’est un des points qui me tient le plus à cœur.

Comment collaborez-vous avec les autres ministères?

«Il est important de souligner que le ministère du Logement n’est pas actif sur le terrain réglementaire. Il n’a pas d’impact direct sur les procédures, lois et autres règlements. Il dépend d’autres ministères pour relayer ses revendications. Nous travaillons de concert avec les ministères du Développement durable, de l’Environnement, de l’Intérieur… Le logement nécessite un vrai travail interministériel. Notre rôle est transversal. C’est celui d’intermédiaire et de facilitateur. On ne peut rien décider seuls, mais on peut initier des discussions et y insuffler une certaine forme de créativité.

Quel suivi faites-vous des nouveaux modèles d’habitat comme la colocation, en pleine explosion?

«Il est vrai que la colocation et la sous-location sont, aujourd’hui, entrées dans les mœurs, en particulier auprès des stagiaires et des jeunes actifs. Encadrer ces nouveaux usages par une loi pour limiter les abus figure dans notre to do list. Nous suivons cela de près. Pour chaque nouveau modèle, le cadre légal doit suivre.

Pour pallier le manque de logements sociaux, trouver des solutions privées est impératif

Y a-t-il des villes qui peuvent servir d’inspiration au Luxembourg?

«Beaucoup d’idées nées à l’étranger peuvent être intéressantes. Je pense notamment aux formes de logement créatives qui fleurissent en Suisse et en Allemagne, comme les coopératives qui rassemblent plusieurs familles et générations. En France, l’usufruit social locatif est une des pistes intéressantes à suivre. Il faut réfléchir à la meilleure manière de l’adapter au contexte luxembourgeois. L’innovation vient souvent du bas, à savoir des citoyens. C’est passionnant à surveiller.»

Endiguer la hausse des prix
Garantir un accès au logement
Dans le chapitre consacré à l’habitat au cœur de son programme, le gouvernement se fixe comme priorité de contenir l’évolution des prix sur le marché immobilier, et ce grâce à deux piliers: augmentation soutenue de l’offre de logements et de terrains constructibles.

L’accès au logement participe d’une bonne cohésion sociale de toutes les couches de la société. Trois paquets d’actions ont été prévus pour élargir le parc disponible le plus vite possible: une mobilisation des terrains à bâtir, grâce au recours aux réserves publiques, ainsi qu’à une étroite collaboration avec les communes; la dynamisation de la création de logements sociaux/à coûts modérés et une réforme rapide de l’impôt foncier et des subsides au logement. Une fois viabilisées, les nouvelles zones d’habitat pourraient être réservées en priorité aux familles en difficultés ou aux petits revenus. La révision du Pacte logement, la simplification des procédures administratives liées à la construction et la refonte du Fonds du logement font partie des autres priorités. Le fil rouge du volet immobilier du programme gouvernemental: les acteurs publics devront s’engager de manière de plus en plus active sur le terrain du logement et prendre leurs responsabilités. Pour cela, des institutions comme l’Agence immobilière sociale sont amenées à prendre plus de poids.