Ricardo Salgado, l’ancien patron et fondateur de Banco Espirito Santo et de ses sociétés satellites au Luxembourg, n’a pas pu aller témoigner devant la police judiciaire luxembourgeoise qui l’avait convoqué le 25 novembre dernier, officiellement parce que son témoignage pourrait porter ombrage à l’enquête au Portugal sur le naufrage du groupe Espirito Santo.
De source judiciaire à Lisbonne, on a appris que le «super procureur» du Parquet de Lisbonne, Jorge Rosario Teixeira, qui est également chargé du dossier de l’ex-Premier ministre José Socrates, est opposé à ce que Ricardo Salgado se rende au Luxembourg dans le cadre de l’enquête judiciaire ouverte en mai dernier pour infraction à la loi sur les sociétés. Cette enquête, confiée au juge Stéphane Maas, vise trois sociétés holding luxembourgeoises de la famille Espirito Santo, Espirito Santo International, Espirito Santo Control et Espirito Santo Financial Group, toutes déclarées en faillite.
Après avoir été avisé de la convocation officielle de l’ancien patron et fondateur de Banco Espirito Santo (BES) devant les policiers luxembourgeois, le Procureur de Lisbonne a donné un avis négatif, le 19 novembre dernier. Également sollicité, le juge d’instruction portugais Carlos Alexandre a, à son tour, rendu un avis négatif, empêchant ainsi Salgado de quitter son pays.
Entrave à l’enquête portugaise?
La justice portugaise aurait adressé une lettre recommandée aux avocats de Salgado au Luxembourg le jour où il était convoqué comme témoin au siège de la police judiciaire à Luxembourg. Il aurait ainsi été entendu dans le cadre de l’enquête indépendante que les autorités luxembourgeoises ont initiée en mai dernier, après la découverte d'irrégularités comptables au sein de Espirito Santo International. La holding familiale est soupçonnée d'avoir passé sous silence une perte de 1,3 milliard d'euros.
Selon le journal portugais Correio da Manhä (29 octobre), l’ancien homme fort d’Espirito Santo avait été convoqué au Grand-Duché une première fois en octobre de manière informelle pour être entendu sur une base volontaire, mais la justice de son pays se serait opposée une première fois à son déplacement, motivant ce refus par le fait que leurs homologues au Grand-Duché devaient actionner officiellement les mécanismes de coopération judiciaire, en leur adressant par exemple une commission rogatoire internationale.
Après avoir essuyé ce premier refus, les enquêteurs luxembourgeois lui ont envoyé une convocation officielle qui était fixée au 25 novembre et à laquelle il n’a donc pas pu se rendre. Pour avoir une chance d'entendre au Grand-duché l'un des personnages clefs du dossier luxembourgeois, il leur faudra donc faire un troisième essai en utilisant des moyens plus forts, mais plus conventionnels, en adressant une commission rogatoire internationale à Lisbonne.
Contacté par Paperjam.lu, Me François Prum, l’avocat de Ricardo Salgado à Luxembourg, a confirmé le refus des autorités portugaises d’autoriser son client à collaborer avec la justice luxembourgeoise, alors qu’il est le principal visé par l’enquête judiciaire. «C’est anormal, a déclaré l’avocat, et cela témoigne d’un mépris total à l'égard de la justice luxembourgeoise de vouloir ainsi empêcher mon client de collaborer avec la justice du Luxembourg, sous prétexte que son témoignage pourrait entraver le cours de l’enquête à Lisbonne.»
L’ancien commissaire aux comptes d’ESI, Francisco Machado da Cruz ainsi que l’ex-directeur José Carlos Cardoso Castella ont déjà été entendus par la police judiciaire à Luxembourg dans le cadre de l’enquête grand-ducale. Jusqu'à présent, il n'y a pas eu d'inculpation par le juge Maas.
Ricardo Salgado devrait être entendu le mardi 9 décembre par les députés portugais dans le cadre de l’enquête parlementaire initiée après le naufrage de l’empire Espirito Santo. Il avait été écarté de la direction de BES en juin dernier par la Banque du Portugal.