Le projet de méga-zone urbaine d'Esch-Belval est devenu officiellement hier un projet commun avec la Lorraine. Henri Grethen, le ministre de l'Economie, s'est déplacé en personne, à Metz, pour signer cet accord de principe avec Frédéric de Saint-Sernin, le Secrétaire d'Etat à l'Aménagement du Territoire en France.
Rappelant aux membres du comité de suivi sa naissance à Esch-sur-Alzette et ses vacances passées de l'autre côté de la frontière, à Russange et Rédange, le ministre n'a pu que se féliciter de "cette collaboration née sur les cendres de la sidérurgie". "Dans un passé qui n'est pas si lointain, la frontière ne nous séparait pas. Avec l'ouverture de l'Europe à 25, elle ne devrait plus nous séparer du tout", a-t-il insisté.
Au-delà des intentions, la Lorraine n'a surtout plus le sentiment de récupérer les miettes d'un projet d'1 milliard d'euros d'investissements publics et créateur de plus de 20.000 emplois d'ici 15 ans. "Nous nous sommes arrimés au projet", a confirmé le Secrétaire d'Etat français. Le déclic: l'échange d'un territoire de 8,75 ha le long de chaque côté de la frontière. Sur les 8,75 ha qui lui seront cédés par Russange, le Grand-Duché a prévu d'installer des parkings P R. En contrepartie, les communes de Russange et Rédange devraient utiliser les 8,75 ha qu'elles récupèrent pour y créer un parc d'activités du bassin de l'Alzette d'environ 20 ha.
"Ce projet est voué à dynamiser le triangle Longwy-Thionville-Luxembourg; il s'agit de rechercher des complémentarités et d'éviter la concurrence", a cependant rappelé Frédéric de Saint-Sernin. Mais comment l'éviter sachant que les entreprises qui viendront s'installer sur le parc d'activités du bassin de l'Alzette ne seront pas soumises au même régime? "Une adaptation est sûrement nécessaire pour aplanir le différentiel fiscal entre les deux pays. Il faut qu'on soit un peu incitatif", a concédé M. de Saint-Sernin.
La réponse semble plutôt à chercher du côté des projets eux-mêmes. Installé à proximité immédiate du site de Belval-Ouest, le parc d'activités lorrain bénéficiera forcément de son rayonnement. Dans un premier temps, il pourrait accueillir les projets dont le Grand-Duché ne veut pas (comme les hôtels) mais aussi ceux qui ont davantage intérêt à s'installer en France.
Le coût élevé des surfaces immobilières au Luxembourg rend en effet plus intéressant une externalisation des activités fortement consommatrices d'espace. D'après une étude confiée au cabinet Ernst&Young en octobre 2003, les activités industrielles légères, de support aux entreprises de Belval et d'entreposage/archivage auraient ainsi leur place sur ce parc de l'Alzette. L'étude suggère également qu'une entreprise puisse séparer ses fonctions. La partie tertiaire (siège social) serait sur le sol luxembourgeois et la partie activités (production légère, logistique) en France.
Pour autant, rien de cela ne pourra se faire tant que le secteur n'aura pas été désenclavé. D'où cette deuxième convention signée également hier, par les deux parties, dans laquelle le Grand-Duché s'engage à construire une route qui desserve Belval depuis l'A30 française et l'A4 luxembourgeoise ainsi qu'un giratoire.
Luxembourg devient ainsi maître d'ouvrage de l'opération y compris sur la partie de territoire appelée à devenir luxembourgeoise d'ici a priori quatre ans ; le temps estimé pour effectuer les modifications législatives nécessaires. En France, les conseils généraux de Moselle et de Meurthe-et-Moselle complèteront ce dispositif en construisant la route d'accès au giratoire avec l'aide du Fonds structurel européen soit, pour l'instant, un coût d'un peu plus de 15 millions d'euros. Cette route pourrait entrer en service en 2008 à peu près au même moment où le parc d'activité du bassin de l'Alzette deviendrait commercialisable.
Dans l'esprit de coopération transfrontalière qui transparait au travers de ce projet, il semble quasiment acquis qu'il y ait à l'avenir une commercialisation commune des deux entités, voire une recherche concertée des investisseurs.