Erny Gillen, septième du Paperjam Top 100 édition 2014. (Photo: Mike Zenari)

Erny Gillen, septième du Paperjam Top 100 édition 2014. (Photo: Mike Zenari)

Dans un pays où les relations entre l’Église et l’État sont régies par des conventions inscrites dans la Constitution, le rôle du vicaire général – la plus haute instance de la religion catholique après l’archevêque – est, naturellement, prépondérant. Lorsque ce même vicaire se trouve être le président du conseil d’administration du groupe de médias (propriété de l’archevêché) éditant le premier quotidien du pays, ce rôle prend une dimension tout autre.
Avec cette double casquette, Erny Gillen, 54 ans, également un des piliers de l’organisation Caritas au Luxembourg, est devenu un personnage incontournable, porté par des convictions fortes et qui mise avant tout sur le collectif plutôt que sur l’individuel: «Une personne influente l’est toujours avec d’autres, pour d’autres. Dans une position où l’on peut avoir de l’influence, il faut savoir exposer ses arguments et les confronter dans le dialogue avec ceux des autres et voir ceux qui ont le plus de valeur. Et surtout ne pas vouloir s’entêter.»
En matière de dialogue, Erny Gillen est, à l’heure actuelle, plutôt servi, alors que le gouvernement a inscrit dans son programme sa volonté de dénoncer les conventions existantes pour entamer des négociations avec les cultes et lancer une discussion sur leur financement. Un débat qui va évidemment bien au-delà de la seule Église catholique. «Le fait religieux est un fait réel. Il est multicolore et multiple, comme bien d’autres choses dans la société, à commencer par le gouvernement», note M. Gillen, satisfait de voir que certaines idées préconçues initiales ont été aplanies au travers d’un dialogue qu’il est satisfait de voir «constructif»: «On parle aujourd’hui davantage de moderniser ces relations existantes qui, rappelons-le, sont une invention non pas de l’Église, mais de Napoléon qui a voulu prendre la force économique de l’Église pour la contrôler politiquement et administrativement. La rupture qui se profile sera peut-être plus grande qu’on peut le croire, mais pas totale non plus. Nous sommes de toute façon favorables à une évolution harmonieuse de la situation actuelle, en partage avec les autres religions et qui soit plus en adéquation avec notre temps. Le besoin du religieux reste entier, mais ce besoin demande d’autres prestations que ce qu’on pouvait offrir il y a 40 ou 200 ans. L’offre et la demande sont en train de trouver de nouvelles adéquations, ce qui est normal.»

Pour un modèle économique moral et éthique

Convaincu que l’Église, dans sa dimension missionnaire, ne doit pas être vue comme étant un facteur du passé, rappelant qu’elle a souvent été, dans son histoire, plutôt un facteur de l’avenir, M. Gillen regrette certaines orientations de financements prises par le gouvernement allant à l’encontre de la famille: «On sous-estime le rôle que la famille, dans ses formes les plus plurielles, joue au niveau de la sécurité et de la cohésion sociale. Si on veut construire une société capable d’évoluer d’elle-même vers un avenir, il faut miser sur la famille plutôt que sur d’autres individualisations des droits, ce qui ne nous mènera pas dans la cohésion sociale, mais plutôt à une rupture.»
Satisfait de voir que le gouvernement est rapidement passé à l’acte en matière de disparition définitive du secret bancaire, il espère désormais que le pays trouve sa place au niveau mondial dans sa globalité, «avec un modèle économique qui tient la route, non seulement au niveau légal, mais aussi moral et éthique, dans lequel le gain fait partie de l’effort économique général. Il faut revenir à la notion de production de biens et des acteurs qui travaillent pour et avec leur argent et non pas avec l’argent des autres pour les autres».

Le jury dit de lui:

«Homme d’Église, mais aussi inspirateur et dirigeant d’un ensemble de services sociaux indispensables, il sait manier la responsabilité entrepreneuriale et la spiritualité à un moment crucial pour l’Église, dont l’État veut maintenant se séparer.»

Erny Gillen

  • 54 ans
  • Vicaire général
  • Président du groupe Saint-Paul
  • Président de Caritas Europa
  • Premier vice-président de Caritas Internationalis