Une nouvelle maison d’édition naît au Luxembourg. Une entreprise littéraire et un défi économique. Mue par un trio qui se lance, Hydre Editions sort deux pièces de théâtre d’ici quelques jours. Interview de Ian De Toffoli, auteur et, désormais, éditeur.
M. De Toffoli, qui est derrière Hydre Editions ?
« Nous sommes trois amis : Pitt Simon, Luc Schiltz et moi-même, à l'origine de cette maison d'édition. L'envie ne nous est pas venue spontanément, c'est plutôt le résultat d'une très longue maturation. Au cours de mes années de thèse à la Sorbonne à Paris, et au cours de mon travail de critique littéraire (pour D’Land ou le Tageblatt), s'est développé quelque chose comme un besoin de faire plus que de l'analyse. Comme une envie de mettre à l'épreuve tout ce que j'avais appris en fréquentant les gens du milieu littéraire en France et au Luxembourg.
Pas évident de créer une société, aujourd’hui, dans ce domaine. Un risque ?
« Des gens autour de nous nous ont effectivement fait ce genre de remarque. Certes il y a un risque, car nous y avons mis de l'argent, mais nous n'avons pas fondé une multinationale au capital pharaonique. C’est une petite maison d'édition, pour publier et promouvoir des auteurs luxembourgeois (et autres) qui ont envie que leurs livres aient un certain suivi, surtout au niveau européen, assuré par des personnes qui s'y connaissent, contrairement à ce qui se passe souvent dans le milieu éditorial luxembourgeois. Le financement, nous l'assurons donc en partie nous-mêmes, avec un soutien du Fonds culturel national et de de la Fondation d'été. Mais comme je viens de le préciser, nous sommes une petite maison, nous prévoyons environ trois publications par an, pas plus. Il s'agira avant tout de bien faire circuler nos livres - voilà le vrai travail - et non pas d'en produire une douzaine par an qui pourriront dans une cave humide. Pour démarrer, nous assurerons à trois les tâches organisatrices et exécutives de Hydre Editions.
Quelles seront vos premières productions ?
« Hydre Éditions a l’envie de publier des livres ambitieux. On s’est donc assuré le soutien d’un comité de lecture composé d’écrivains, de chercheurs universitaires, de réalisateurs, d’acteurs luxembourgeois, belges, exilés à Paris, Bruxelles, Berlin. On peut citer notamment Stéphane Roussel ou Elise Schmit. L’identité visuelle des livres est assurée par un typographe luxembourgeois de la vieille école, Michel Welfringer, vivant et travaillant à Paris et à Bruxelles. Hydre Éditions commence par une collection de livres de théâtre. Les deux premières pièces, ‘Monocle, portrait de S. von Harden’ de Stéphane Roussel et ‘L’Homme qui ne retrouvait plus son pays’ suivi de ‘Microdrames’, que j’ai écrites. paraîtront vers la mi-juin 2012. Monocle est actuellement en tournée (avec, notamment, une date prévue au Monodrama Festival au Luxembourg, et deux au Centre Pompidou de Metz) et L’Homme qui ne retrouvait plus son pays sera montré, à partir du 29 juin, au Théâtre National du Luxembourg.
Peut-on parler de business plan ?
« Cela sonne toujours un peu amusant quand il s'agit d'une société qui ne comporte, en somme, aucun véritable salarié. Mais nous avons un plan très précis. Nous commençons par le théâtre, un genre qui se porte assez bien au Luxembourg, mais qui, bizarrement, se trouve tout à fait déconnecté du milieu littéraire. D'ailleurs, on a souvent l'impression qu’il existe une méfiance mutuelle entre le monde littéraire et le milieu théâtral. Ce qui est, évidemment, dommage, car le ralliement de ces deux mondes n'a que des avantages, ne serait-ce qu'un plus grand lectorat. Nous tenterons donc de rejoindre les deux bouts. En outre, la publication de textes de théâtre nous permet plus facilement d'établir un réseau, de suivre des auteurs en tournée, de faire leur promotion, de les faire connaître au-delà de nos frontières, et, ainsi, d'élargir encore notre public.
Le marché de l'édition n’est-il pas parfois chahuté ?
« Si vous parlez des différends que peuvent avoir certains éditeurs entre eux, ou avec le ministère de la Culture, nous allons sagement, et simplement, ne pas nous en mêler. C'est une discussion souvent stérile. Il ne faut pas cracher dans la soupe, ce que beaucoup de gens ont tendance à oublier, chez nous. D'un autre côté, il est clair que la littérature n'a pas le même glamour que le cinéma, il n'attire pas les producteurs étrangers. Et j'imagine que la phrase "Pourquoi mettre de l'argent dans quelque chose qui produit si peu de résultats?" doit souvent revenir quand on parle d'elle au ministère. C’est dommage. Mais il ne faut pas non plus oublier que le peu de visibilité de la littérature luxembourgeoise n'est pas toujours imputable à un manque de subventions… »