Laszlo Czero est le CEO de Docler Holding. (Photo: Jessica Theis)

Laszlo Czero est le CEO de Docler Holding. (Photo: Jessica Theis)

Monsieur Czero, quels enseignements tirez-vous des débuts rapides de Docler Holding en 2001 en tant que projet «garage»?

«Les débuts de la société en Hongrie se sont déroulés dans des conditions relativement artisanales et parfois compliquées, mais ces conditions nous ont permis d’apprendre une certaine forme de discipline et un goût pour le travail.

Après les premières phases de développement, nous avons été rapidement confrontés à des limites quant à notre expansion en matière de transactions et de connexions avec les grands pays occidentaux. D’où le choix de déménager et de rejoindre le Luxembourg. Notre pari a été l’ouverture d'une offre de livestreaming dès 2001, à l’époque où les services de ce type n’étaient pas encore répandus sur le plan mondial.

Peut-on parler d’un tournant qui a entraîné des changements en cascade?

«Ce lancement a effectivement marqué toute une série de décisions entrepreneuriales, qu’il s’agisse du lancement de plusieurs autres sociétés actives dans l’IT, tout en nous assurant nos propres ressources techniques via la mise en place de serveurs, de réseaux, d’interfaces ad hoc en interne. Cette expansion a été couplée avec l’arrivée de nouveaux clients et donc l’engagement de collaborateurs supplémentaires.

Vous figurez parmi les leaders des services de loisirs pour adulte en ligne. Comment parvient-on à se maintenir à cette position?

«Si le contenu joue une part non négligeable dans notre réussite, la base technologique est essentielle pour rester leader. Or, cette position est très fragile. Nous devons donc en permanence trouver et anticiper les évolutions du marché.

Vos programmes reposent sur la contribution de collaborateurs proposant un contenu face caméra. Quelle maîtrise assurez-vous de ce contenu?

«De nombreuses demandes de collaboration nous parviennent, que nous devons ensuite filtrer en fonction du sérieux des propositions de services. Mais le plus grand bénéfice de nos services, qui reposent sur l’interactivité, est de pouvoir disposer d’un retour en direct des utilisateurs, actuellement 1 million, de nos différents sites internet. Ils peuvent donc s’exprimer à l’égard de la qualité en direct.

Quelles sont les prochaines évolutions majeures de la société?

«Nos projets originaux étaient naturellement centrés sur une utilisation via PC’s. L’émergence récente et rapide de l’utilisation des outils mobiles, smartphones ou tablettes, ouvre d’autres voies pour les services de livestreaming. Après plusieurs tests, nous avons récemment lancé trois nouvelles applications sur base de l’acquis technologique et de notre connaissance de la consommation des contenus vidéos.

La première concerne un navigateur qui est dédié à l’accès à des contenus vidéo HD. La seconde permet de naviguer à distance sur une smartTV depuis un smartphone. Nous allons prochainement l’étendre aux jeux vidéos et la proposer aux développeurs web gratuitement. La troisième est relative à une communauté de services liverstream consacrés à la spiritualité que nous avons lancés dernièrement.

Est-ce à dire que le modèle économique du livestream n’a pas de limites?

«Nous remarquons en effet un intérêt exponentiel pour les contenus en direct par le biais de webcam. Qu’il s’agisse de loisirs adulte ou de spiritualité. Les utilisateurs recherchent avant tout l’authenticité de l’interaction qu’ajoute la caméra à toute autre forme de chat en ligne.

Le contenu en direct ne pouvant pas être copié, le business model qui se bâtit autour de cette voie est validé par l’usage qu’en font les clients. Transposé à destination d’autres cibles, d’autres secteurs, ce modèle nous laisse présager d’autres développements importants, comme dans le domaine B2B. Nous prévoyons d’ailleurs de mettre sur le marché une application permettant de diffuser en livestream une vidéo HD prise depuis une webcam de smartphone vers un site internet.

Pourriez-vous investir le champ de la télévision, sous d’autres formes?

«Toujours sur base de l’interactivité et du livestreaming, nous pensons bâtir de véritables chaînes TV. Elles seraient coordonnées et diffusées depuis le Luxembourg, mais une bonne partie du contenu serait produite à l’étranger, puisque nous les destinons dans un premier temps au marché anglophone.

Était-ce plus difficile de recruter en Hongrie pour vos besoins techniques?

«Le marché étant petit et n’offrant pas, à l’époque, suffisamment de ressources qualifiées, nous aurions dû faire appel à des collaborateurs supplémentaires en dehors des frontières. Ce que nous avons effectué, avec un retour mitigé. Hormis d’éventuelles recrues en provenance des régions avoisinantes en Allemagne, la Hongrie ne représentait pas un intérêt majeur pour les spécialistes de l’IT à la recherche d’un challenge. D’où notre volonté de nous rediriger vers un pays plus propice en la matière.

Après quelques mois de présence au Grand-Duché, Luxembourg est-il suffisamment attractif pour répondre à vos besoins?

«Nous avons constaté que le pays continue de représenter une voie d’avenir pour beaucoup de personnes qui nous font part de leur candidature spontanée et n’hésitent pas à prendre l’avion en provenance d’Espagne ou d’Italie pour un entretien d’embauche. Il est donc effectivement aisé de convaincre des jeunes recrues étrangères de venir s’établir au Luxembourg.

Quelles sont les activités de votre groupe qui sont concentrées au Luxembourg?

«La plupart des opérations liées à nos sites internet sont gérées au Luxembourg, dont le marketing, le support à nos clients ainsi que la gestion administrative de nos différentes sociétés.

Quelle est la composition de votre équipe?

«Nous regroupons plus de 20 nationalités et employons quelque 350 personnes. Nous ambitionnons d’embaucher une centaine de nouvelles recrues dans les trois prochains mois. Il s’agit de profils plutôt expérimentés, du niveau de directeur, mais aussi dans l’administratif et la gestion légale.

D’un point de vue entrepreneurial, était-ce aisé de s’établir au Luxembourg?

«Notre arrivée s’est déroulée sans encombre. Nous voulions trouver un pays permettant d’établir notre centre de décision avec suffisamment de confiance pour l’envisager sur le moyen et long termes. En tant qu’entrepreneur étranger, je dois souligner que la stabilité politique du pays est réellement un atout pour envisager une évolution avec une perspective suffisante.

Je remarque d’ailleurs que l’ouverture des autorités à l’égard des entrepreneurs étrangers est bien une réalité. Après avoir loué des bureaux à Strassen, nous sommes maintenant établis durablement dans nos locaux du Kirchberg et je pense que nous avons réellement trouvé notre home country pour coordonner nos opérations et notre expansion. Nous entendons aussi nous intégrer davantage dans le tissu économique du pays pour apporter notre expertise IT et faire en sorte que de nouvelles niches puissent être explorées.

Le Luxembourg est-il sur le bon chemin pour devenir un hub international de l’ICT?

«Le Luxembourg est clairement sur la bonne voie en ce qui concerne les infrastructures, grâce au soutien et aux investissements opérés par le gouvernement durant les dernières années. Le niveau professionnel du secteur a aussi fortement évolué. Nous voulons d’ailleurs y apporter notre contribution à l’avenir.

Je pense cependant qu’il manque encore un certain vivier de potentiels entrepreneurs locaux, qui pourraient constituer la prochaine génération de créateurs d’entreprise, notamment dans l’ICT. Il y a probablement un certain potentiel à concrétiser en la matière, entre les apporteurs d’idées et les spécialistes capables de les soutenir dans leur projet, qu’il s’agisse de conseillers ou de financiers.

Est-ce facile pour une société récente de s’intégrer dans la vie sociale du pays?

«Nous voudrions réellement être perçus comme une société luxembourgeoise, faite par des gens d’ici, qu’ils soient résidents ou frontaliers. D’où notre implication de plus en plus grande dans la vie associative via différentes actions de soutien ou la participation à des événements, qu’ils soient B2B ou grand public.

Quelle est votre impression personnelle concernant le Luxembourg?

«Je pense avoir trouvé un nouveau pays d’attache, j’espère sur le long terme. Je ne comparerais pas forcément le Luxembourg à mon pays natal, mais j’avoue apprécier la bonne organisation générale qui se dégage du Grand-Duché. On sent clairement la combinaison entre le tempérament latin et la rigueur germanique. J’observe par ailleurs que le cadre de vie, tant d’un point de vue culturel que des loisirs, s’est amélioré ces dernières années. Une partie de l’offre des grandes capitales voisines n’est pas encore représentée, mais cela viendra probablement, tout en sachant que Luxembourg bénéficie d’un confort de vie et d’une certaine sécurité qu’il faut garder, comparativement aux plus grandes métropoles.»

Parcours

IT native

D’origine hongroise, Laszlo Czero (33 ans) y a effectué ses premières expériences professionnelles. Des débuts qui étaient marqués par des conditions de marché plus difficiles qu’en Europe de l’Ouest, ce qui lui a permis de se forger une carapace pour avancer dans la vie professionnelle. Son intérêt pour l’IT n’est pas neuf, puisque dès le début de son adolescence, il s’était passionné pour la programmation informatique, au point de monter sa propre société à l’aube de ses 20 ans. Quelques années plus tard, il croise, à 25 ans, le chemin du fondateur de Docler Holding, György Gattyán. La structure, qui deviendra une holding internationale, n’était alors qu’à ses balbutiements. Une rencontre qui influencera le parcours de Laszlo Czero, qui, séduit par l’enthousiasme de son fondateur, travaille auprès du spécialiste du chat vidéo depuis 2005. Tout en gardant en tête l’inspiration de Bill Gates, un modèle dans l’entrepreneuriat et l’expansion rapide d'une société devenue empire informatique.