« Nous devons  conserver notre avance technologique. » Olivier Raulot (Photo : Olivier Minaire)

« Nous devons conserver notre avance technologique. » Olivier Raulot (Photo : Olivier Minaire)

Malgré son très jeune âge, Inui Studio jouit d’une certaine renommée au Luxembourg, grâce notamment aux solutions spectaculaires qu’elle fournit dans le domaine des interfaces naturelles. Sa direction ne développe pas encore le business model comme elle l’entend, mais souhaite se reconcentrer sur de nouveaux programmes pour lancer, une fois pour toutes, la vente de licences en masse.

Derrière un jargon et une technologie d’apparence élitistes, les interfaces naturelles (natural user interface) sont en passe de révolutionner l’informatique. Adieu souris et claviers. Le contact avec la machine s’effectuera bientôt exclusivement via des gestes, la parole ou encore des regards. Olivier Raulot, CEO et fondateur d’Inui Studio, souhaiterait exploiter ce qu’il aime à qualifier d’événement « disruptif », de bouleversement majeur sur le marché. L’ambition consiste à accompagner l’arrivée de cette technologie au moyen d’applications, de solutions verticales dédiées aux affaires. « Nous bénéficions de l’effet ‘wow’ qui marque les esprits, dit-il, mais nous offrons, en plus, une vraie fonctionnalité. La technologie ne fait pas seule le business. »

La direction de la start-up a dégagé deux créneaux. Le premier consiste à produire des logiciels permettant d’intégrer la reconnaissance de geste dans l’informatique, au quotidien. Les supports matériels sont produits par les marques partenaires, Microsoft et Samsung. Les programmes sont, quant à eux, distribués via un réseau de revendeurs. L’objectif est d’inonder le marché européen. Pour l’instant, seuls trois partenaires commerciaux distribuent le produit au Luxembourg (RealDynamics), en France (2iu) et en Belgique (Create multimedia).

Le deuxième générateur de cash-flow est le développement d’un logiciel et d’une structure, adaptés à une demande propre. Ce marché a bien pris au Luxembourg, où la start-up a joui d’une couverture médiatique importante, notamment grâce au prix obtenu par son fondateur au concours Creative Young Entrepreneur Luxembourg (Cyel). Du coup, les commandes se sont multipliées.

La Banque et Caisse d’Épargne de l’État (BCEE) a d’abord fait l’acquisition (pour un montant de 200.000 euros) d’une vitrine interactive pour son agence du centre commercial la Belle Étoile. Cet été, la société Hitec, spécialisée dans la communication satellite, a commandé un logiciel de control room sur écran tactile grand format. Et les exemples se multiplient.

Cette activité constitue, par conséquent, 65  % du revenu de la société — qui atteindra le seuil de rentabilité en fin d’année — alors que l’objectif serait plutôt de 20  %. Olivier Raulot désire en fait, avec une équipe restreinte, « générer un gros chiffre d’affaires » par son positionnement d’éditeur de logiciel.

La vente de licences permettant de dégager plus de marge, elle est le business privilégié par la direction. Par là même, elle tirerait parti du régime luxembourgeois de la propriété intellectuelle.

Au rayon réglementaire encore, la loi du 5 juin 2009, sur la recherche et l’innovation, a également permis à la start-up d’obtenir un soutien financier de l’État qui l’a accueillie. Son CEO avait prospecté dans la Grande Région, pour décider où l’installation serait la plus propice. « Nous avons regardé en France. C’est incomparable. En Belgique, c’est un peu mieux. Au Luxembourg, nous bénéficions d’une vraie proximité avec les décideurs. Il s’agit d’un milieu idéal pour démarrer et, d’ailleurs, je me demande même pourquoi le réseau de start-up innovantes n’est pas davantage étoffé », confie Olivier Raulot. Il serait exagéré de dire que l’Ecostart sonne creux. Neuf sociétés profitent des structures de Foetz. Leur potentiel n’est cependant pas assez exploité aux yeux de l’entrepreneur.

Mais pas de temps à perdre dans des considérations économico-politiques. La jeune pousse doit avancer et, notamment, travailler sur la recherche, pour conserver son avance technologique. Deux ingénieurs supplémentaires sont en passe d’être recrutés pour remplir cette tâche. Ils ne manqueront pas de travail, car les idées fourmillent dans les têtes du trio d’associés (Augusta Guernier est en charge du project delivery, Mathieu Lozinguez de la partie technique). Une technique de digital signage 2.0 est en cours d’élaboration. Il ne s’agira plus seulement d’un affichage dynamique, mais d’un écran qui prendra des renseignements sur son utilisateur, pour lui apporter l’information adaptée à son profil. Imaginons qu’une vitrine-écran de grande enseigne du prêt-à-porter propose les vêtements qui conviennent au genre et à la taille de l’utilisateur. Des logiciels répondant à une demande de différents secteurs d’activité sont également dans les cartons. Le domaine hospitalier, avec de la domotique guidée par la voix ou les gestes, ou celui du loisir, avec des applications ludiques, renvoyant l’usager dans l’univers de la marque.

Le mobilier urbain fait également partie des créneaux visés. Le groupe JCDecaux a mandaté Inui Studio pour développer le premier abribus commandé par le geste. Nul doute qu’une ville comme Luxembourg s’équipera un jour de ce type d’infrastructure de communication qui, de surcroît, contourne les problèmes de transmission microbienne… Les débouchés sont très nombreux, et le potentiel de développement de la start-up proportionnel.

Le défi consiste donc pour elle à gérer son succès, à juguler le foisonnement de solutions sur mesure, pour se consacrer à la conception de programmes génériques d’exploitation des interfaces naturelles. Il lui faudra également lutter avec la concurrence, le cas échéant. Pour l’instant, Olivier Raulot
ne s’en inquiète pas outre mesure.

Il est vrai que les concurrents directs, dans le secteur des logiciels destinés aux entreprises, sont peu nombreux. Il n’est cependant pas exclu qu’un acteur majeur du secteur se lance sur ce créneau. Auquel cas, Inui préfèrerait certainement être embarqué à bord, plutôt que de passer sous les roues. L’avènement d’une nouvelle technologie disruptive représente également une menace. Le boîtier de LeapMotion, voué à remplacer la souris, en constitue un exemple. Inui Studio ne se disperse pas pour autant, et indique faire au mieux ce qu’elle sait faire.  

 

Financement - Venture Capital

Les fondateurs de la start-up se sont davantage creusé la tête pour la recherche de financement que pour l’élaboration du business plan. Après avoir prospecté auprès des banques, de l’État et des business angels, les associés ont opté pour une combinaison des deux dernières solutions, en sus d’une partie de fonds propres. Et grâce au mécanisme de primes d’émission, ils ont pu ne pas trop céder de pouvoir à Rollinger Venture Capital, finalement détenteur de 13 % d’Inui.