Si les marchés financiers semblent réagir favorablement à la suite de l’élection de Donald Trump, il faut toutefois rester prudent, selon Bertrand Schmeler. (Photo: CBP Quilvest)

Si les marchés financiers semblent réagir favorablement à la suite de l’élection de Donald Trump, il faut toutefois rester prudent, selon Bertrand Schmeler. (Photo: CBP Quilvest)

Alors que les observateurs annonçaient un véritable cataclysme en cas de victoire de Donald Trump, la réaction de Wall Street a été très favorable. Le Dow Jones a augmenté de plus de 5% et les actions domestiques de plus petite taille – celles-là mêmes censées bénéficier d’un plan de relance massif de l’économie américaine – ont bondi de 12% en une semaine. Cette véritable lune de miel entre les marchés financiers et Donald Trump est-elle amenée à durer?

Si l’on met de côté les aspects idéologiques et politiques de cette élection, notamment sur des questions d’environnement, d’immigration – qui auront sans nul doute des implications non négligeables à moyen long terme – les marchés financiers ont tout d’abord salué le fait que le nouveau président bénéficiera d’une majorité claire au Congrès, ce qui avait clairement fait défaut à l’administration Obama.

Ce sont principalement les promesses de campagne du candidat Trump qui ont encouragé les investisseurs au cours des derniers jours, ces derniers tentant d’anticiper leur impact sur l’économie américaine. Alors que les chiffres annoncés des baisses d’impôts attendues, cumulés aux plans de relance, donnent à eux seuls le vertige, des mesures protectionnistes pour favoriser les entreprises «made in US» viendraient compléter ce cocktail explosif et permettraient à la croissance américaine de dépasser les 3,5% au cours des prochaines années.

Encore faut-il que ces promesses soient suivies d’actions concrètes. Dans ce domaine, l’observation des précédents mandats présidentiels, de tout bord politique, nous invite à la prudence. D’autant plus que le programme de Donald Trump est riche en contradictions. Rien n’indique en effet que les républicains, d’habitude peu enclins à voter en faveur de la hausse des déficits publics, soutiendront un programme dont la mise en place augmenterait de 2% par an les déficits budgétaires rapportés au PIB, faisant repasser la dette américaine largement au-delà de 100% du PIB. Ces mêmes déficits, devant être majoritairement financés par les pays étrangers (le Japon, mais surtout… la Chine!), on voit mal comment M. Trump compte rassurer les investisseurs chinois d’un côté et de l’autre imposer des droits de douane aux importations… chinoises.

À ce stade du cycle économique (7e année consécutive de croissance, situation de plein emploi), la mise en œuvre d’une telle politique pourrait apporter plus d’inflation que de croissance, une nouvelle donne face à laquelle la Réserve fédérale serait amenée à réagir plus fortement que prévu. Les marchés l’ont d’ailleurs déjà anticipée, alors que les taux obligataires à 10 ans sont passés de 1,7% à 2,25% en 5 jours; un mouvement qui, compte tenu de la cherté des marchés obligataires mondiaux, n’en est peut-être qu’à ses débuts.

Si la réaction initiale semble favorable aux marchés financiers, cet ensemble de facteurs incite à plus de prudence, d’autant plus que les valorisations du marché américain ne semblent pas très attractives, que les marges des entreprises sont déjà au plus haut et qu’à travers la hausse des emprunts obligataires, le marché perd un de ses principaux facteurs de soutien.

Dès lors, comment doivent se positionner les investisseurs européens suite à cette élection? Soutenu par les perspectives de hausse de taux, le dollar US (USD) devrait reprendre le chemin de la hausse face à l’euro et les investisseurs obligataires pourront privilégier les obligations à taux variable en USD.

Même si les taux des emprunts d’État européen peuvent légèrement remonter par contagion, le décalage de conjoncture entre les US et l’Europe et les interventions de la BCE sont de nature à soutenir les obligations d’entreprises en euros. À ce titre, le marché «high yield» européen continue d’offrir des rendements attractifs.

Enfin, il apparaît peu crédible que les États-Unis restent isolés du reste du monde de manière durable, dès lors les craintes liées aux mesures protectionnistes semblent peu fondées. Il faudra tirer parti de la correction actuelle des marchés émergents, victimes des craintes liées au ralentissement des échanges mondiaux suite aux élections. Des valorisations attractives et des fondamentaux meilleurs qu’au sein des pays développés semblent justifier un retour sur des marchés comme l’Asie émergente ou des pays tels que le Mexique, dont la devise semble aujourd’hui largement sous-évaluée.