Depuis 2013 et la mise en place d’une coalition à trois partis, les jeux se révèlent extrêmement ouverts pour la mise en place du futur gouvernement. (Photo: Nader Ghavami)

Depuis 2013 et la mise en place d’une coalition à trois partis, les jeux se révèlent extrêmement ouverts pour la mise en place du futur gouvernement. (Photo: Nader Ghavami)

Si, de l’avis général des observateurs, la campagne des législatives 2018 a été ennuyeuse, les résultats de dimanche soir devraient redynamiser la donne. Car, quels que soient les nouveaux rapports de force qui sortiront des urnes, les jeux resteront ouverts, conséquence directe de l’éjection du pouvoir du CSV en 2013 par la coalition DP-LSAP-Déi Gréng.

Tous les partis du gouvernement devront donc effectuer de savants calculs pour s’assurer une place dans une majorité qui devra obtenir au moins 31 sièges à la Chambre. Le nombre de mandats obtenus, mais aussi les affinités politiques, sera pris en compte. Tout comme certaines inimitiés, notamment personnelles. Dans ce contexte inédit, les enjeux sont élevés pour bon nombre d’hommes et de femmes politiques. Tour d’horizon.

  • Ceux qui risquent gros 

Parmi cette catégorie figure Xavier Bettel (DP), l’actuel Premier ministre. Troisième personnalité la mieux élue en 2013 (32.064 voix), derrière Jean Asselborn (LSAP, 38.257 voix) et Jean-Claude Juncker (CSV, 55.968 voix), il joue sa place à la tête de l’exécutif et risque, en cas de défaite de son parti, de retourner dans les rangs de l’opposition. À moins de recréer la surprise ou que les circonstances lui permettent de réitérer l’exemple de Gaston Thorn (DP). Son prédécesseur libéral à l’Hôtel de Bourgogne (1974-1979) était passé du ministère d’État à ceux des Affaires étrangères, du Commerce extérieur et de la Coopération, de l’Économie nationale et des Classes moyennes, et enfin de la Justice. Un cumul difficilement concevable de nos jours.

L’autre personnalité dont l’avenir politique pourrait basculer n’est autre qu’Étienne Schneider (LSAP), vice-Premier ministre depuis fin 2013 et ministre de l’Économie depuis février 2012. Car le chef de file socialiste n’a, jusqu’à ce jour, jamais été dans l’opposition depuis son entrée dans l’arène politique. Que ce soit au niveau local, à Kayl, où il a été premier échevin entre 2005 et 2010, ou au niveau national, le LSAP étant au gouvernement de manière ininterrompue depuis 2004 et la mise en place de la première coalition Juncker-Asselborn. À moins de réussir le pari lancé, à savoir devenir Premier ministre ou de négocier un accord de coalition avec un ou plusieurs partenaires.

Même incertitude en ce qui concerne Claude Wiseler (CSV), dauphin désormais officiel de Jean-Claude Juncker après le départ de ce dernier à la Commission européenne et la parenthèse à l’étranger de Luc Frieden. À 58 ans, l’ancien ministre de la Fonction publique, puis du Développement durable et des Infrastructures, se présente comme l’incarnation d’une force tranquille, en opposition aux «quadras en marche» de l’actuelle coalition gouvernementale. S’il ne parvient pas à faire revenir le CSV au pouvoir, sa carrière politique s’annonce compliquée, la jeune génération de chrétiens-sociaux incarnée par Serge Wilmes ou Stéphanie Weydert lorgnant d’ores et déjà en vue de 2023. En cas de succès, il devrait être le futur Premier ministre.

  • Ceux qui peuvent créer la surprise

Dans un contexte politique aussi ouvert, les scores obtenus par plusieurs primo-candidats seront scrutés de près. Ce sera notamment le cas de Fred Keup, professeur de géographie au lycée technique à Esch-sur-Alzette et fondateur du mouvement identitaire «Wee2050/Nee2015», candidat dans le Sud sur la liste ADR. Fer de lance de la défense de la langue luxembourgeoise, il pourrait faire son entrée à la Chambre trois ans à peine après son apparition sur la scène politique.

L’obligation faite aux partis de présenter au moins 40% de femmes pour ces législatives a permis de découvrir de nouveaux visages. Parmi eux, celui de Monica Semedo, candidate DP dans l’Est et ancienne journaliste-présentatrice de RTL. D’autres transfuges du monde des médias figurent sur les listes: Dan Hardy, ancien journaliste de RTL et candidat dans le Centre dans les rangs de l’ADR, Sandie Lahure – toujours de RTL – au LSAP, et le journaliste-présentateur télé Nico Keiffer au CSV.

Stéphanie Empain (Déi Gréng) présente un autre profil, puisque la jeune femme, co-tête de liste dans le Nord, est à la tête d’une start-up. Le score de son colistier, Claude Turmes, actuel secrétaire d’État au Développement durable et aux Infrastructures, sera également regardé, l’ancien eurodéputé qui a succédé à Camille Gira, décédé en mai dernier. À noter également la présence sur les listes de plusieurs acteurs de la société civile, comme l’ancien footballeur international Dan Da Mota (ADR), l’ancien chef des armées Mario Daubenfeld (ADR), Charles Margue (Déi Gréng), ancien directeur d’études de TNS Ilres, ou bien encore Claude Steinmetz (CSV), ancien directeur de Luxlait, ou Marco Houwen (DP), cofondateur de High Capital, ainsi que Laura Ferber au DP. Tous sont candidats pour la première fois.

  • Les inconnus du scrutin 

Outre la proportion de votes blancs ou nuls, les scores des personnalités «surprise» de 2013 seront aussi à analyser. Ce sera notamment le cas pour Corinne Cahen (DP), ministre de la Famille, élue députée pour sa première candidature avec 13.822 voix. Même questionnement pour Carole Dieschbourg (Déi Gréng), ministre de l’Environnement, arrivée deuxième dans l’Est, derrière Henri Kox (Déi Gréng), avec 4.927 suffrages, ou Pierre Gramegna (DP), ministre des Finances, propulsé au gouvernement en provenance de la Chambre de commerce sans n’avoir jamais été candidat à une élection.

Le renouvellement d’une partie de la classe politique apparaît donc en filigrane de ce scrutin. Reste à vérifier si une nouvelle génération de femmes et d’hommes politiques émergera dimanche soir. Que celle-ci soit incarnée par de jeunes pousses comme Elisabeth Margue (CSV) ou par des personnalités plus confirmées comme Franz Fayot (LSAP) ou Yves Cruchten (LSAP).