Si pour certains, la présence des enfants ne favorise pas le télétravail, pour d’autres, les obstacles sont plutôt d’ordre fiscal, social ou relatifs à la protection des données. (Photo: BBC/Youtube)

Si pour certains, la présence des enfants ne favorise pas le télétravail, pour d’autres, les obstacles sont plutôt d’ordre fiscal, social ou relatifs à la protection des données. (Photo: BBC/Youtube)

Encadré par une convention interprofessionnelle déclarée d’obligation générale en mars 2016, le télétravail peine, à quelques exceptions près, à trouver sa place dans le secteur bancaire.

Bien qu’encouragé par un accord-cadre européen et par l’étude Rifkin consacrée à la troisième révolution industrielle, il se heurte jusqu’à présent à des difficultés légales, notamment pour les nombreux frontaliers employés dans les institutions de la Place.

Selon les textes en vigueur, sur base d’accords passés entre le Luxembourg d’un côté et la Belgique, la France et l’Allemagne de l’autre, des difficultés peuvent apparaître pour le salarié lorsqu’il télétravaille au-delà d’un certain seuil de jours (19 par an pour les Allemands, 24 pour les Belges et 1 jour par semaine pour les Français) au-delà desquels il se voit imposé dans son pays de résidence.

«À cette problématique fiscale s’en ajoute une autre d’ordre social», ajoute à ce sujet Dorothée Vincey, avocate en droit du travail auprès du cabinet Castegnaro, qui précise que si un salarié passe au moins 25% de son temps de travail dans son pays de résidence – et donc hors de son lieu de travail habituel au Luxembourg –, il devra s'affilier à la sécurité sociale de ce pays de résidence.

Secret professionnel

«Ces embarras légaux peuvent donc représenter autant de freins au télétravail», poursuit l’avocate. «Et ils expliquent sans doute pourquoi au Grand-Duché les employeurs – quand bien même le télétravail est une démarche volontaire du salarié – sont moins enclins que dans d’autres pays en Europe à proposer cette nouvelle manière de travailler.»

À ces difficultés liées au phénomène frontalier s’ajoute encore – pour l’ensemble des salariés cette fois – la protection des données confidentielles à travers le secret professionnel auquel sont soumises les banques, selon la loi de 1993.

«Dans ce sens, le télétravail peut mettre en danger ce secret professionnel», poursuit la juriste, ajoutant qu’en dehors des locaux de la banque, il est donc nécessaire et impératif pour l’employeur de prévoir «une architecture informatique particulière», de manière à ce que le salarié puisse avoir de chez lui accès à ces données sans risquer d’en compromettre la confidentialité. En outre, pour mettre en place ce processus, la banque doit au préalable avoir reçu l’accord de la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF).

L’ensemble de ces lourdeurs légales n’a toutefois pas intimidé toutes les institutions, certaines ayant commencé à explorer des pistes pour les pallier, et d’autres à mettre en place des solutions.

Chez Société Générale Bank and Trust (SGBT) par exemple, un projet pilote impliquant une centaine de collaborateurs a été développé en 2016 et devrait permettre cette année d’étendre progressivement le télétravail à 300 salariés éligibles à celui-ci, selon les postes occupés.

Du côté d’ING Luxembourg, qui se dit pionnière en la matière, le travail à distance a été introduit il y a six ans. «Aucune fonction n’en est exclue, même s’il est plus simple d’y avoir recours pour certains postes que pour d’autres», explique Arlette Peters, manager RH.

Des initiatives attendues

Les difficultés d’ordre fiscal et social rencontrées par les employés frontaliers – représentant 60% des effectifs de la banque – sont «supportées» par un système de monitoring tandis que pour la protection des données et du secret professionnel, ING Luxembourg a développé son propre système informatique, «très sécurisé, même à distance», note encore Arlette Peters.

Mais pour la large majorité des autres banques – même s’il n’existe pas de chiffres officiels –, le télétravail demeure d’une trop grande complexité à développer et il est attendu des initiatives politiques pour le mettre en place, ou du moins le proposer.

C’est notamment le cas à la Bil, où Marc Clemens, en charge de la communication de l’institution, fait part d’un «manque de garanties de sécurité des systèmes IT à l’extérieur de la banque», mais aussi «des problématiques d’imposition liées au lieu de résidence du collaborateur» qui peuvent se poser.

Affirmant qu’un environnement de travail «motivant, propice au bien-être et au développement des collaborateurs» reste son «premier objectif en tant qu’employeur de référence», la Bil dit continuer à observer de près les évolutions en matière de télétravail «et les mesures concrètes que le gouvernement lancera pour simplifier sa mise en pratique».

Conscient de ces difficultés, le ministre du Travail, Nicolas Schmit, a annoncé en décembre dernier la mise en place d’un groupe de travail pour d’abord les identifier, notamment en matière de travail transfrontalier.