Jean-Michel Pacaud et les membres de l’IRE attendent une accalmie réglementaire pour leur profession. (Photo: archives paperJam)

Jean-Michel Pacaud et les membres de l’IRE attendent une accalmie réglementaire pour leur profession. (Photo: archives paperJam)

30 ans. L’Institut des réviseurs d’entreprises luxembourgeois (IRE) célèbre en ce dernier trimestre de 2014 cet anniversaire dans un contexte où la réglementation continue d’occuper l’agenda des représentants de la profession. Et la «réforme Barnier»,

du nom du commissaire européen sortant en charge du marché intérieur et des services, symbolise à elle seule l’état d’esprit d’une profession qui a été désignée comme l’une des responsables de la crise de 2008 et s’est vue assortie de nouvelles règles validées par le Parlement européen le 2 avril dernier. Une page s’est tournée. Un nouveau chapitre débute avec la transposition en loi nationale de la directive et la volonté de faire en sorte que le secteur n’en ressorte pas déforcé.

«Nous allons prendre part au groupe de travail initié par la CSSF (Commission de surveillance du secteur financier, ndlr) pour coordonner la transposition de la directive qui consistera en une réécriture de la loi du 18 décembre 2009 sur la profession de l’audit», déclare Jean-Michel Pacaud, le président de l’IRE et également associé chez EY qui a débuté sa carrière à l’époque de la naissance de l’organe de représentation du secteur. Entretemps, le marché a profondément changé et a notamment vu l’émergence de quatre «Big». La prochaine grande échéance est désormais celle du 1er juillet 2016, date à laquelle la directive Barnier entrera en vigueur, non sans quelques zones d’ombres.

La rotation obligatoire des cabinets d’audit – après 10 ans – fait partie de celles-ci. Ses effets seront à surveiller pour un marché tel que le Luxembourg, où les décisions ne se prennent pas toujours sur le territoire, mais bien dans des maisons mères situées à l’étranger. En attendant, les auditeurs espèrent que les marges de manœuvre dont dispose le législateur national seront utilisées à bon escient dans des délais raisonnablement rapides pour que les acteurs concernés puissent se préparer au mieux.

L’un des enjeux concerne la reprise – ou non – des fonds d’investissement en tant qu’entités d’intérêt public, ce qui pourrait faire perdre un avantage compétitif à la Place. Au même titre que l’interdiction éventuelle pour les auditeurs de proposer des services d’accompagnement à la déclaration fiscale. Un manque à gagner en perspective.

En attendant, pour faire en sorte que chacun dispose du même niveau d’information, l’IRE a choisi d’organiser une conférence le 23 octobre dès 16h dans l’hémicycle du Parlement européen pour décliner les règles de la directive dans le quotidien des entreprises. «Je pense par exemple au cap des 70% des honoraires non audit qui vont s’appliquer», indique Jean-Michel Pacaud. Les auditeurs qui tirent plus de 70% de leurs revenus auprès d’un client pour des services non audit ne pourront plus les prester dès le 1er juillet 2016.

«Ce n’est pas compliqué de trouver un prestataire pour des questions de fiscalité, mais devoir changer au cœur d’un projet de transformation interne l’est davantage», souligne le président de l’IRE. Si le projet Barnier ne débouche pas sur la fin annoncée à ses débuts des Big Four, une redistribution des cartes, entre prestataires d’audit et de conseil, aura bien lieu. À chaque firme d’affûter ses arguments, ses projections, pour tirer le meilleur parti de la future configuration du marché.

Outre les enjeux propres à chaque enseigne, le métier devra continuer à s’adapter sur le plan technologique. «L’essence du métier n’a pas changé depuis 30 ans, mais les outils ont en revanche évolué drastiquement, indique Jean-Michel Pacaud. Cette tendance nous offre des opportunités, principalement sur deux axes. Nous pourrons, d’une part, continuer à développer des outils user friendly et collaboratifs et, d’autre part, utiliser la masse de données disponible pour proposer de nouvelles analyses.»

Étroitement liée à l’essor des services de conseils, la profession de réviseur d’entreprises doit, plus que jamais, miser sur la qualité et des processus robustes pour éviter le principal risque, celui d’une réputation qui serait – à nouveau – remise en cause. L’IRE attend pour sa part que la nouvelle Commission européenne jauge la réforme en cours avant d’en évoquer une autre. L’équipe de Jean-Claude Juncker est aussi invitée à faire en sorte que l’économie européenne retrouve des couleurs, car le métier d’auditeur, cyclique, dépend avant tout du tonus de ses clients.