Selon Yves Nosbusch, «le marché s’est rapidement concentré sur le programme budgétaire du nouveau président». (Photo: Olivier Minaire / archives)

Selon Yves Nosbusch, «le marché s’est rapidement concentré sur le programme budgétaire du nouveau président». (Photo: Olivier Minaire / archives)

Comment faut-il interpréter la réaction des marchés à l’élection de Donald Trump? Dans la foulée de l’annonce des résultats, la réaction immédiate était plutôt de nature «risk off»: baisse des cours boursiers, baisse des taux longs américains et baisse du dollar. Cette tendance initiale, expliquée sans doute par une augmentation de l’incertitude, s’est cependant rapidement inversée. En effet, suite au discours d’acceptation de Monsieur Trump, les cours boursiers sont remontés, les taux d’intérêt à long terme américains ont entamé une hausse importante et le dollar s’est renforcé. L’évolution des taux d’intérêt a été particulièrement marquée. Ainsi, le taux d’emprunt à 10 ans du Trésor américain est passé d’un niveau de 1,8% à 2,3% en l’espace d’un peu plus d’une semaine. Quels sont les facteurs qui expliquent cette remontée violente?

Faute d’informations précises sur des mesures protectionnistes éventuelles, le marché s’est rapidement concentré sur le programme budgétaire du nouveau président. En effet, les intentions sur ce plan semblent plutôt bien définies. Elles laissent supposer une relance budgétaire d’envergure avec des investissements importants dans les infrastructures et des réductions d’impôts, tant pour les entreprises que pour les particuliers.

Quels en seraient les effets probables? L’économie américaine est aujourd’hui proche du plein emploi. Cela signifie que si le chômage tombait nettement en dessous du niveau actuel de 4,9%, on pourrait s’attendre à une accélération de l’inflation au niveau des salaires. Le seuil du taux de chômage en dessous duquel on observerait une telle accélération est appelé le Nairu (Non Accelerating Inflation Rate of Unemployment). D’après les estimations de la Réserve fédérale américaine, il se situerait actuellement entre 4,7% et 5% aux États-Unis. Dans un tel environnement, une relance budgétaire importante, qui serait accompagnée d’une accélération de l’activité à court terme, pourrait faire baisser le taux de chômage en dessous du Nairu, ce qui devrait entraîner une accélération de l’inflation.

Quelles seraient les implications pour la politique monétaire? Une accélération de l’inflation augmenterait la pression sur la Réserve fédérale pour relever ses taux directeurs. Ainsi, les acteurs de marché s’attendent désormais à un rythme de hausses de taux plus rapide que ce qui était prévu avant les élections. En particulier, le marché anticipe une hausse de taux lors de la réunion du mois de décembre.

L’accélération de l’inflation attendue par les marchés explique une bonne partie de la remontée des taux longs américains. Mais ce n’est pas la seule explication. En utilisant une partie de l’épargne nationale, une relance budgétaire devrait également faire remonter les taux réels au cours du temps. Par ailleurs, la prime de terme a nettement augmenté depuis les élections, d’après les estimations de la Réserve fédérale. Cette prime de terme, qui est une compensation pour le risque de duration pris par un investisseur sur une obligation à long terme, augmente avec l’incertitude. Il est vrai qu’il reste beaucoup d’interrogations, notamment sur des mesures protectionnistes éventuelles et les effets que celles-ci pourraient avoir sur le commerce mondial.