Dans cette "nouvelle" Europe, qui a déplacé le centre de gravité du continent bien plus à l'Est, d'autres États frappent à la porte de l'Union. Mais lors du dernier Conseil européen, qui s'est tenu à Bruxelles en décembre, Jean-Claude Juncker n'a pas manqué de rappeler que l'approfondissement de l'Union est une condition préalable à tout nouvel élargissement et que toute intégration d'un autre État devra passer par un "réarrangement des institutions".
La lourdeur et le manque de visibilité du fonctionnement de leurs institutions vis-à-vis de ses citoyens ne sont pas le moindre des problèmes auxquels sont confrontés les dirigeants européens. À cela s'ajoute le sentiment d'une Union européenne à deux vitesses, dans laquelle la France et l'Allemagne imposeraient trop facilement leurs vues aux autres.
L'encombrant dossier de la Turquie ne contribue pas à faciliter la perception de l'ensemble. À cheval entre l'Europe et l'Asie, elle ne l'est pas, cependant, avec le respect des plus élémentaires droits de l'Homme. Ce pays ravive les passions à un moment où un peu de quiétude ne ferait pas de mal à l'Union européenne.
Dans ce concert parfois discordant, Jean-Claude Juncker, en Européen plus que convaincu, essaie toujours d'apporter la note et le tempo les plus justes. Et de rejouer, il y a quelques jours, le même petit air déjà fredonné, fin octobre, lors du discours d'ouverture de l'année académique du Collège d'Europe à Bruges: imaginer un membership à intensité variable, aussi bien pour les membres existants que pour les candidats à venir.
De tels partenariats privilégiés permettraient de pouvoir bénéficier des avantages de l'Union, sans pour autant lui compliquer la vie. Ils pourraient aussi constituer une issue de secours pour donner à la Turquie le strapontin qu'elle revendique.
D'une Europe à deux vitesses, le risque n'est pas mince qu'elle en vienne à passer la troisième ou la quatrième. Sans compter les obstacles purement "techniques" qui ne manqueront pas de se dresser devant une telle organisation.
Mais le propre des petites musiques est, aussi, de savoir pénétrer dans les inconscients. En le fredonnant à l'envi, Jean-Claude Juncker se doute bien que ce petit air ne sera pas maîtrisé du jour au lendemain. Mais sans nul doute, cette première ébauche d'une Europe "alternative" prendra-t-elle le temps de mûrir dans les esprits avant d'aboutir à une forme des plus mélodieuses susceptible d'en satisfaire le plus grand nombre.
Aujourd'hui, l'Europe n'en est plus à s'interroger sur la nécessité de suivre de nouvelles partitions, mais bel et bien sur la façon de savoir en jouer au mieux, pour que la symphonie devenue hymne européen cesse de prendre de dangereux accents de cacophonie.