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Selon une récente publication du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (CREDOC) et du cabinet Raffour Interactive, le commerce électronique ne représenterait, chez nos voisins français, que 0,05% du chiffre d'affaires des ventes de détail. Si l'on ne dispose pas encore de tels chiffres pour le Luxembourg, on peut raisonnablement avancer que nous ne dépassons pas non plus ce chiffre. Quelles en sont les causes? Longtemps, l'attente d'un cadre légal spécifique au e-commerce semblait en être la raison. On ne pouvait développer des activités commerciales en ligne sans loi spécifique? En début d'année, Jean Diederich de la société EDS, estimait qu'il appartenait au gouvernement d'agir pour développer le secteur IT au Luxembourg et notamment d'y favoriser le commerce électronique. Il préconisait différentes mesures dont celle de la création d'un "Monsieur commerce électronique" au niveau gouvernemental. À l'époque, c'est donc dans les tiroirs de l'Etat que devait se trouver la solution au développement du commerce en ligne. À présent, la loi sur le e-commerce est parue, les pouvoirs publics travaillent sur le projet e-gouvernement. Alors, le commerce en ligne n'ayant toujours pas décollé de façon spectaculaire, la presse, les consultants, les commerçants eux-mêmes ne cessent de répéter que le marché n'est pas prêt, que le consommateur est encore réticent à acheter sur Internet, à changer ses habitudes, que rien ne remplacera la boutique qu'il trouve en bas de chez lui? On ne peut au Grand-Duché évoquer le manque d'équipement informatique des ménages, le pays disposant d'un taux parmi les plus élevés en Europe. D'un autre côté, tous s'accordent à défendre le fait que le commerce électronique peut changer la vie du client, que celui-ci gagnera du temps, pourra effectuer ses achats à n'importe quelle heure et où qu'il se trouve, du moment qu'il dispose d'un accès Internet! Alors, le consommateur serait-il vraiment stupide?

La loi derrière laquelle tout le monde s'est caché pendant des mois est pourtant censée le protéger. Pourquoi rechigne-t-il à contracter sur Internet? Les sites officiels lui apprennent comment repérer les sites douteux lui fournissent les "trucs" pour savoir qu'il se trouve bien sur un site lui proposant le paiement sécurisé, l'informe sur ses droits et ses recours. Il ne souhaite pas donner son numéro de carte bancaire sur le réseau? Qu'à cela ne tienne, la majorité des cybercommerçants luxembourgeois lui proposent l'alternative du paiement à la livraison ou de la facturation ultérieure, le virement bancaire, etc.

Et pourtant on peut comprendre que le consommateur hésite? Lorsque l'on fait un rapide tour de l'ensemble des boutiques de e-commerce luxembourgeoises, il faut avouer qu'il n'est pas toujours facile de trouver les informations supposées rassurer les clients. Sous quelle rubrique peuvent bien se cacher les conditions générales de vente? Les frais de port seront-ils indiqués avant que le paiement soit validé? S'il est évident de donner ses coordonnées pour que la livraison puisse avoir lieu, est-on assuré que celles-ci ne seront pas revendues à d'autres commerçants ou utilisées à des fins publicitaires un peu trop appuyées? En cas de problème de livraison, à qui faudra-t-il s'adresser? Autant de questions qui dépassent le cadre de la simple sécurité des paiements, mais angoissent aussi le consommateur. Il ne lui appartient pas, en effet, de surfer, le texte de la loi sur le e-commerce dans une main, les recommandations de l'Union Luxembourgeoise des Consommateurs sous son écran ? il faut bien garder l'autre main pour la souris ?, pour vérifier que le site sur lequel il souhaite acheter répond aux normes de sécurité optimales. Par ailleurs, la loi sur le e-commerce ne règle pas forcément tous les problèmes qui peuvent apparaître en matière de vente sur Internet.

On disait dans l'ancienne économie que le client était roi. Et là, même avec "l'e-revolution', le consommateur n'est pas prêt à abandonner ce statut! Seulement, avec Internet, les professionnels de la vente ont peut-être oublié ce concept. Que penser d'un site ? dont nous conserverons l'anonymat ? qui annonce, au moment de remplir le formulaire de commande ? avec indication du numéro de carte bancaire ?, que des coûts de livraison entre 50 et 800 LUF seront ajoutés, et demande à son client d'indiquer un "prix approximatif" pour son achat?! Imaginez un client qui soumettrait le paiement de ses factures à ce qu'il lui resterait sur son compte bancaire à la fin du mois!

Pourquoi toujours penser que c'est le consommateur qu'il faut éduquer? Ne serait-il pas temps de lui montrer que les commerçants eux-mêmes ont compris ou sont prêts à comprendre que le client a besoin de vrais repères en matière de commerce électronique?

Un label, par exemple, permettrait non seulement au commerçant de comprendre ce que l'on attend de lui, mais aussi à ses clients d'être assurés que les grands principes régissant la vente à distance et la sécurité sur Internet soient respectés. Les shops en ligne pourraient afficher sur leur page d'accueil le logo du label à condition de respecter quelques points essentiels comme l'affichage visible et accessible, de n'importe quelle partie du site, des coordonnées complètes du commerçant, ou encore des conditions générales de ventes précises incluant notamment la faculté de rétractation ou les délais de livraison' Des dispositions concernant la sécurité des techniques utilisées pour le paiement en ligne, ainsi que l'information de l'internaute, pourraient aussi conditionner l'attribution du label, tout comme celles qui sont relatives au respect de la vie privée et à la protection des données personnelles. Le label a des vertus éducatrices pour tous!

Un tel système pourrait être réclamé par les acteurs eux-mêmes auprès de leurs organisations professionnelles. Certains objecteront qu'un label au niveau luxembourgeois n'a pas de sens, le commerce électronique étant mondial par essence? Pourtant, le consommateur luxembourgeois souhaite prioritairement s'adresser pour les biens de consommation courante à une boutique qu'il connaît et qui se situe près de chez lui, même s'il achète sur Internet. Alors? Faut-il attendre que des initiatives européennes prennent forme? On imagine les lenteurs et les difficultés d'une telle mise en place? Ne serait-il pas plus simple de commencer au niveau national et d'articuler ensuite les différentes initiatives? Et si certains textes européens ne sont pas encore transposés en droit luxembourgeois, nous sommes parfaitement en mesure de connaître et de respecter les grands principes arrêtés dans ces documents. Les acteurs du e-commerce doivent dès à présent se responsabiliser. En prévision des cyber-achats de Noël, la période d'avant les fêtes de fin d'année semble la plus propice pour les boutiques virtuelles pour se remettre en question' Et s'il est un peu tard pour cette année, rien n'empêche de préparer activement la prochaine échéance?