«Nous avons maintenant une équipe très forte et très soudée» Marc Hoffmann (Cargolux) (Photo: Etienne Delorme)

«Nous avons maintenant une équipe très forte et très soudée» Marc Hoffmann (Cargolux) (Photo: Etienne Delorme)

Avis de tempête sur la compagnie de fret, punie par la Commission européenne après l’avoir été par le Département américain de la Justice. La prise des commandes par Frank Reimen marquera-t-elle un tournant dans l’histoire de la compagnie?

A l’heure où certains commémoraient l’armistice de la Grande Guerre, le conseil d’administration de Cargolux lançait une bombe, le 11 novembre, avec l’annonce du remplacement du CEO et président du comité exécutif de la compagnie, Ulrich Ogiermann, par le haut fonctionnaire Frank Reimen, à partir du 1er janvier prochain. M. Ogiermann, lui, n’est pas limogé, mais relégué à une fonction de special adviser.

Ce grand chambardement intervient quelques jours après que la Commission européenne a infligé à Cargolux une amende de 79,9 millions d’euros, dans le cadre d’une enquête sur une entente illicite commencée en 2006. C’est la deuxième fois que la compagnie subit de telles foudres, puisque le Département américain de la Justice, il y a quelques mois, l’avait déjà condamnée à payer 119 millions de dollars pour les mêmes raisons et avait, de surcroît, inculpé Ulrich Ogiermann, mais aussi Robert Van de Weg (le vice-président sales & marketing) fin octobre.

«La décision a été prise d’un commun accord entre le conseil d’administration et M. Ogiermann, tient à préciser Marc Hoffmann, président du conseil d’administration de Cargolux. Il était en effet impossible à M. Ogiermann d’assurer à la fois une défense correcte aux Etats-Unis et la gestion journalière de la société. C’est donc pour lui permettre de préparer adéquatement sa défense que cette décision a été prise.» Robert Van de Weg, lui, reste en place, «parce que le conseil a estimé qu’il n’a qu’une responsabilité opérationnelle et que la question se posait donc en termes très différents», indique M. Hoffmann.

Pour succéder à M. Ogiermann, il a donc été fait appel à Frank Reimen, actuellement Premier conseiller de gouvernement, chargé de la coordination générale au ministère du Développement durable et des Infrastructures et, entre autres, président du conseil d’administration de Lux-Airport, membre du conseil des CFL et commissaire de gouvernement auprès de Luxair. Et il est Luxembourgeois, ce qui n’a plus été le cas depuis bien longtemps à la tête de la compagnie. Sa tâche, à partir du 1er janvier, ne sera en tous les cas pas des plus aisées.

«Des défis multiples»

Et c’est un autre Luxembourgeois, David Arendt (l’actuel CFO) qui assurera l’intérim. Avec un regard forcément très pointu sur la situation financière du groupe, qui accusait un déficit de 153 millions d’euros en 2009. Une perte que les amendes en cours ne devraient guère contribuer à alléger. «Le défi pour Cargolux, si nous acceptons la décision de la Commission, sera de payer l’amende, car nous n’avons en ce moment pas cette somme, les provisions étant une écriture comptable», indique-t-il, en n’excluant pas la possibilité que Cargolux fasse appel de cette sanction.

Comment la compagnie tout cargo va-t-elle affronter le double défi qui est à la fois de remonter la pente dans le contexte de crise et de pouvoir assumer le paiement des amendes? «Nous espérons que, tant dans le cas où nous accepterions la sanction européenne que dans celui où nous la refuserions, nous pourrons disposer d’un étalement sur six ans du paiement, comme cela nous a été accordé aux Etats-Unis. Cela nous aiderait au niveau de notre cash-flow», répond David Arendt.

Avec l’arrivée prochaine du nouveau Boeing 747-F – un avion américain qui, ironie du sort, n’a pu être mis en fabrication que grâce à la commande de Cargolux, compagnie de lancement – Marc Hoffman concède que «les défis sont multiples». «Mais nous avons maintenant une équipe très forte et très soudée, une équipe de gestion qui donnera à Cargolux tous les outils pour bien aborder ces défis.» Le président du conseil d’administration se refuse par ailleurs à toute estimation sur les résultats 2010. Mais David Arendt indique toutefois qu’ils seront «plutôt bons».

Enfin, il est «amusant» de constater que l’amende infligée par la Commission européenne (et qui concerne aussi dix autres compagnies, pour un montant total de 799 millions d’euros) provient du fait que Lufthansa est «passée à table», s’évitant ainsi elle-même une lourde pénalité. Or, Lufthansa est actionnaire de Luxair (à 13%), elle-même actionnaire majoritaire de Cargolux. Une sacrée ironie du sort… «Vous pouvez qualifier cela comme ça, sans autre commentaire», répond Marc Hoffmann. Tandis que d’autres, parlant sous couvert d’anonymat, sont plus directs: «On ne les porte pas dans notre cœur.»