Le Max Planck Institute dispose de près de 3.000 m2 de locaux au Kirchberg. (Photo : Luc Deflorenne)

Le Max Planck Institute dispose de près de 3.000 m2 de locaux au Kirchberg. (Photo : Luc Deflorenne)

Le 8 mai prochain, ce sera la fête au château. Conçu en forme de forteresse par l’architecte américain Richard Meier, l’ancien bâtiment blanc de la HypoVereinsbank au Kirchberg, en face du centre commercial Auchan, abrite désormais une partie de l’Université du Luxembourg et, depuis quelques mois, le Max Planck Institute (MPI) Luxembourg for International, European and Regulatory Procedural Law.

Le nom est aussi long qu’il est classieux. Mais la seule mention de « Max Planck » se suffit presque à elle-même pour situer le niveau de qualité de l’occupant. Et cet occupant, le 8 mai prochain, procèdera justement à l’inauguration officielle de locaux qu’il occupe concrètement depuis six mois.

Plus précisément, qu’il commence à investir. Car la cinquantaine de collaborateurs – dont une trentaine de chercheurs – déjà présents dans les vastes espaces (environ 2.700 m2, prévus d’être élargis prochainement à 3.800 m2) à leur disposition, ne représente qu’environ un tiers de ce que seront les effectifs lorsque l’Institut atteindra son rythme de croisière.

L’annonce de la création et la mise en place du MPI au Luxembourg date du printemps 2009. Elle a fait suite à un déjeuner entre François Biltgen, ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, et le Prof. Dr. Peter Gruss, président de la Société Max Planck. « C’est là que, pour la première fois, il a clairement été posé la question de savoir si le Luxembourg était intéressé à subventionner l’installation d’un tel institut, se souvient Germain Dondelinger, premier conseiller de gouvernement au sein du département de l’Enseignement supérieur, plus particulièrement en charge de la coordination de la coopération internationale. Cela s’inscrit parfaitement dans la volonté du pays d’investir dans le domaine de la recherche et de l’enseignement supérieur. Le droit, européen, commercial et financier, fait partie des domaines prioritaires que nous ciblons. »

En 2009, les premières estimations tablaient sur un début des activités pour le deuxième semestre 2010. Cela aura finalement pris deux ans de plus, tant les discussions ont été complexes pour un « paramétrage » idéal de l’institut, la création de la fondation faîtière (voir encadré) n’intervenant finalement qu’en mars 2012. « Cela montre à quel point cela c’est fait avec sérieux, sourit M. Dondelinger. Nous avons notamment insisté sur deux éléments : d’une part que le domaine de recherche soit bien circonscrit et intègre clairement les notions de droit financières. Et, d’autre part, que la composition en personnel de cet institut soit internationale, afin qu’il n’y ait pas qu’un seul espace juridique représenté. Pour que cet institut puisse être profitable au Luxembourg, il faut qu’il y ait ipso facto cette dimension internationale. »

La complémentarité et le prestige

La présence depuis plus de 60 ans, au Grand-Duché, de la Cour de justice de l’Union européenne, explique, en outre, cet engouement pour la matière et la volonté de créer un véritable centre de compétences en droit, comme pilier de support du développement des activités juridiques dans le pays.

Dire que la perspective de voir débarquer un mastodonte tel que le Max Planck Institue a, d’emblée, enchanté l’ensemble des responsables de l’Université du Luxembourg, serait probablement exagéré. Sans doute la Faculté de Droit, d’Economie et de Finance aurait-elle aimé pouvoir disposer d’un soutien financier aussi conséquent pour son propre développement.

Pour cette année de lancement, l’enveloppe allouée au MPI sera au moins de 3 millions d’euros, susceptible d’être revue à la hausse en fonction de la rapidité des recrutements. À terme, en mode de fonctionnement « normal », ce sont quelque 10 millions d’euros qui devraient être versés annuellement. Cela n’inclut pas le déménagement, programmé à un horizon de 5-6 ans, dans l’ancien couvent du Limpertsberg qui abrite, pour l’heure, l’école française.

Clairement, le gouvernement a préféré miser sur la complémentarité et sur le prestige apporté par la « référence » Max Planck. « L’université, de par sa structure, est très capable de prendre en charge le droit européen, et elle le fait d’ailleurs déjà très bien. Nous n’avons aucun souci avec ça, constate M. Dondelinger. Mais pour donner une assise et une visibilité internationale à nos activités de recherche, un institut tel que le Max Planck est essentiel. Il convient évidemment de bien veiller à une parfaite complémentarité entre les activités de chacun. Il n’y aura pas de concurrence. Et au vu de la qualité des personnes de chaque côté, il y aura plutôt une émulation réciproque qui sera bénéfique aux deux parties. »

Du reste, l’ensemble des chercheurs du MPI sera, d’office, nommé professeur à titre honoraire de l’Université du Luxembourg. En outre, puisque le Max Planck Institute n’est pas habilité à délivrer des diplômes, c’est, évidemment, prioritairement avec l’Uni que se fera la délivrance des doctorats.

Des candidats à l'appel

Le directeur général du MPI, Burkhard Hess, se réjouit évidemment de cette proximité, à la fois intellectuelle et géographique. « Nous organisons régulièrement des conférences ensemble. Tous les mercredis, par ailleurs, nous avons des réunions entre nous afin de discuter des éventuels problèmes et de faire avancer les choses positivement. C’est vraiment une très belle combinaison de pouvoir avoir, d’un côté, la faculté de droit de l’Université, et de l’autre, un institut comme le nôtre, qui constitue aussi une source d’attraction pour des chercheurs du monde entier. »

Les dossiers de candidature se comptent d’ailleurs par centaines. Une annonce parue dans un blog et un journal spécialisés ont ainsi généré, en quelques semaines, quelque 600 réponses. Pour cinq postes administratifs ouverts, pas moins de 450 CV sont également parvenus au secrétariat… Des marques d’intérêt pour le moins prononcées qu’il convient aussi de gérer au mieux.

Surtout que l’équipe de direction est loin d’être au complet. Pour l’heure, le Max Planck Institute Luxembourg for International, European and Regulatory Procedural Law ne compte qu’un seul directeur, Burkhard Hess, à la tête du département de droit européen, et qui occupe également les fonctions de directeur général de l’institut. Deux autres directeurs (pour les départements de droit international et de droit financier) sont en cours de recrutement.

La coordination générale, elle, est assurée par un chief operating officer, Wolfgang Knill, « transfuge » de l’Université du Luxembourg, où il occupait, depuis trois ans, les fonctions de responsable des ressources humaines, après avoir occupé des fonctions similaires chez Luxair pendant trois ans également.

M. Hess, lui, est professeur de la Faculté de droit de la prestigieuse université allemande de Heidelberg et directeur de l’Institut de droit privé international entre 2003 et 2012. Âgé de 52 ans, il est notamment spécialisé dans le domaine de la recherche en droit européen et communautaire et a étudié de près tous les développements des systèmes judiciaires dans les États membres. Contacté en novembre 2011 par la Société Max Planck (voir encadré), il a finalement accepté de prendre en mains la destinée du MPI en septembre dernier.

« Nous vivons une période riche en développements dans le domaine juridique sur un plan international, notamment motivés par la crise du secteur financier, explique l’intéressé. Nous vivons une période de grands défis en la matière. Le Luxembourg est la capitale de la justice européenne, ce qui fait qu’il n’y a pas de meilleur endroit qu’ici pour établir un institut comme le nôtre. »

L’institut Max Planck au Luxembourg prévoit, en outre, la constitution d’un espace documentaire colossal dédié au droit procédural et au droit financier. Plusieurs centaines de milliers de livres sont attendus dans cette bibliothèque, elle aussi en cours de constitution. « Depuis septembre, nous avons déjà acquis 3.200 livres et nous tablons sur l’achat de quelque 10.000 livres par an, ce qui est beaucoup. Nous sommes en train de mettre en place un système approprié et nous avons recruté quatre personnes qui sont dédiées à cet espace », explique M. Hess.

Le premier travail de recherche complet issu du Max Planck Institute Luxembourg for International, European and Regulatory Procedural Law est sur le point d’être publié. Il s’agit d’une évaluation du règlement communautaire en vigueur sur les questions d’insolvabilité. Un travail mené en parallèle avec les universités de Vienne (en Autriche) et de Heidelberg (Allemagne) pour le compte de la Commission européenne.

Les Instituts Max Planck se revendiquent comme étant le deuxième pourvoyeur de Prix Nobel après le Massachussets Institute of Technology. Qui sait si, dans quelques années, il n’y aura pas un Nobel « estampillé » Luxembourg. Une perspective qui ne ferait pas tache dans la recherche d’excellence souhaitée par le gouvernement luxembourgeois.  

 

SOCIÉTÉ MAX PLANCK - Un rayonnement mondial

Max Karl Ernst Ludwig Planck est un physicien allemand, né en 1858 à Kiel et mort en 1947 à Göttingen. Prix Nobel de physique en 1918 pour ses travaux sur les quantas d’énergie, il est, à ce titre, considéré comme un des pères fondateurs de la mécanique quantique.

Les origines de l’Institut qui porte son nom ou, plus précisément, de la Société Max Planck, remontent à 1911, avec la création de l’Institut Kaiser Wilhelm, par le professeur allemand Adolph von Harnack, docteur en théologie, en droit, en médecine et en philosophie.

L’appellation « Max Planck » fut instaurée dès 1948. Aujourd’hui, la Société Max Planck pour le développement de la science, dont le siège est établi à Berlin, compte plus de 17.000 employés au total, dont plus de 5.300 scientifiques. Elle chapeaute quelque 80 « Instituts Max Planck », dont quatre sont situés hors d’Allemagne : aux États-Unis, à Jupiter (le Max Planck Florida Institute en Floride) ; en Italie, à Florence (Kunsthistorisches Institut) et à Rome (Bibliotheca Hertziana –MPI für Kunstgeschichte) ; aux Pays-Bas, à Nimègue (MPI für Psycholinguistik) et enfin au Luxembourg, avec le Max Planck Institute Luxemburg for International, European and Regulatory Procedural Law.

La structure de l’institut luxembourgeois est, néanmoins, unique dans le réseau, car elle dépend d’une fondation, la Max Planck Institute Foundation Luxemburg. Elle a été établie officiellement le 28 mars 2012, qui dispose d’une dotation initiale de 250.000 euros.

« Nous allons servir de modèle d’excellence, car nous sommes le seul institut du réseau à disposer d’une personnalité légale propre et financée à 100 % par l’État luxembourgeois », indique Wolfgang Knill, qui précise néanmoins que l’institut bénéficiera d’une liberté académique absolue : « les thèmes de recherche qui seront sélectionnés ne subiront aucune influence extérieure. »

En outre, le MPI luxembourgeois est supporté par l'initiative fédérale d'encouragement à l'excellence pour la recherche et la science dans l'enseignement supérieur allemand (Exzellenzinitiative).

Enfin, il est prévu la mise en place d’une Max Planck International Research School, une école qui accueillera, en permanence, pas moins de dix doctorants supplémentaires.