Le site Rtl.lu avait refusé de publier le droit de réponse de Tania Smaniotto tout en affichant le lien vers l'article de Paperjam contenant un droit de réponse. (Photo: Maison Moderne)

Le site Rtl.lu avait refusé de publier le droit de réponse de Tania Smaniotto tout en affichant le lien vers l'article de Paperjam contenant un droit de réponse. (Photo: Maison Moderne)

Cet arrêt très attendu devait constituer une énième répercussion des révélations autour du Srel entamées en 2013, avec notamment «l’épisode de la montre» - l’enregistrement du Premier ministre de l’époque, Jean-Claude Juncker, par le directeur du Srel Marco Mille.

Une affaire qui a rebondi de multiples fois, éclaboussant encore récemment le Premier ministre Xavier Bettel, et qui avait compté comme victime collatérale Tania Smaniotto, journaliste de RTL. Son nom avait été cité le 12 décembre 2013 dans un article de Paperjam rapportant le récit de l’ex-agent du Srel, André Kemmer, sur les relations tendues entre le Premier ministre CSV et les agents du Srel.

L’intéressée avait rapidement demandé un droit de réponse à Paperjam.lu, qui l’a diffusé le 16 décembre, indiquant que Tania Smaniotto «[contestait] formellement et énergiquement avoir été contactée par le sieur André Kemmer ou par le sieur Loris Mariotto afin de leur faire parvenir des enregistrements généralement quelconques et plus particulièrement contenant des enregistrements en original des voix du Grand-Duc et de Monsieur Jean-Claude Juncker».

Droit de réponse non prévu par la loi

Toutefois, le site rtl.lu, qui avait repris les informations de Paperjam et affichait un lien vers l’article original, avait refusé d’accorder le même droit de réponse à Mme Smaniotto, arguant que la presse numérique n’était pas soumise aux mêmes obligations que la presse papier.

Mme Smaniotto avait obtenu du tribunal d’arrondissement de Luxembourg une ordonnance de référé lui donnant raison en janvier 2014. Une ordonnance réformée par la Cour d’appel en mars de la même année, celle-ci estimant que la demande de la requérante était irrecevable au motif qu’une publication sur internet n’avait pas le caractère de périodicité requis par la loi luxembourgeoise du 8 juin 2004.

Cette dernière prévoit que «toute personne physique ou morale, toute association de fait ou tout corps constitué, cité nominativement ou implicitement désigné dans une publication périodique, a le droit de requérir la diffusion gratuite d’une réponse».

Retour à la case départ

La règle veut que tous les recours nationaux soient épuisés avant qu’une affaire puisse être portée devant la Cour européenne des droits de l’Homme à Strasbourg. L’affaire Smaniotto aurait donc dû passer en cassation, sauf qu’aucun recours dans cette matière n’est prévu par la Cour de cassation, selon Me Marc Petit, avocat de la plaignante.

Celle-ci avait donc directement saisi la Cour européenne des droits de l’Homme afin qu’elle détermine si la loi luxembourgeoise respectait ou non l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme consacrant la liberté d’expression.

L’arrêt de la CEDH était attendu mardi. Mais les juges de Strasbourg n’ont pas examiné l’affaire au fond, considérant la requête comme irrecevable du fait que les recours internes n’ont pas été épuisés. Une interprétation restrictive déplorée par l’avocat de Mme Smaniotto. Il reste toutefois un mince espoir de pouvoir porter l’affaire devant la Cour de cassation qui, a priori, se déclarera incompétente, et permettra à la plaignante de retourner à Strasbourg. En ayant toutefois perdu encore deux ans.