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Pour Élise Poillot, cette première incursion estudiantine dans la vie professionnelle permet aussi aux chercheurs de l’Uni de garder un lien avec le métier. 

Permettre aux futurs avocats et juristes de toucher à la pratique concrète du droit durant leurs dernières années d’études, telle est la profession de foi de la jeune Clinique du droit de la consommation. Ouverte au public depuis la rentrée précédente, une première en Europe, l’initiative est rattachée au master en droit privé européen de l’Université du Luxembourg.

«C’est une opportunité d’apprendre le droit différemment», introduit Ines De Cillia, étudiante à l’Uni et impliquée dans le projet. «J’ai voulu profiter de cette possibilité de pouvoir appliquer en pratique tout ce qu’on a appris durant nos études.»

Depuis les débuts du programme, qui s’étend sur une année académique, 24 étudiants y ont participé. «La pratique du droit nécessite des fondements solides, c’est incontestable. Si l’université n’a pas vocation à être professionnalisante, elle doit, néanmoins, réfléchir à l’évolution des étudiants et tenir compte de leurs attentes», cadre Élise Poillot, professeur et directrice de la clinique. «Nos élèves sont très demandeurs d’expérience professionnelle, d’autant plus que les stages ne sont pas obligatoires dans notre cursus.» 

D'après Thierry Hoscheit, la Clinique permet de donner un avant-goût du métier aux futurs avocats.

Depuis le départ, le projet a séduit et mobilisé différents acteurs du monde juridique. Son succès repose sur l’implication des praticiens. «Je me rappelle qu’à mon époque, les études en droit étaient très théoriques. Avoir une clinique ouverte sur l’extérieur permet aux étudiants de tester et voir si le métier d’avocat leur plaît. Un peu comme dans les écoles de médecine, on apprend en faisant», explique Thierry Hoscheit, premier vice-président du tribunal d’arrondissement de Luxembourg et formateur à la Clinique. «Lorsque j’étais jeune diplômé et avant d’être assermenté, j’ai eu l’occasion de plaider à la justice de paix. J’ai pu y accumuler de l’expérience durant huit mois. Cela m’a beaucoup servi dans la suite de ma carrière.»

Et Jan Kayser, secrétaire général du Centre de médiation civile et commerciale, et fervent défenseur du projet, de partager: «J’ai vécu mes études comme assez stériles et arides. La pratique m’a manqué.»

Travail en réseau

Ouverte du 15 octobre au 15 décembre et du 15 février au 15 juin, la clinique mobilise des étudiants de 2e année de master. Librement inspirée d’un concept américain puis adaptée au contexte local, elle repose sur un volet pédagogique complet pour préparer l’étudiant, notamment à l’aide de séminaires actifs de mise en situation.

 «Chaque participant dispose d’un laps de temps de trois jours pour étudier des dossiers réels et anonymisés. Il réfléchit de son côté aux solutions pouvant être appliquées au cas d’espèce. Lors de sessions de groupes, chaque étudiant va avoir 20 minutes pour exposer ses conclusions à des consommateurs fictifs sous le regard d’un avocat et d’une psychologue», précise Élise Poillot. Pour garantir l’anonymat, les dossiers sont tous français.

Le deuxième volet du programme est composé des consultations proprement dites. Pour interviewer de «vrais» consommateurs, les avocats en herbe sont formés à différentes techniques de consultation juridique.

Les élèves ont un bagage concret qui leur servira une fois assermentés.

Rosario Grasso, Barreau de Luxembourg

«Les étudiants qui choisissent de rejoindre la clinique découvrent la réalité quotidienne de leur futur métier», explique Rosario Grasso, bâtonnier au Barreau de Luxembourg et parrain de l’initiative. «Ils apprennent à faire des recherches, instruire un dossier, gérer des clients, négocier avec eux, des connaissances avant transmises par le maître de stage, qui joue de moins en moins ce rôle. Les élèves ont un bagage concret qui leur servira une fois assermentés. Ils gagneront du temps.» Et Jan Kayser d’appuyer: «Dans tous les métiers du droit, il faut avoir une bonne écoute, faire le tri dans ce qui se dit et développer une résistance au stress. C’est une excellente école.»

Plongée dans le réel

La procédure pour recourir à la Clinique est simple. Elle est saisie des questions des consommateurs. Les étudiants une fois formés discutent ensuite du traitement des problèmes juridiques avec les enseignants impliqués. Dans un second temps, ils reçoivent les consommateurs sous la supervision d’avocats volontaires. «Pour être un bon praticien, il faut être créatif et savoir interpréter», souligne Thierry Hoscheit. «Ce sont des qualités qu’on peut développer.»

J’ai pu me rendre compte que le droit n’est pas tout. 

Ines De Cillia, étudiante

La promotion de cette année a ainsi pu travailler sur sept dossiers différents. En se frottant au réel, ils ont la possibilité d’avoir un impact sur l’issue de vrais dossiers. «Ces contacts avec le terrain nous servent aussi en tant que chercheur. À l’Université, les professeurs ne peuvent pas travailler en parallèle. Ils ne pratiquent plus. Or, on ne peut pas enseigner une matière morte. La clinique est un enrichissement de ce point de vue.» 

Et Ines De Cillia, ravie, de résumer: «Grâce à la Clinique, j’ai pu me rendre compte que le droit n’est pas tout et que, parfois, il vaut mieux trouver une solution extrajudiciaire, en particulier dans le contexte du droit de la consommation où l’on rencontre souvent des difficultés de preuve et où les frais de justice sont souvent plus importants que les montants réclamés. C’est une expérience enrichissante aussi bien au niveau professionnel qu’au niveau humain.»