Monsieur Davreux, quelle est la place des ressources humaines chez Alter Domus ?
« Le département RH est intégré dans les organes stratégiques de l’entreprise. Il est ainsi présent dans notre international board, que l’on pourrait qualifier de comité de direction global. Si nous y sommes, c’est, je pense, la reconnaissance du rôle stratégique qu’occupe la fonction pour la direction générale en rapportant directement au Global CEO. En outre, le département RH s’occupe de tout le groupe Alter Domus. Les équipes au Luxembourg prennent en charge différentes tâches pour toutes les entités du groupe et travaillent notamment à les harmoniser.
Alors que l’économie souffre, Alter Domus continue sa croissance… Cela a-t-il des conséquences sur votre politique RH ?
« Nous sommes une société de services, et donc notre premier capital est humain. C’est lui qui nous permet de nous différencier des concurrents et qui nous permet d’atteindre la haute qualité du travail que nous fournissons. C’est l’élément clé qui est capable de traduire notre ambition en matière de service.
Nous continuons donc effectivement à recruter, pour suivre la hausse de volume apporté par nos nouveaux clients. Cela nous permet pour le moment de ne pas avoir de véritable impératif de diminution des coûts. Nous embauchons à la fois au Luxembourg et à l’international, et nous investissons beaucoup en formation. Notre défi est donc de réussir à croître, tout en conservant la culture d’entreprise initiale, synonyme du succès d’Alter Domus.
Le fait est que nous recevons aujourd’hui plus de candidatures spontanées qu’il y a six mois. Cela permet notamment de détecter des profils qui jusqu’ici étaient invisibles… et nous apporte de nouvelles opportunités de recrutement.
L’entreprise innove régulièrement, en proposant de nouveaux produits et services. Cela nécessite d’acquérir d’autres profils. Dans le même temps, comme nous n’avons pas de boule de cristal, personne ne peut véritablement dire quelle sera la situation économique d’ici six à 12 mois.
De manière générale, nous essayons d’adopter les mêmes pratiques dans tout le groupe. Par exemple, les critères d’évaluation sont les mêmes dans toutes nos filiales.
La rétention des salariés, si elle est plus simple en temps de crise, peut devenir compliquée au redémarrage de l’économie… Vous y préparez-vous déjà ?
« Alter Domus est perçue comme leader sur son marché. Nous sommes confortés dans cette image avec l’acquisition de Fideos il y a quelques mois. Le fait de recruter et de former massivement permet d’avoir un dialogue différent avec nos prestataires et nos employés. Nous prouvons aux gens que nous avons envie de travailler avec eux.
Nous travaillons également sur la mobilité internationale des équipes. Les mouvements peuvent être limités dans le temps, pour aller soutenir une filiale en développement. En enrichissant ainsi le parcours de nos collaborateurs, nous menons une gestion de carrière qui permet aux individus concernés d’être plus performants et plus riches d’expérience. C’est aussi un moyen d’assurer la rétention de nos meilleurs éléments.
La rétention est d’autant plus un enjeu que c’est souvent chez le leader que l’on vient chercher les compétences. La priorité aujourd’hui est donc de réussir à construire une relation durable avec nos employés, ce qui nous permettra de les garder lorsque la situation générale s’améliorera, et que nos concurrents se remettront à embaucher.
Quels sont les indicateurs et les outils de rétention que vous avez mis en place ?
« Il y a deux catégories. La première rassemble tout ce qui relève de ce que j’appelle le hard reward. C’est l’ensemble des outils jouant sur les éléments de satisfaction primaires, la rémunération, le package salarial, la nature même du travail à accomplir. Il faut être attractif, si possible avec des conditions légèrement supérieures à celles du marché.
La deuxième rassemble des critères moins tangibles, qui, en parallèle avec la première catégorie, est ce que je désigne sous le terme soft reward. Dans cette catégorie, on trouve des défis principaux. Le premier est ce qui touche à la qualité des infrastructures de travail. Les locaux sont-ils agréables ? Les espaces de repos accueillants ? Peut-on faciliter l’accès au temps partiel ? Facilite-t-on la vie quotidienne des collaborateurs ? Ensuite viennent le management et son style. La culture d’entreprise crée-t-elle un environnement favorisant le dialogue ? Donne-t-on du feedback ? Enfin, il y a la prise en compte de l’individu. Est-il reconnu ? Le sait-il ? Est-on suffisamment créatif dans la manière de le lui montrer ? En un mot, la culture de notre entreprise fonctionne-t-elle ?
Les relations intergénérationnelles sont-elles simples ? On soupçonne les générations X, Y ou Z d’être plutôt infidèles à leur employeur…
« Elles ont effectivement un nouveau rapport au travail. Ceci dit, le contexte économique actuel a malgré tout modifié la tendance. Je ne vous aurais pas forcément dit la même chose en 2006… À l’époque, l’approche était plus ‘vous me devez tout, tout de suite !’ En 2012, les comportements sont plus responsables, et le raisonnement est plus global. Le défi est le même que pour les autres, à savoir les attirer et les conserver sur une longue période. Comment faire ? C’est un fait qu’un jeune diplômé est plus mobile et moins fidèle que celui des générations précédentes. Il a souvent déjà goûté à l’expatriation, avec les différents programmes européens comme Erasmus ou les échanges entre grandes écoles… Il faut donc s’adapter, par exemple en offrant des opportunités de mobilité... ce qui tombe bien, avec notre développement à l’international.
Une autre de nos responsabilités est de leur envoyer un message clair sur l’équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle. Les nouvelles générations ont moins tendance que les précédentes à rapporter du travail à la maison. Il faut d’ailleurs prendre cette résistance dans le bon sens : n’était-on pas allé trop loin dans ce domaine ? Il faut également s’assurer qu’il y ait une équité entre les responsabilités et la charge de travail.
Cet équilibre est important, et pour faire respecter ce genre de choses, il faut notamment s’appuyer sur un leadership fort. Sans cela, on n’y arrive pas. Notre CEO nous aide dans cette tâche : il montre l’exemple, en accordant de la valeur, du respect pour les collaborateurs, tout en gardant à l’esprit que la plus haute qualité doit être fournie à nos clients. Il faut respecter les gens et la charge de travail qu’on leur donne, sans mettre de pression excessive.
Les résultats sont-ils à la hauteur ?
« Notre turn-over est plutôt bon, avec moins de 10 % de départs par an… Ce qui est faible par rapport au marché. Cela veut dire pour moi que nous avons trouvé une réponse plutôt équilibrée, en mélangeant différents éléments comme les moyens technologiques, la vie de l’entreprise, des événements internes…
Nous avons une forte culture d’entreprise. La performance quotidienne reste le plus important en maintenant un œil sur l’efficacité. Les valeurs sont souvent affichées par les entreprises… mais les faire vivre au quotidien est plus compliqué…
Dans le prolongement de ce que j’ai dit précédemment, nos modes d’évaluation ont mis à égalité le fait d’atteindre ses objectifs formels et l’adhésion aux valeurs de l’entreprise. Ces deux éléments rentrent dans la qualité de la prestation et de la création de valeur. Nous raisonnons différemment selon le profil et le rôle de chacun. Il y a, pour simplifier, trois catégories d’employés : les leaders, les managers et le staff. Chacun a ce que j’appelle un ‘cycle de vie’ comparable : recrutement, formation, évaluation, récompense, rétention.
Par exemple, chaque niveau a son propre processus de recrutement. Mais pour tous, au moment de l’entretien d’embauche, il y a un référentiel qui est fait par rapport aux valeurs de l’entreprise. La personnalité que l’on a en face de nous peut-elle s’accorder avec les nôtres ? A-t-on la même vision du respect ? La même définition ?
Il faut garder cette attention aux valeurs à chacune des étapes du cycle. Cela peut paraître simple, mais je crois qu’il faut d’abord les réexpliquer au quotidien. Viser la meilleure qualité, innover, respecter ses partenaires… Cela a comme résultat que la culture d’entreprise d’Alter Domus, on peut la toucher du doigt !
Vous avez rejoint Alter Domus récemment… Quelles sont les différences marquantes avec vos expériences précédentes ?
« Tout d’abord la place donnée aux RH, qui sont réellement considérées comme un élément stratégique de l’entreprise. L’étendue de notre pouvoir d’action est globale, avec un pouvoir de décision immédiat puisque le head office est basé à Luxembourg. Ensuite, il y a encore un esprit ‘jeune pousse’ dans l’entreprise… L’état d’esprit est encore celui de la croissance, du dynamisme. Cela, combiné au fait que nous sommes 500 personnes, donne des possibilités intéressantes. Il y a des ambitions et des moyens. Enfin, la fonction RH est encore en construction. Je pense être capable de participer à ce chantier. Cela correspond à ce que j’avais fait en 2005-2006 pour RBC Dexia, puis en Asie… Partir d’une feuille blanche est très intéressant. »
Parcours - Le monde comme terrain de jeu…
Âgé de 35 ans, Dimitri Davreux a fait ses études à l’université libre de Bruxelles. « J’y ai passé un master dans le domaine de la psychologie du travail, avec une spécialisation dans les RH. Il y a 11 ans, j’ai rejoint ce qui était encore la BIL, dans la partie qui allait devenir RBC Dexia. À la création de la structure, j’en suis devenu le DRH. Ces trois dernières années, j’étais responsable des RH dans le secteur de l’Asie-Pacifique. J’ai rejoint Alter Domus il y a un peu plus de six mois. »