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Impactant clairement la manière d’approcher ses clients et prospects, mais aussi d’encadrer ses collaborateurs, la transition digitale change le contexte de travail et le rapport vie privée/sphère professionnelle. Sous la poussée des jeunes talents, mais pas uniquement, SEA, SEO, réseaux sociaux, démarche multicanale permettent une personnalisation toujours plus fine des produits et services proposés. En permettant de doper l’efficacité de certaines démarches et de supprimer toute une série de formulaires papier, la transition digitale a aussi un impact en termes de RSE.

Trois interlocuteurs, rencontrés en table ronde, nous font part de leur enthousiasme et de leurs réserves quant aux évolutions à l’œuvre dans leur domaine d’activité: Alessandra Simonelli, directrice Marketing et Développement pour la Banque de détail et des entreprises de BGL BNP Paribas, Romain Weiler, COO et membre du comité exécutif à la Banque de Luxembourg, et Jean-Pierre Mullenders, managing director chez Randstad.

Le client change, nous devons changer aussi.

Romain WeilerRomain Weiler, COO et membre du comité exécutif (Banque de Luxembourg)

«La transition digitale est un projet de transformation d’entreprise. Elle représente à ce titre un challenge organisationnel et technologique conséquent», introduit Romain Weiler. «Il ne s’agit pas seulement de supprimer le papier, même si c’est souvent ce que l’utilisateur final voit en premier, mais de répondre aux besoins de l’élargissement de l’accès à l’information et de faire profiter les clients, en même temps que l’entreprise, des gains d’efficacité amenés dans le sillage des nouvelles technologies. Le client change, nous devons changer aussi.»

On est encore loin du tout digital.

Alessandra SimonelliAlessandra Simonelli, Directrice marketing et développement (BGL BNP Paribas)

Mobilité à la carte

Ainsi, acteurs bancaires comme agences d’intérim font face à une concurrence de nouveaux entrants dans leur pré carré, «pure players» digitaux ou start-up hybrides, les obligeant à réinventer la manière de délivrer leurs services, tout en conservant leur force: la relation client. «Nous sommes en train de repenser notre métier avec moins de passages en agences et plus de contacts en ligne», note Jean-Pierre Mullenders. «Cela nécessite une présence digitale optimale. C’est une condition de survie pour attirer les bons candidats.» «Les clients ne sont pas tous prêts à tout faire en ligne. Certains restent demandeurs de contacts humains et de rendez-vous en face à face. Il ne faut pas les oublier. On est encore loin du tout digital», tempère Alessandra Simonelli. «Je ne crois pas à la disparition des agences.»

Avoir une app n’est aujourd’hui plus un argument différenciant, mais une commodité.

Romain WeilerRomain Weiler, COO et membre du comité exécutif (Banque de Luxembourg)

Pour se rapprocher de la clientèle où qu’elle soit et à n’importe quelle heure de la journée, de nombreuses banques ont planché sur une ou plusieurs applications mobiles qui viennent renforcer les canaux de distribution classiques des banques. L’application BL Mobile Banking, développée en interne, a été pensée et lancée en 2010 pour permettre un accès aux comptes bancaires depuis un smartphone. «Avoir une app n’est aujourd’hui plus un argument différenciant, mais une commodité», soutient Romain Weiler. «C’est de ne pas en proposer qui fait qu’on se distingue de manière négative. Nous avons démarré une réflexion en ce sens il y a six ans et lancé notre app dans la foulée. Nous l’avons fait évoluer, mais son architecture arrive aujourd’hui à ses limites.»

C’est le client qui choisit le canal.

Alessandra SimonelliAlessandra Simonelli, Directrice marketing et développement (BGL BNP Paribas)

Celle de BGL BNP Paribas, disponible sur l’Apple Store, offre également la possibilité de réaliser des opérations bancaires en quelques clics, mais aussi d’entrer en communication avec un agent. L’app se conçoit en complément du site e-banking de la banque. «C’est le client qui choisit le canal. L’expérience et le ressenti doivent être les mêmes, quelle que soit l’option. La cohérence est très importante», défend Alessandra Simonelli. «À tout moment, il faut pouvoir passer d’un canal physique à des interactions en ligne sans interruption dans le flux. L’information doit également être complète partout.»

Philosophie agile

Pour Romain Weiler, loin d’être figée, la vie de toute application est faite d’itérations régulières pour suivre les besoins de ses utilisateurs finaux. Même constat concernant les espaces clients en ligne. La Banque de Luxembourg planche en ce moment sur une refonte de son site web et de son app mobile avec l’aide d’une société spécialisée en web design afin d’en améliorer l’ergonomie et l’expérience client. «Les modes web ont changé. Le design plat amené par les tablettes et autres devices mobiles a modifié les attentes en matière de graphisme et de navigation des clients.»

Les modes web ont changé.

Jean-Pierre MullendersJean-Pierre Mullenders, Managing director (Randstad)

L’approche est similaire chez Randstad Luxembourg, qui est en pleine réflexion autour de son portail MyRandstad. Une app est également dans les cartons. «Avoir un portail agréable et de qualité est devenu clé dans tout secteur. Le nôtre a fait ses premières maladies. Nous sommes en train de l’améliorer. Une chose est sûre, il faut être rapide et réactif, d’autant plus que nous intervenons souvent dans l’urgence suite à une maladie ou un départ inopiné. Nous sommes dans une phase de transition», partage Jean-Pierre Mullenders.

Une chose est sûre, il faut être rapide et réactif.

Jean-Pierre MullendersJean-Pierre Mullenders, Managing director (Randstad)

Ce portail relifté va de pair avec la stratégie du groupe «from bricks to clics» qui vise à limiter les passages en agences et à faire un maximum de tâches en ligne, de l’inscription à la mise à jour de son CV. «À l’avenir, les candidats ne viendront chez nous que pour des missions concrètes. Les conseillers seront plus sélectifs dès le départ et l’efficacité globale sera meilleure. Bien sûr, tout ne pourra pas être automatisé. Un recrutement n’est jamais basé uniquement sur des éléments objectivables. L’humain et sa sensibilité restent au cœur de notre métier.»

Tout ne pourra pas être automatisé. Un recrutement n’est jamais basé uniquement sur des éléments objectivables. 

Jean-Pierre MullendersJean-Pierre Mullenders, Managing director (Randstad)

Sur le plan de la RSE, chaque intérimaire nécessitant au minimum trois documents, deux contrats et une facture, sans compter les fiches de paie ni les timesheets, l’enjeu de la numérisation est non négligeable. Et Jean-Pierre Mullenders d’ajouter: «Chaque agence a un volume important de papier à gérer. Certains de nos clients sont réceptifs à digitaliser cette chaîne, d’autres moins. In fine, toutes les entreprises devront y passer.»

L’utilisateur au centre

L’app conçue par les équipes de BGL BNP Paribas récolte l’avis des utilisateurs, devenus parties intégrantes du projet, afin d’affiner les fonctionnalités proposées et d’offrir plus de «sur-mesure». «Ces feed-back nous permettent de mieux connaître nos clients et d’améliorer nos applications. Nous nous servons également de nos collaborateurs, un excellent échantillon de tests, représentatif du marché grand-ducal», indique Alessandra Simonelli. «Ils nous ont notamment permis de comprendre que l’appétence au digital n’était pas une question de génération.» Dans chaque agence, des tablettes et des écrans sont en libre utilisation.

Nous nous servons également de nos collaborateurs, un excellent échantillon de tests.

Alessandra SimonelliAlessandra Simonelli, Directrice marketing et développement (BGL BNP Paribas)

En interne, l’impact des outils mobiles est aussi notable en matière de gestion de projet et de collaboration interdépartementale. Et Romain Weiler d’expliquer: «L’agilité va de pair avec un état d’esprit pragmatique et orienté solutions. Un projet qui hier encore était délivré en un seul bloc après une longue période de développement sera à présent découpé en lots viables individuellement. On vise une mise en production rapide d’une solution avec un périmètre fonctionnel réduit qu’on complète ensuite par des vagues successives d’améliorations et de rajouts fonctionnels. L’impact sur les clients et utilisateurs est positif. Ils reçoivent plus rapidement les choses qui les intéressent et apprécient le caractère dynamique de la démarche.»

L’agilité va de pair avec un état d’esprit pragmatique.

Romain WeilerRomain Weiler, COO et membre du comité exécutif (Banque de Luxembourg)

«Toutes ces évolutions technologiques sont développées dans un mode agile», le rejoint Alessandra Simonelli. «Il s’agit de proposer des adaptations rapides et de travailler de manière souple et réactive. Le cycle de développement est beaucoup plus court.»

Toutes ces évolutions technologiques sont développées dans un mode agile.

Alessandra SimonelliAlessandra Simonelli, Directrice marketing et développement (BGL BNP Paribas)

La force des réseaux

Sous l’effet de la prolifération des réseaux sociaux, blogs et autres conseils en ligne, qui sont les canaux de renseignement privilégiés des jeunes talents, l’information, y compris financière, est partout. «Dans les banques traditionnelles, ce qu’on considère comme innovation est souvent perçu comme normal par les digital natives», explique Alessandra Simonelli. «Les réseaux sociaux en font partie. L’utilisation des technologies par les jeunes dicte la façon dont les outils vont fonctionner. Cela demande un vrai changement culturel. Bien sûr, l’équilibre doit toujours être trouvé entre sécurité, ouverture et confort de l’utilisateur.»

L’équilibre doit toujours être trouvé entre sécurité, ouverture et confort de l’utilisateur.

Alessandra SimonelliAlessandra Simonelli, Directrice marketing et développement (BGL BNP Paribas)

Le partage de l’information modifie les rapports de pouvoir et le rôle des intermédiaires, dans les agences d’intérim, comme dans les banques. «Le rôle et la valeur ajoutée du banquier peuvent sembler moins importants aujourd’hui qu’hier. En effet, l’innovation technologique et l’apparente facilité d’accès à des informations financières donnent au client l’impression ou la certitude de pouvoir autogérer certaines questions financières. Le challenge pour le conseiller et la banque est de repositionner son rôle et sa raison d’être», prévoit Romain Weiler. «Notre valeur ajoutée réside dans des tâches complexes, comme par exemple la planification successorale, la structuration de dossiers compliqués ou encore le transfert d’entreprise. Pour pouvoir continuer à exercer ces métiers, il est évident que les banques et leurs collaborateurs devront affûter ou acquérir de nouvelles compétences.»

Notre valeur ajoutée réside dans des tâches complexes.

Romain WeilerRomain Weiler, COO et membre du comité exécutif (Banque de Luxembourg)

Le gestionnaire fera ainsi la différence sur des sujets pointus, demandant une expertise actualisée difficile à trouver en ligne. Et Alessandra Simonelli de terminer: «La technologie et la communication omnicanales doivent d’abord faciliter la relation d’un conseiller avec son client. Le digital simplifie l’accès à l’information et améliore l’autonomie. Nos clients sont de mieux en mieux informés, comparent les offres et connaissent les tarifs. C’est un plus dans la relation. Cela étant dit, le digital n’est qu’un outil. Notre expertise et nos métiers restent fondamentalement les mêmes.»

Le digital n’est qu’un outil.

Alessandra SimonelliAlessandra Simonelli, Directrice marketing et développement (BGL BNP Paribas)