Rosario Grasso, bâtonnier du Barreau luxembourgeois, met les justiciables en garde contre les conseils juridiques dispensés en ligne. Standardisés, ils ne sont pas toujours neutres, ni adaptés aux cas d’espèce. (Photo: Maison Moderne /archives)

Rosario Grasso, bâtonnier du Barreau luxembourgeois, met les justiciables en garde contre les conseils juridiques dispensés en ligne. Standardisés, ils ne sont pas toujours neutres, ni adaptés aux cas d’espèce. (Photo: Maison Moderne /archives)

Explosion des TIC, démocratisation des fintech et des robo-advisors ou encore naissance des «smart contracts» ou de la blockchain bousculent l’ensemble des professionnels du droit, ainsi que la maîtrise de l’information juridique. Dans le cas des avocats, on fait désormais face à un nombre grandissant de plateformes, rarement alimentées par des praticiens diplômés, qui proposent des conseils juridiques en ligne.

Comme le rappelle Rosario Grasso, bâtonnier du Barreau de Luxembourg, ceux qu’on appelle les «braconniers du droit» n’offrent généralement qu’une vue standardisée et parcellaire de la loi. «Chaque dossier est différent. Se fier à des conseils standards proposés sans aucun contact avec le client ni prise en compte de son cas d’espèce est dangereux. De tels sites ne peuvent proposer la même qualité de service ni les mêmes garanties qu’un avocat, dont la profession est encadrée par la loi. La question de la responsabilité doit se poser. Qui est responsable du conseil? Qui est assigné si le client n’est pas satisfait? On ne sait pas toujours où ces plateformes sont hébergées, ni quel droit est applicable.»

Sans histoire, il n’y a pas de justice.

Elise Poillot, directrice de la Clinique du droit de la consommation

Le droit repose sur l’interprétation, comme le rappelle Elise Poillot.

Différents pans du métier sont attaqués par ces nouveaux acteurs juridiques, de la production de documents juridiques à la mise en ligne de testament ou encore des actions collectives grâce à du crowdfunding. «Le droit repose sur des faits, de l’interprétation et de la contextualisation», rappelle Elise Poillot, directrice de la Clinique du droit de la consommation, adossée à l’Université du Luxembourg. «Il faut que le justiciable puisse raconter son histoire. Un site internet ou un logiciel ne peut le comprendre. Sans histoire, il n’y a pas de justice.»  

Repenser le rôle

Un des effets collatéraux de l’apparition des start-up juridiques est l’élargissement de l’accès de la base des clients, qui pourrait aussi bénéficier aux cabinets d’avocats. «Ce qui est intéressant, c’est l’accessibilité au droit et l’accélération du temps de la justice. Des logiciels ou les plateformes en ligne peuvent donner de premières indications, comme des estimations de montants», affirme Elise Poillot. «Ce ne sont que des outils. Avec le big data, n’importe qui peut avoir accès à l’information. Le challenge est de la trier. Au bout de la chaîne, il faudra toujours un humain. Un algorithme peut être très précis, il ne peut retirer l’importance de l’appréciation. Une machine ne pourra pas appréhender le mensonge.»

Lancé à l’été 2014 par l’américain Charley Moore, Rocket Lawyer fait partie de ceux qui surfent sur cette tendance. Soutenu par le Barreau américain, le site met en contact clients et avocats par type de prestation de manière simple et rapide. «Une très grande partie de la population ne va jamais consulter un avocat», explique Rosario Grasso. «Il y a un vide à combler. Aux avocats de se remettre en question et de répondre aux différents besoins de la classe moyenne.»   

Pour le bâtonnier, cela ne fait aucun doute, le métier doit se réinventer. Parler d’argent ne doit, par exemple, plus être tabou. «Depuis la crise, le prix est devenu un élément de négociation. Il faut en prendre conscience, sinon on se fera doubler de tous les côtés. Les avocats doivent fonctionner autrement.»

Au-delà de l’évolution numérique, les avocats doivent mieux communiquer.

Rosario Grasso, bâtonnier du Barreau de Luxembourg

Tirant parti de ce contexte de transition, le Barreau de Luxembourg a choisi de se lancer dans un vaste chantier de transformation numérique, s’inscrivant dans une logique globale d’informatisation de la justice. Les piliers: un cloud accessible à chaque avocat et une solution de gestion électronique documentaire. L’archivage des dossiers a aussi été numérisé et indexé en parallèle, dans l’idée de progressivement s’affranchir de l’usage du papier. «Au-delà de l’évolution numérique, les avocats doivent mieux communiquer et être plus transparents quant à leurs prestations. Le Barreau réfléchit constamment à améliorer les pratiques», achève Rosario Grasso.