Claude Wiseler: «Seule la question sur le droit de vote des non-Luxembourgeois est une véritable question référendaire.» (Photo: Julien Becker / Archives)

Claude Wiseler: «Seule la question sur le droit de vote des non-Luxembourgeois est une véritable question référendaire.» (Photo: Julien Becker / Archives)

Monsieur Wiseler, la campagne sur le référendum de ce 7 juin touche à sa fin. Quel a été le plan de bataille du CSV mis en place dans ce cadre?

«On ne peut pas véritablement parler de plan de bataille puisque ce n’en est pas une, mais plus simplement trois questions posées. L’objectif a été et est jusqu’à ce week-end de présenter nos arguments en essayant toujours de toucher par tous les moyens possibles le plus grand nombre de personnes.

Nous tenons à ce que ce ne soit pas une discussion entre partis mais un débat contenu dans le cadre de la toute simple réponse à apporter aux trois questions. Nous défendons nos arguments, présentons nos alternatives et essayons de créer une discussion. La question sur le droit de vote des étrangers est en particulier importante et sensible. Elle doit dès lors être discutée dans le calme et argumentée de la manière la plus correcte possible.

Un de vos slogans est «Opgepasst, E Kräis ass séier gemaach». Pourquoi «Attention»? Parce qu’il y a danger?

«Ces affiches ne défendent ni le ‘oui’, ce qui est évident, ni le ‘non’. Le message est qu’il y a une discussion à faire, et qu’il faut s’informer. Je sais très bien ce que certains ont voulu lire à travers ce message, mais tel n’est pas le cas. Je ne souhaite même pas en parler. Je trouve cela aussi ridicule qu’inacceptable.

Nous ne sommes pas pour un ‘non’ franc et massif. Nous disons ‘oui’ à la paticipation des étrangers, mais ‘non’ à la proposition du gouvernement. Ce qui vaut aussi pour la participation des jeunes ou le renouveau du personnel politique, mais encore une fois pas selon les modalités proposées par le gouvernement.

La participation des étrangers, nous y tenons absolument.

Claude Wiseler, président du groupe CSV à la Chambre

Le ‘non’ n’est pas un refus ou un rejet, mais un ‘non’ au chemin qui a été choisi. Nous avons d’autres alernatives et d’autres voies à suivre, notamment sur la question du droit de vote des étrangers.

Cette participation, nous y tenons absolument. Raison pour laquelle nous avons choisi de défendre cet accès par la nationalité. Je regrette qu’un tel sujet soit résumé à une seule proposition, avec deux conditions qui viennent d'on ne sait où.

Quelle position défendez-vous pour une meilleure participation des résidents étrangers à la vie politique du pays?

«J’ai déposé il y a deux mois une proposition de loi précise et claire. Il s’agit tout d’abord de l’introduction du droit du sol qui doit permettre à tous les petits non-Luxembourgeois qui naissent au Grand-Duché de devenir, s’ils le souhaitent, Luxembourgeois à leurs 18 ans. Cela devrait concerner 3.000 jeunes chaque année qui obtiendraient ainsi, et automatiquement, le droit de vote et celui d’être élus.

La proposition vise également à abaisser de sept à cinq ans la condition de résidence dans l’obtention de la nationalité, et de permettre à celui ou à celle qui épouse un Luxembourgeois ou une Luxembourgeoise de ne plus être lié(e) à aucune condition de résidence.

Quatrièmement, nous considérons aujourd’hui que beaucoup ne choisissent pas la nationalité luxembourgeoise du fait d’une barrière de la langue qui est tout de même élevée. Certes, la langue est un élément important mais je pense que les conditions liées à sa maîtrise peuvent être allégées.

Nous défendons un ‘non’ d’accueil et d’ouverture.

Claude Wiseler, président du groupe CSV à la Chambre

Enfin, nous disons que ceux qui sont ici depuis 20 ans, qui ont travaillé et qui souhaitent rester au pays puissent demander et obtenir la nationalité luxembourgeoise, sans la condition de devoir nécessairement maîtriser la langue du pays, car pour un certain nombre de personnes et en fonction de certaines raisons particulières, ce n’est tout simplement pas possible. Et là, il faut savoir de temps en temps se montrer un peu généreux.

Le ‘non’ que nous défendons est donc, à la lumière de cette proposition, un ‘non’ d’accueil et un ‘non’ d’ouverture pour une communauté commune et multiculturelle.

Pourquoi le CSV n’a-t-il pas soutenu cette proposition lorsqu’il était au pouvoir?

«En 2002, nous avons facilité les conditions d’accès à la nationalité luxembourgeoise, puis introduit en 2008 un nouveau texte de loi introduisant la double nationalité au Luxembourg, ce qui a permis en peu de temps de passer de 1.000 à 4.000 naturalisations par année. Ce fut autrement dit un succès.

Aujourd’hui, nous souhaitons franchir un pas supplémentaire avec l’introduction du droit du sol qui nous paraît désormais important et d’ailleurs soutenu, selon les sondages, par 72% des Luxembourgeois. Il est donc temps de le faire.

Quelle est, selon vous, la définition de la citoyenneté en 2015?

«En ce qui me concerne, et dans le contexte de ce dont nous parlons, je parle de nationalité luxembourgoise et de citoyenneté européenne. Aujourd’hui, selon les textes et les définitions en usage, est citoyen européen tout homme ou femme qui est détenteur de la nationalité d’un pays européen.

Cela dit, droit de vote et citoyenneté européenne sont dans le temps une chose à laquelle il faudra parvenir. Notamment via des accords mutuels de droit de vote accordés entre États membres.

C’est donc à un niveau supérieur que les choses doivent avancer…

«Pas nécessairement. Je peux très bien concevoir que 3, 5 ou 10 pays s’accordent un droit de vote entre eux. Il n’est pas indispensable de disposer d’un grand texte du Parlement européen pour cela.

Les jeunes pousses de votre parti, tout comme l’archevêque dont le CSV est proche, défendent une autre position que la vôtre. Cela fait tout de même un peu désordre, non?

«Il y a deux choses à dire là-dessus. Tout d’abord, nos positions quant au référendum ont été validées tant par les organes décisionnels que par la base de notre parti. Ensuite, si vous croyez les sondages, vous pourrez voir que les électeurs du parti chrétien social partagent beaucoup plus la voie qu’a choisie le CSV que ne partagent les électeurs démocrates vis-à-vis de celle prônée par le DP.

C’est à chacun de prendre sa décision, hors de l’échiquier politique.

Claude Wiseler, président du groupe CSV à la Chambre

Donc, je veux bien que l’on discute de la CSJ et de l’archevêque, mais je n’ai aucun problème à dire qu’il y a dans notre parti un certain nombre de personnes qui sont d’une autre opinion. Et Alors? Où est le problème? Justement! Je ne veux pas faire de ce référendum un vote de partis et j’évite le plus possible d’en faire un enjeu entre DP, CSV, Déi Gréng, etc. On nous pose une question, et c’est à chacun de prendre sa décision, hors de l’échiquier politique. 

Qu’est-ce qui vous gène dans l’approche proposée pour une participation plus précoce des jeunes à la vie politique?

«Notre principe est que la majorité juridique et le droit de vote sont liés. Voter est un acte de grande responsabilité qui doit aller de pair avec tous les droits et les devoirs qu’apporte la majorité à tout un chacun.

Tout le monde doit avoir les mêmes droits et les mêmes responsabilités.

Claude Wiseler, président du groupe CSV à la Chambre

Ensuite, quand j’entends le Premier ministre dire que la motivation de cet abaissement de l’âge du droit de vote est celle de la pédagogie à la démocratie, je pense que c’est une mauvaise réponse à la question posée. Car, à mon sens, il faut d’abord introduire à l’école ou dans les communes des structures d’apprentissage de la politique. Donner ce droit de vote seulement à ceux qui le souhaitent n’apportera pas grand-chose et est donc totalement insuffisant à mes yeux.

Accepter une séparation entre ceux qui s’intéressent et ceux qui ne s’intéressent pas n’est pas une bonne chose. Tout le monde doit avoir les mêmes droits et les mêmes responsabilités. Et donc tout le monde doit participer au vote pour obtenir un résultat qui soit globalement correct.

Troisième question enfin, celle de la limitation du mandat des ministres…

«C’est une question qui, a priori, semble innocente. Mais si on y répond ‘oui’, cela pourrait avoir des conséquences importantes pour notre pays. Je ne comprends pas qu’il ait été envisagé de poser cette question.

C’est un droit que vous prenez aux gens qui élisent des femmes ou des hommes en qui ils ont confiance et dont ils souhaitent que les mieux élus entrent au gouvernement. Et là, on vient vous dire qu’après 10 années de confiance, c’est terminé. De quel droit peut-on priver quelqu’un qui a le double des voix d’un autre de faire partie d’un nouveau gouvernement?

Le rajeunissement des cadres politiques peut se faire dans les partis.

Claude Wiseler, président du groupe CSV à la Chambre

Est-ce, comme le soutient le Premier ministre, pour permettre au plus grand nombre de réaliser ses idées au sein d’un gouvernement? D’où cela vient-il? C’est tout simplement une mauvaise compréhension de la finalité du travail gouvernemental.

Et puis, j’ajouterai encore que si vous voulez rajeunir les cadres politiques, vous n’avez qu’à le faire au sein de votre parti. Pourquoi le LSAP ou le DP n’inscrivent-ils pas dans leurs statuts qu’après 10 ans au gouvernement le travail de ministre c’est fini? Pourquoi? S’ils le souhaitent, qu’ils le fassent!

On veut nous priver d’un avantage qui nous a toujours servis.

Claude Wiseler, président du groupe CSV à la Chambre

Et puis, pourquoi le Luxembourg a-t-il joué ces 30 ou 40 dernières années en Europe un rôle que je considère plus important que les 500.000 personnes que nous représentons? C’est en partie parce que les hommes et les femmes que nous avons envoyés au niveau européen disposaient d’une grande expérience politique, qu’ils étaient connus et reconnus.

On veut donc nous priver d’un avantage qui nous a toujours servis et je ne vois pas pourquoi. Cela n’a aucun sens.

Enfin, dernier argument, si on fait du droit comparé, cette limitation des mandats se retrouve dans des régimes présidentiels mais jamais dans des régimes parlementaires. Cela ne se retrouve nulle part. Imaginez: avec cette limitation, aucun des Premiers ministres luxembourgeois ne l’aurait été, du fait qu’ils ont tous été ministres, souvent longtemps, avant d’accéder à la présidence du gouvernement!

Que restera-t-il, selon vous, de ce référendum?

«Le référendum est un instant important de la vie politique, au Luxembourg comme ailleurs. Mais je considère que deux des questions posées – celle sur la participation des jeunes et celle sur la limitation des mandats ministériels – ne sont pas des questions que l’on doit soumettre à un tel scrutin. Par rapport aux précédents référendums, cela fait tout de même un peu léger.

Le 8 juin, il faudra continuer à vivre ensemble.

Claude Wiseler, président du groupe CSV à la Chambre

Seule la question sur le droit de vote des non-Luxembourgeois est une véritable question référendaire dont je mesure très bien l’importance. Mais je n’aurais jamais posé cette question-là aujourd’hui. Tout d’abord parce qu’elle risque de séparer une société qui, jusqu’à présent, vit bien ensemble et ensuite parce que dire ‘oui’ ou ‘non’ à une seule solution proposée – avec deux conditions tombées du ciel – n’est pas une manière d’aborder un problème aussi important que celui-là.

On verra donc ce qu’il va rester de ce référendum. Dans notre campagne, nous avons tenté d’éviter toute cassure et, quel que soit le résultat, de nous retrouver ensuite face à des problèmes. Le 8 juin arrivera avec ses résultats, et il faudra ensuite continuer à vivre ensemble dans cette société riche de sa multiculturalité et dans laquelle il n’y a pas trop de problèmes en comparaison avec ce qui se passe ailleurs.»