Jean-Yves Leborgne: «Les analystes s’accordent à dire que le déséquilibre sur le marché pétrolier devrait perdurer un temps.» (Photo: DR)

Jean-Yves Leborgne: «Les analystes s’accordent à dire que le déséquilibre sur le marché pétrolier devrait perdurer un temps.» (Photo: DR)

En touchant un point bas de 40 dollars par baril mi-août, le prix du pétrole est passé sous son précédent plancher du mois de mars. Il a certes rebondi depuis, mais demeure à un niveau particulièrement peu élevé. On se souvient en effet qu’il y a un an, le prix du baril, qui avait pourtant déjà baissé, atteignait encore 100 dollars.

Quelle est la cause d’un pareil effondrement du prix?

Un tel mouvement ne peut être que le fruit d’un déséquilibre entre offre et demande et n’est pas sans conséquence sur les producteurs. Selon le mode d’extraction du pétrole, certains producteurs produisent à perte. Cela s’explique soit par le fait qu’il n’est techniquement pas possible d’arrêter la production, soit par le fait que les coûts fixes de l’entreprise doivent, de toute façon, être couverts. Par contre, il est clair qu’à pareil niveau, toutes les entreprises pétrolières coupent dans leurs investissements, faute de rentabilité: pour l’année 2015, les Capex devraient passer de 430 milliards prévus à 338 milliards.

Au niveau de la demande, le ralentissement des pays émergents joue un rôle crucial. Leur forte croissance au cours des 15 dernières années a maintenu une pression haussière sur les prix des matières premières. Mais aujourd’hui, considérant que le Brésil est en récession, que la Russie fait face à des difficultés tout aussi importantes, et surtout qu’un ralentissement de l’économie chinoise est devenu inévitable, les perspectives de demande sont largement revues. Sachant que la Chine devrait bientôt devenir le plus grand importateur net de pétrole, toute faiblesse peut avoir des effets importants sur le marché. Or, les récents troubles sur les marchés boursiers font planer le doute quant à un éventuel atterrissage brutal de l’économie chinoise.

Des gagnants et des perdants?

D'un côté, les grands perdants sont bien entendu les pays producteurs de pétrole et de matières premières en général. La chute du prix réduit drastiquement la rente pétrolière, plombant les finances publiques de certains pays. On se rappellera à ce sujet que des pays comme le Koweït ou l’Arabie saoudite tirent plus de 80% de leurs rentrées budgétaires de la rente pétrolière.

Mais d’un autre côté, les pays consommateurs de pétrole voient leur facture énergétique diminuer tout aussi drastiquement. Sachant par exemple qu’en fonction des pays, la consommation d’énergie représente pas loin de 10% du budget des ménages, une diminution des prix de l’énergie représente une augmentation non négligeable du pouvoir d’achat. La consommation des ménages aux États-Unis et en Europe pourrait donc connaître une nouvelle phase d’accélération.

Il ne faut cependant pas en déduire que la baisse des prix des matières premières n’a que des conséquences positives pour les pays consommateurs de pétrole: le ralentissement des pays émergents, qui est une des causes du phénomène, risque également de se refléter dans le commerce mondial, et donc en particulier dans les exportations de ces mêmes pays consommateurs de pétrole.

Quid du futur?

Les analystes s’accordent à dire que le déséquilibre sur le marché pétrolier devrait perdurer un temps. Néanmoins, il est peu probable que l’on demeure à un prix de pétrole aussi faible qu’au cours des dernières semaines. Un prix entre 50 et 60 dollars par baril semble plus probable.

L’effet macroéconomique net d’un tel choc devrait par ailleurs être positif sur la consommation des ménages, du moins pour autant que le ralentissement de la Chine ne se transforme pas en récession chinoise. Dans ce cas en effet, on risque de perdre en emplois ce que l’on gagne en pouvoir d’achat.

Enfin, il est clair qu’une période prolongée de faible prix du pétrole et donc de faibles investissements dans des capacités de forage, d’extraction et de raffinage pourrait mener à terme (au-delà de cinq ans) à un manque de capacités lors d’une prochaine phase haute du cycle mondial, le prix du pétrole pouvant alors retrouver ses niveaux records du passé… et provoquer un nouveau ralentissement économique.