Pour l’ancien ministre socialiste, un pass pour les frontaliers sera inévitablement un échec, à l’image du «disque vert». (Photo: Charles Caratini / archives)

Pour l’ancien ministre socialiste, un pass pour les frontaliers sera inévitablement un échec, à l’image du «disque vert». (Photo: Charles Caratini / archives)

Il faut d’abord constater que jusqu’à ce jour aucun terroriste ne fut arrêté par une frontière. Pour la simple et bonne raison que la plupart des terroristes sont des nationaux des pays où ils commettent leurs forfaits. La Grande-Bretagne n’a jamais rejoint Schengen et a donc en théorie gardé la maîtrise de ses frontières. Ce qui n’a empêché aucun des attentats de Londres.

La réintroduction des contrôles aux frontières intérieures de Schengen tuerait le commerce transfrontalier régional, très important dans notre région.

1,5 million de citoyens «Schengen» traversent chaque jour une frontière pour travailler dans un pays voisin. Près de 100.000 Lorrains sont dans ce cas. Ils ont vécu les bouchons interminables en décembre 2015, lorsque la France avait réintroduit des contrôles temporaires.

Pour les amadouer, le Front national et Debout la France proposent maintenant un «pass» pour les frontaliers travaillant hors de la France.

C’est ainsi que le processus Schengen s’était enclenché. L’accord de 1985, pour la signature duquel j’avais l’honneur d’inviter, avait introduit comme «facilité» pour traverser les frontières un «disque vert». Les automobilistes de la Grande Région, en collant ce disque vert derrière leur pare-brise signalaient ainsi aux douaniers qui restaient en place qu’ils n’avaient «rien à déclarer».

Or, avec la logique compréhensible des douaniers, ceux-ci finirent par contrôler uniquement les véhicules arborant un disque vert pour trouver d’éventuels fraudeurs qui avaient quelque chose «à déclarer».

L’introduction d’un «pass pour frontaliers» forcerait les nouveaux contrôleurs aux frontières à vérifier l’identité des détenteurs d’un «pass», car autrement il y aurait un risque que des gens mal intentionnés se procurent ces «passes».

Le constat de l’échec de l’opération «disque vert» amena les cinq États «Schengen» à abolir à travers l’accord Schengen II de 1990 tous les contrôles aux frontières intérieures de l’espace commun, tout en maintenant les contrôles aux frontières extérieures. D’ailleurs à ma connaissance, la France n’a encore jamais arrêté un terroriste à ses frontières extérieures, essentiellement maritimes et aéronautiques.

L’espace Schengen fonctionne actuellement pour quelque 450 millions d’Européens, et quelque 15 millions de visiteurs de pays hors zone, qui peuvent circuler librement avec un visa Schengen dans les 28 pays ayant adhéré au système, y compris la Suisse et la Norvège. Bon an, mal an, quelque 1,5 milliard d’Européens traversent les frontières intérieures de l’espace Schengen sans devoir se soumettre à des contrôles finalement inutiles.

En réintroduisant des contrôles aux frontières françaises, ces deux partis politiques décourageraient une bonne partie des 70 millions de touristes qui visitent chaque année la France. Bonjour les dégâts pour l’industrie touristique française.

Et puis et surtout: le gain sécuritaire serait nul. La criminalité transfrontalière a régressé ces dernières 20 années, notamment à travers le système d’information Schengen, dont le siège est à Strasbourg. L’efficacité de ce système de coopération policière transfrontalier est telle que les Britanniques, tout en ayant refusé de rejoindre l’espace Schengen, restent membres du SIS!

Toutes ces idées ultranationalistes sont navrantes au plus haut point. Si elles étaient mises en œuvre, notre Grande Région, et surtout la France, connaîtrait de graves problèmes.