Denise Voss estime que le secteur doit rendre l’accès à ses produits plus simple pour les investisseurs. (Photo: Marion Dessard)

Denise Voss estime que le secteur doit rendre l’accès à ses produits plus simple pour les investisseurs. (Photo: Marion Dessard)

On pressentait que le record allait tomber. Depuis le 30 septembre, c’est officiel: les actifs sous gestion dans les fonds d’investissement logés au Luxembourg ont dépassé la barre des 4.000 milliards d’euros. 4.037 milliards très exactement. Une évolution impressionnante si on se souvient que la ligne des 1.000 milliards avait été franchie au cours de l’année 2004 et celle des 2.000 en 2007. «Pour passer de 3.000 à 4.000 milliards d’actifs, il n’a fallu à nouveau que trois ans, observe Denise Voss, présidente de l’Association luxembourgeoise des fonds d’investissement (Alfi). Nous avons évidemment été poussés dans le dos ces derniers mois par la bonne santé des bourses. Mais par contre, au cours de ces trois ans, elles ont aussi connu des périodes difficiles liées à la Chine et à la chute des prix pétroliers.» Elle note d’ailleurs que sur les 228 milliards d’euros engrangés par l’industrie des fonds luxembourgeoise depuis le début de l’année — une croissance de 8% —, environ 97% du montant a été assuré par de nouveaux apports d’argent frais.

Les raisons de ce succès sont fréquemment évoquées par les acteurs de la Place: la stabilité politique, économique et sociale du pays pour apporter la confiance, le support du gouvernement aux acteurs financiers qui garantissent la croissance du pays et un écosystème qui offre aux acteurs potentiels la panoplie de professionnels la plus large sur un périmètre relativement restreint. «Nous devons aussi pointer les atouts de la diversité des acteurs et des produits, ajoute la représentante de l’Alfi. Tant les investisseurs que les gestionnaires d’actifs proviennent de quelque 70 pays, alors que les produits sont répartis de manière équilibrée entre différents modes d’investissement. Nous avons des fonds basés sur les obligations, d’autres sur les titres cotés ou encore des fonds alternatifs.» Sans oublier que la faiblesse des taux d’intérêt de l’épargne a aussi poussé des investisseurs plus avertis à s’orienter vers les fonds au cours des dernières années.

Marge de progression

Mais malgré ces preuves de succès, Madame Voss pointe avant tout la marge de progression envisageable «si tout le monde fait des efforts». Elle note ainsi qu’en Europe, à peine 8% des ménages placent une partie de leurs économies dans des fonds d’investissement. Aux États-Unis, le taux est trois fois plus élevé (plus de 24%). «Il reste un important travail à réaliser pour les convaincre, convient-elle. C’est probablement lié à la mentalité de l’Européen qui mise encore sur le soutien de l’État providence, mais nous avons aussi notre responsabilité pour rendre notre secteur plus accessible.»

Il faut se rendre dans les écoles, mais aussi dans les sociétés pour expliquer aux employés comment assurer leur retraite

Par rapport à l’épargne, voire aux placements boursiers, les fonds ont clairement une mission pédagogique à développer pour toucher le plus grand nombre. Leur fonctionnement reste en effet assez peu clair pour le citoyen lambda. Pour y remédier, le gouvernement a adopté en juillet une stratégie nationale pour l’éducation financière afin, notamment, de rendre la population plus ouverte aux techniques d’épargne et d’investissement. «Il faut se rendre dans les écoles, mais aussi dans les sociétés pour expliquer aux employés comment assurer leur retraite», insiste la présidente de l’Alfi. Une stratégie déjà bien engagée en Suède, par exemple, et qu’elle espère pouvoir réellement faire avancer au Luxembourg.

«Le développement des technologies digitales nous offre aussi des opportunités de simplifier notre modèle et notamment de faciliter un lien direct entre des investisseurs de détail et les gestionnaires d’actifs», commente encore Denise Voss. Elle estime que quelqu’un qui veut investir dans des fonds devrait pouvoir rentrer directement en contact avec un gestionnaire d’actifs via internet plutôt que de devoir transiter par une banque ou un autre acteur chargé de la distribution. La pratique se répand déjà aux États-Unis et elle permet notamment de séduire les jeunes qui veulent pouvoir tout régler avec leur téléphone portable. Mais elle avance encore d’autres pistes comme la possibilité d’investir de petites sommes de manière automatique. «Nous devons rendre l’accès aux fonds d’investissement plus facile. Il doit pouvoir être possible de permettre aux gens d’ouvrir un compte chez un gestionnaire d’actifs en le liant à leur compte bancaire.» Par prélèvement automatique, ils pourraient injecter trimestriellement de tout petits montants dans des fonds qu’ils ont eux-mêmes choisis. Une pratique qui convaincrait peut-être les plus jeunes d’investir assez tôt dans ce type de produits. «Ça existe déjà en Allemagne et, en tant que présidente de l’Alfi, j’aimerais vraiment pouvoir instaurer rapidement ce système au Luxembourg.»