Madame Schaul, en prenant la tête de la direction des ressources humaines de la Ville de Luxembourg en 2008, aviez-vous conscience du défi que cela représentait, alors que la Ville est le 7e plus gros employeur du pays (et 4e plus gros employeur public)?
«Effectivement, ici, on gère les ressources humaines à grande échelle. De plus, je suis quelqu’un de très passionné et je me suis engagée personnellement dans ma carrière, en ce sens que j’aime faire mon travail correctement et trouver des axes de travail qui répondent tant aux attentes de chacun qu’aux besoins des l’administration. La notion du respect d’autrui est primordiale dans toutes les fonctions. J’aime l’intensité de mon métier, ses difficultés et ses réussites, et ce surtout dans une entreprise présentant autant de diversité de services et de métiers.
Comment le service des ressources humaines est-il organisé?
«Lors de la réorganisation de 2007-2008, la direction des ressources humaines a été divisée en trois départements au sein desquels travaillent 19 personnes. Le premier concerne l’administration du personnel, comprenant les travaux de secrétariat, de gestion des carrières, gestion administrative des dossiers du personnel, gestion des examens médicaux d’embauche et périodiques et les affaires disciplinaires. Le deuxième département regroupe tout ce qui a trait au développement du potentiel humain, c’est-à-dire le recrutement, la formation continue, la mobilité interne et la gestion des compétences. Le dernier correspond aux axes de prévention, de santé et de diversité.
Vous gérez deux profils: des fonctionnaires et des salariés. Comment cela se passe-t-il au quotidien?
«Il est vrai que les règles en matière de droit du travail, de régime du travail et social diffèrent pour l’un et l’autre. C’est assez complexe. On compte une grande variété de services et de métiers: des crèches, des services techniques, ateliers, services d’hygiène, services culturels, sports et loisirs, et administratifs. Dans certains services, il y a plus de 300 personnes. Ce sont de petites entreprises dans une grande entreprise. Cette grande variété est cependant aussi ce qui fait l’intérêt du métier!
Dans le fonctionnement au quotidien, qu’est-ce qui distingue les deux statuts?
«Les agents de droit public, c’est-à-dire les fonctionnaires, ne sont pas recrutés de la même façon que les salariés. Il y a un examen d’admissibilité qui est obligatoire. S’en suit une nomination provisoire avec un stage de deux ans et une nomination définitive à la fin de ce service provisoire et après réussite des examens d’admission. Ces fonctionnaires jouissent d’une protection spécifique, de droits et obligations propres à leur statut particulier. Pour ce qui est des salariés, nous comptons une majorité de ‘salariés-ouvriers’, dont les conditions de travail et de salaire sont régies par une convention collective propre.
Les conditions de travail de ces quelque 500 ‘salariés-employés privés’ que nous occupons dépendent du droit du travail commun, mais nous sommes en train de les intégrer à la convention collective de la Ville.
Comment effectuez-vous le recrutement dans les deux cas?
«Il y a une procédure propre à chaque statut. Pour les fonctionnaires, ils ont l’obligation d’avoir réussi leur examen d’admissibilité auprès du ministère de l’Intérieur. Les salariés, eux, sont recrutés sur dossier. Pour chaque poste vacant, nous faisons une publication. Et chaque recrutement est décidé par le conseil communal sur base des dossiers de candidature et entretiens.
Quels sont les changements de conduite qui résultent de la restructuration?
«Nous avons davantage développé nos procédures de recrutement. Désormais, nous réalisons systématiquement des entretiens d’embauche dès qu’un poste est à pourvoir. Nous avons également étendu notre offre de formation continue interne en fonction des besoins des services et des agents. Elle comprend, à titre d’exemple, des formations techniques, des formations dans le domaine de la santé et de la sécurité, gestion des équipes et management, contact client, gestion de conflits…
Le Plan prévention et bien-être a permis à la Ville de mettre en place plusieurs procédures. Pouvez-vous en citer quelques-unes?
«Nous avons mis en place des procédures spécifiques par exemple aux problèmes d’alcool et de drogue. Une offre de suivi est proposée conjointement avec notre chargée de mission ‘support psychologique’. Cela permet aux employés qui acceptent notre aide de sortir de leur addiction et d’éviter de subir des sanctions disciplinaires. Cela permet aussi aux supérieurs de savoir faire face à ce genre de situations et de mieux les gérer.
Un autre champ d’action concerne la gestion de conflits, le harcèlement moral et sexuel, pour lesquels nous avons également mis en place des procédures internes visant à remédier autant que possible aux situations parfois difficiles. Il faut dire que chacune de ces campagnes ou procédures internes est décidée par le collège échevinal sur base de concertations avec les délégations du personnel. Ceci permet de discuter de problèmes éventuels au préalable et d’assurer une adhésion générale aux efforts du collège et de la DRH de gérer certaines situations.
Qu’en est-il du plan communal d’égalité entre hommes et femmes?
«L’égalité des chances doit faire partie des principes de base dans tous les domaines de l’action politique de la Ville de Luxembourg. C’est la raison pour laquelle le collège a créé la fonction de délégué à l’égalité des chances. À côté de la mise en place et du suivi du plan communal, le rôle de la déléguée est de veiller à ce que l’égalité des chances soit observée dans toute l’administration, et plus particulièrement dans le domaine de la politique du personnel et de la formation continue.
Un autre volet important du plan communal et du travail de la déléguée est celui de la promotion de la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle. Aujourd’hui, 31% de nos effectifs sont féminins.
Avez-vous constaté une réelle évolution de ce chiffre?
«Je pense qu’en général les chiffres concernant l’activité professionnelle des femmes au Grand-Duché sont en progression. Tout comme d’ailleurs celui des femmes sur des postes à responsabilité, que ce soit dans l’économie ou la politique. Quand j’ai commencé ma carrière de représentante patronale dans les institutions de sécurité sociale, j’y étais souvent la seule femme. À la Ville, nous participons régulièrement au ‘Girls’ day – boys’ day’ et nous nous efforçons d’ouvrir certains métiers dits ‘atypiques’ tant aux femmes qu’aux hommes, dans la limite des possibilités. Il y a quelques années, par exemple, nous ne comptions que des hommes pour assurer les entretiens extérieurs, alors qu’aujourd’hui nous croisons de plus en plus de femmes. Certains métiers se démocratisent et d’autres restent très typiques.
Concernant le champ de la conciliation vie familiale – vie professionnelle, quel genre d’actions avez-vous mises en place?
«Nous avons lancé récemment un projet pilote de télétravail. Un groupe de travail a défini les modalités d’accès et de réglementation du télétravail, à la suite de quoi nous avons lancé un projet pilote. L’objectif était de pouvoir permettre à certains membres du personnel de mieux concilier vie privée et professionnelle. Si, au départ, nous pensions que les femmes seraient plus intéressées par cette forme de travail à domicile, il s’est révélé que les hommes l’étaient tout autant, voire plus. Ils aiment cette idée d’autonomie et de pouvoir décider de l’organisation de leur temps de travail.
Allez-vous proposer le télétravail à beaucoup d’agents?
«Nous ne savons pas encore combien de personnes pourront et voudront effectivement profiter de cette possibilité. L’accès au télétravail est limité à des fonctions administratives qui s’y prêtent: par exemple, un poste consacré à la rédaction d’avis, mais non un poste de guichet. En outre, le nombre d’heures pouvant être prestées en télétravail est limité, afin de garantir un niveau adéquat de présence au bureau et d’échanges avec les collègues ou les supérieurs hiérarchiques. Cette idée découle du plan communal d’égalité.
Êtes-vous également soucieuse des problèmes liés au handicap?
«Nous avons à cœur de travailler sur l’aspect ‘responsabilité sociale de l’entreprise’ avec, par exemple, l’intégration de travailleurs à besoins spécifiques. Lorsqu’un poste s’ouvre, nous donnons la priorité à ces travailleurs, dans la mesure où leur profil correspond aux exigences du métier. L’administration communale compte d’ailleurs un service ‘Intégration et besoins spécifiques’, qui peut prêter main-forte pour garantir une bonne intégration, voire un aménagement de poste en cas de besoin.
Atteignez-vous les 5% prévus par la loi?
«Presque! Plus de 4% de notre personnel est reconnu comme ‘travailleur handicapé’, reclassé ou inapte à leur poste. Nous travaillons beaucoup avec l’Adem et nous avons une collaboration régulière avec la Ligue HMC (Ligue luxembourgeoise pour le secours aux enfants, aux adolescents et aux adultes mentalement ou cérébralement handicapés, ndlr). Mais nous sommes davantage touchés par des procédures de reclassement. C’est un phénomène en croissance.
Suite à un accident ou un problème de santé, certains employés présentent des inaptitudes à leur poste. Nous devons donc trouver une solution pour qu’ils puissent continuer à travailler à un autre poste que celui qu’ils occupaient. La difficulté réside dans la nécessité de trouver un remplaçant et d’intégrer l’employé à un poste vacant qui corresponde à ses capacités de travail résiduelles, tout en contribuant au fonctionnement de la Ville. Ceci est un des volets de la mobilité interne.
Avec plus de 3.800 employés, que représente la masse salariale dans le budget de la Ville?
«Elle correspond à plus de la moitié du budget ordinaire, soit quelque 300 millions d’euros.
Quelle est la dernière action dont vous êtes la plus fière?
«Nous avons mené un travail important dans l’offre d’apprentissage. Pour la prochaine rentrée scolaire, nous prévoyons plus de 60 postes d’apprentissage, ce qui est une contribution énorme à l’insertion professionnelle et à la formation qualifiante des jeunes. Nous venons d’ailleurs de recevoir le label ‘Entreprise formatrice’. Nous donnons ainsi la possibilité aux jeunes de découvrir nos métiers et d’accéder à une formation qualifiante avec un diplôme à la clé.»
Parcours
De la Fedil à la Ville
Enfant, Christiane Schaul se destinait aux langues, pour pouvoir «communiquer avec les gens dans toutes les langues», ou au métier d’avocat. Après l’obtention de sa licence en traduction à l’Institut supérieur de traducteurs et interprètes à Bruxelles et une première expérience à la Chambre de commerce franco-allemande de Paris, elle entre à la Fedil en 1992 en tant qu’attachée puis conseillère dans le domaine de la sécurité sociale et du droit au travail. En 2006, et après de multiples mandats, notamment au sein du comité du travail féminin et du tribunal du travail (elle fut également vice-présidente de l’Union des caisses de maladie), la Luxembourgeoise intègre la Ville de Luxembourg en tant que déléguée à l’égalité. Elle y a conçu le premier plan d’action communal pour l’égalité entre femmes et hommes, qui comportait un volet externe et un volet interne.
Suite à une réorganisation des ressources humaines, elle obtient en 2008 le poste de directrice des ressources humaines et peut ainsi faire valoir ses con–naissances dans les domaines qui lui sont chers. Administratrice chez Creos, membre du conseil d’administration de l’asbl Solidarité jeunes et membre du Ladies circle Luxembourg, cette mère de deux enfants sait faire entendre ses convictions et plaider les causes qui lui sont chères.