Loin des fintech et autres start-up misant sur l’innovation technologique, c’est dans le monde de la puériculture que la lauréate du Cyel 2015, Alexandra Kerckhof – la première à remporter le titre – s’est distinguée.
C’est pour travailler dans la banque privée que la jeune Belge s’est installée au Luxembourg en 2003, au sortir de ses études de marketing. Mais l’entrepreneuriat était déjà «dans [s]on ADN» avec un père qui a longtemps travaillé en indépendant. «Quand je me suis lancée, il m’a dit qu’il était content de m’avoir retenue 30 ans…», confie Alexandra Kerckhof.
Le déclic est venu en deux temps. «Quand j’étais enceinte de ma première fille, je cherchais des informations très pratiques, mais je n’en trouvais pas sur le Luxembourg, et sur internet il n’y avait que des sites français ou belges», raconte Alexandra Kerckhof. «Ensuite, j’ai été alitée pendant plusieurs mois au cours de ma deuxième grossesse. J’ai commencé à écrire un livret qui est très vite arrivé à une centaine de pages, entre les allocations, les congés, etc.» Un an après, en 2011, sortait le premier guide «Quoi de 9?» sous le titre «Être enceinte et accoucher au Grand-Duché de Luxembourg». Un livret en français bientôt suivi d’un autre, «Mes premières années avec bébé au Grand-Duché de Luxembourg».
Cinq ans après le premier opus, 25.000 guides sont distribués gratuitement par les hôpitaux, la CNS ou encore la Ligue médico-sociale. Chaque année, les Éditions {9} rééditent une mise à jour en français et en anglais. «Il y a une très forte demande des expatriés anglophones qui viennent en fait du nord de l’Europe ou de l’Europe de l’Est et de la Russie.» Le site bilingue quoide9.lu reprend une partie des informations des guides.
Alexandra Kerckhof aurait pu se contenter de cette aventure éditoriale, mais c’était sans compter une nouvelle idée destinée à faciliter un moment crucial du quotidien des jeunes parents: le bain. Que ce soit dans la baignoire familiale, glissante et inconfortable pour le parent, ou dans une baignoire pour enfant qu’il faut porter après l’avoir remplie d’eau, ce n’est pas le moment rêvé pour le bébé, ni pour ses parents. «Je voulais trouver quelque chose qui fasse que mon bébé comme moi soyons à l’aise, qui ne glisse pas, qui offre un contact direct avec le bébé, qui soit compact et léger», se souvient l’entrepreneure. «Un jour ma mère m’a offert un livre de recettes de cupcakes, je les ai vus, colorés, et je me suis dit: c’est cette forme qu’il faudrait.»
Après un an de conception avec des sages-femmes et une amie, la baignoire Cupcake Babies est née, gonflable, douce au toucher, cylindrique mais qui s’évase à la base lorsque remplie pour une meilleure stabilité, et que l’on peut poser sur une table ou sur un évier, à hauteur de la maman ou du papa. Cerise sur le gâteau: les premiers tests révèlent que la petite baignoire réduit la quantité d’eau nécessaire, et qu’elle la garde à bonne température plus longtemps.
Dernière invention pour la jeune Belge à l’imagination prolifique: Lollipops & More, une collection de bijoux alliant l’esthétique au pratique – en l’occurrence le soulagement des douloureuses poussées dentaires des bébés. «C’est venu du fait que ma dernière faisait ses dents sur mes colliers et m’a cassé un superbe sautoir», sourit Alexandra Kerckhof. Colorés, inusables, compatibles avec le lavevaisselle, les colliers et bracelets Lollipops & More offrent aux bébés des formes ludiques à mettre en bouche, et aux mamans la conscience tranquille.
Le catalogue d’Alexandra Kerckhof compte encore des casquettes pour laver les cheveux des enfants sans que le produit n’atteigne leurs yeux ou leurs oreilles, de la vaisselle biologique et biodégradable en maïs, des capes de bain ou encore des bavoirs. Le tout dans des couleurs vives ou pastel et dans des matériaux excluant bisphénol A, phtalates et autres substances potentiellement toxiques.
De Bruxelles à Tokyo
Fabrication, catalogues, brochures… «Jusqu’à présent, tous mes livres et mes produits ont été financés par des fonds propres, il n’y a pas un seul prêt derrière», précise fièrement Mme Kerckhof. La première année n’a pas été facile, à la recherche de partenaires pour un guide qui n’existait pas encore. Son ancien employeur, ING, a été le premier à signer. «J’ai eu de la chance que mon mari me soutienne dès le départ.» Conseillée par son père, la jeune entrepreneure a aussi choisi d’«aller au plus simple»: un bureau chez elle, un garage pour son stock au Luxembourg, des commandes expédiées après réception du paiement. Et pas de boutique en nom propre. «J’avais ouvert une boutique pop-up en juin 2015, c’était une belle expérience, mais je préfère créer, imaginer, lancer de nouvelles campagnes, penser à des visuels, choisir les coloris d’une collection, etc.»
Jusqu’à présent, tous mes livres et mes produits ont été financés par des fonds propres, il n’y a pas un seul prêt derrière.
Alexandra Kerckhof, CEO de Cupcakes Babies et des Éditions {9}
Pour le reste, Alexandra Kerckhof se laisse guider par le succès de ses produits, écumant les salons de puériculture européens, de Paris à Madrid en passant par Cologne, et bientôt Tokyo. Luxembourg, France (métropole et Guadeloupe), Belgique, Pays-Bas, Royaume-Uni, Espagne, Portugal, Slovaquie, Taïwan, Chine, Japon… La marque est déjà distribuée sur trois continents et vise l’Amérique latine. Pour autant, pas de prospection: le bouche-à-oreille et les salons B2B suffisent à la marque pour accumuler les commandes et trouver de nouveaux distributeurs. «La production des baignoires a été multipliée par 10, on lance déjà la deuxième production de Lollipops & More et on pense à la troisième – j’ai eu beaucoup de nouveaux contrats en très peu de temps», se réjouit l’entrepreneure.
«C’est vraiment une chouette aventure avec de bonnes surprises», résume la pétillante jeune femme. «Je travaille bien plus que 40h/semaine mais j’ai la chance de pouvoir travailler partout grâce aux e-mails sur le téléphone et à l’iPad. La semaine dernière, j’ai signé un contrat pour la Chine à la brasserie de la Gare de l’Est avant de visiter une boutique dans le XIIe et j’ai travaillé dans le train… Quand mon père était indépendant, il avait besoin d’une secrétaire au bureau de 9 à 18h pour répondre au téléphone et envoyer des fax.»
À l’évidence, cette nouvelle vie ravit Alexandra Kerckhof. «C’est un autre mode de vie, mais je peux aller chercher mes enfants à l’école et travailler le soir après leur coucher.» En attendant que de nouvelles idées viennent étoffer un catalogue déjà varié. «Mes enfants m’inspirent», répète la jeune maman. Ça promet.