Les États ont du mal à s’accorder face aux géants du numérique. (Photo: Licence CC)

Les États ont du mal à s’accorder face aux géants du numérique. (Photo: Licence CC)

L’offensive se précise à l’encontre de la taxation de Google, Apple, Facebook et Amazon. Quatre mastodontes de l’économie digitale dont la taxation occupe de plus en plus de discussions aux niveaux national et européen. La Commission a épinglé Apple et Amazon pour des impôts jugés insuffisants en Irlande et au Luxembourg, où se trouvent leurs sièges européens respectifs. De son côté, le fisc français a échoué cet été à imposer un redressement fiscal de 1,1 milliard d’euros à Google, au motif que la société de Palo Alto ne disposait d’aucun établissement stable en France.

La lutte contre l’évasion fiscale légitime la croisade contre les multinationales et aiguise les appétits en période post-crise, entre croissance molle et caisses vides.

Le président français Emmanuel Macron a profité de cette actualité pour se faire le héraut de la taxation des Gafa, non plus sur leurs bénéfices, mais sur le chiffre d’affaires réalisé dans chaque pays. Audacieuse, la mesure n’en est pas moins une repique des pistes envisagées par l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) dans son projet Beps.

Celle-ci suggérait également une retenue à la source d’un certain pourcentage sur le paiement par le consommateur – ce que la Commission a repris à son compte en soutenant l’idée d’une taxe sur les transactions digitales. Dernière option: l’élargissement de la définition d’établissement stable, avancé par la présidence estonienne de l’UE. «Cela consiste à tout simplement accepter que, si une entreprise n’a pas de présence physique dans un pays, ce qui est souvent le cas dans le monde de l’e-commerce, le simple fait de vendre des produits via son site internet dans différents pays est constitutif d’un établissement stable», explique Wim Piot, managing partner et tax leader chez PwC Luxembourg.

L’ombre américaine

Sans oublier l’Assiette commune consolidée pour l’impôt des sociétés (Accis), qui prévoit la répartition des recettes fiscales entre les pays en fonction de plusieurs critères (personnel, chiffre d’affaires). Sauf que l’Accis concernerait l’ensemble des entreprises, et plus seulement les géants du numérique.

«C’est un peu la cacophonie pour l’instant», constate M. Piot. L’ampleur des bénéfices générés par ces multinationales et la digitalisation croissante du commerce suscitent forcément les convoitises, et aucun accord n’a encore été atteint au sein de l’OCDE, alors que plusieurs pays européens, dont les Pays-Bas, Chypre et le Luxembourg, réclament un consensus au sein de cette instance.

Un accord sans les États-Unis, ce n’est pas un accord.

Wim Piot, managing partner et tax leader chez PwC Luxembourg

«Il s’agit d’une discussion politique de redistribution des revenus fiscaux entre États», souligne le fiscaliste. Côté entreprises, «une chose est claire: les formalités administratives vont se multiplier, avec une obligation de reporting dans tous les pays et sans doute une charge fiscale plus importante».

En attendant, l’idée d’une Europe fer-de-lance et solidaire d’une telle réforme paraît mal engagée. «Un accord – et pas seulement sur la taxation – sans les États-Unis, ce n’est pas un accord», souligne Wim Piot.

Par ailleurs, la réforme fiscale annoncée par le président Trump cet été inclut le rapatriement des revenus réalisés par les sociétés américaines à l’étranger. Une réforme qui aura, si Donald Trump parvient à la faire passer au Congrès, «un impact énorme sur la fiscalité internationale» et qui risque de provoquer le départ d’Europe des mêmes géants du numérique.