Harry Hummels : «L’impact investing, c’est le petit nouveau, celui dont on parle le plus en Europe.» (Photo : archives paperJam)

Harry Hummels : «L’impact investing, c’est le petit nouveau, celui dont on parle le plus en Europe.» (Photo : archives paperJam)

Monsieur Hummels, comment décririez-vous l’évolution de l’investissement impact ?

« En fait, l’investissement responsable en général est en pleine croissance [il représentait en 2009 environ 5.000 milliards d’euros d’actifs, à peine 300 en 2002, ndlr]. Preuve en est l’émergence de multiples principes soutenus par les investisseurs institutionnels.
L’impact investing, c’est le petit nouveau, celui dont on parle le plus en Europe. Mais il s’agit en fait de quelque chose d’ancien auquel on a donné un nouveau nom, plus percutant. Grâce à cette expression, le public saisit mieux les conséquences d’un investissement, même si les définitions de l’investissement impact divergent. Nous considérons une acception plus large pour désigner un investissement qui génère de la valeur actionnariale (share value), pour l’investisseur et pour la société. Il doit être engagé de manière intentionnelle et avoir un impact positif sur la culture, l’environnement, la religion ou encore l’éducation. Il doit viser un rendement financier et sociétal.

Pourquoi cette classe d’actifs croît-elle de cette manière ?

« Quand on regarde l’approche d’investissement des fondations, on s’aperçoit qu’elles offrent essentiellement des bourses ou des garanties. Les emprunteurs, ou les investis, ont besoin d’accéder à d’autres sources de capital. Le Luxembourg est par exemple connu pour ses véhicules de micro investissement (MIVs). Mais la microfinance ne concerne pas seulement les organisations non gouvernementales à but non lucratif, elle touche aussi des établissements commerciaux. Il y a 20 ans, personne n’aurait dit que la microfinance pourrait s’avérer intéressante d’un point de vue financier. Les gens réalisent aujourd’hui qu’ils peuvent engranger un bénéfice décent grâce à l’investissement impact.
Ce dernier permet donc aux monteurs de projets d’accéder à d’autres sources de financement comme le private equity ou la dette (publique ou privée). On doit dépasser le cadre de la stricte philanthropie. En recherchant un revenu capitalistique, on peut dorénavant lutter contre des problèmes globaux comme la famine ou le changement climatique.

Le positionnement des professionnels du secteur financier luxembourgeois est-il visible depuis l’étranger ?

« Le mouvement qui a débuté aux États-Unis s’étend progressivement. Il est intéressant de noter que là-bas, la moitié des investissements impact sont dédiés à des problèmes locaux. Par exemple, les community development financial institutions (CDFIs) aident les personnes démunies à accéder au logement ou à l’éducation. Les autres 50% concernent des problématiques globales… mais la plupart des investisseurs sont des particuliers, à savoir des fondations, des family offices, des personnes fortunées et quelques banques privées qui investissent de la part de ces derniers.
En Europe, c’est différent. On trouve premièrement des MIVs, de gros investisseurs institutionnels comme les fonds de pension ou les compagnies d’assurance. Ils sont beaucoup plus concernés par les problématiques sociétales et plus enclins à suivre de double objectif de retour sur investissement financier et sociétal.
Au Luxembourg, on essaie d’inciter ces investisseurs institutionnels à inclure l’investissement impact dans leur stratégie d’investissement à long terme. Ainsi, on voit émerger des fonds non-Ucits, destinés aux investisseurs institutionnels, investissant dans des projets et non plus seulement dans des titres financiers.

Est-ce que les États peuvent agir pour encourager l’investissement impact ?

« Les gouvernements peuvent faire beaucoup. Ils pourraient par exemple inciter les investisseurs privés à s’engager dans la voie de l’investissement responsable. Or, ils se bornent généralement à une assistance technique. Il faudrait aller plus loin et créer des fonds impact destinés à investir aux côtés des investisseurs privés. Le gouvernement doit prendre quelques risques. Cela donnerait un signal important. »