Annabelle De Lima, avocate. (Photo: Castegnaro-Ius Laboris Luxembourg)

Annabelle De Lima, avocate. (Photo: Castegnaro-Ius Laboris Luxembourg)

L’article L.245-2 du Code du travail définit le harcèlement sexuel comme «tout comportement à connotation sexuelle ou tout autre comportement fondé sur le sexe dont celui qui s’en rend coupable sait ou devrait savoir qu’il affecte la dignité d’une personne».

En vertu de l’article L. 245-5 du Code du travail, un salarié victime de harcèlement sexuel ne peut faire l’objet de représailles en raison de ses protestations ou refus, ni en raison de son témoignage ou de ses dénonciations. Un licenciement fondé sur de tels motifs serait ainsi déclaré nul de plein droit.

Or, dans le cadre de l’affaire commentée, la Cour d’appel a considéré qu’un licenciement basé sur la dénonciation de faits de harcèlement sexuel pouvait, dans certaines circonstances, être considéré comme justifié.

Rappel des faits: dans des lettres adressées à son supérieur hiérarchique, à son employeur et au mandataire de ce dernier, une assistante de direction accusait son supérieur de «harcèlement sexuel et moral prohibé par la loi».

Elle lui reprochait en effet de l’avoir agressée sexuellement et d’avoir tenté de la séduire lourdement à plusieurs reprises notamment lors d’un voyage d’affaires en Thaïlande, au cours duquel il n’aurait «pas cessé de la harceler» et lui aurait fait des «avances déplacées».

À leur retour de voyage, ces agissements auraient persisté, malgré le fait que la salariée lui aurait plusieurs fois «signifié ses refus». Face à ce rejet, son supérieur éconduit aurait accablé la salariée de «tous les maux» et lui aurait retiré la plupart de ses fonctions.

Pour justifier le licenciement de la salariée, l’employeur arguait du fait que cette dernière avait «de manière délibérée porté de fausses accusations de harcèlement sexuel et moral et d’abus de fonctions et de biens sociaux à l’encontre de son supérieur hiérarchique».

La salariée, estimant que son licenciement ne reposait sur aucun motif réel et sérieux mais constituait plutôt une réaction abusive et disproportionnée de son employeur face à la dénonciation, de sa part, des graves manquements de son supérieur hiérarchique, a porté son affaire en justice et a réclamé à son employeur des dommages et intérêts à titre de réparation de son préjudice moral.

La Cour d’appel a tout d’abord rappelé qu’«un salarié qui relate des faits de harcèlement ne peut être licencié pour ce motif sauf mauvaise foi de sa part».

La Cour d’appel précise que l’intention malveillante du salarié «peut résulter de la connaissance par lui de la fausseté des faits qu’il dénonce ou de la circonstance qu’il a agi avec une extrême légèreté ou avec excès».

La Cour d’appel a ensuite analysé le comportement de la salariée face aux agissements prétendument déplacés de son supérieur hiérarchique.

Elle relève ainsi que, dans le cadre de leurs échanges d’e-mails, la salariée «loin d’avoir, ne serait-ce qu’une seule fois, marqué sa désapprobation face au comportement prétendument harcelant de son supérieur hiérarchique à son égard, l’a bien au contraire encouragé dans ses agissements et initiatives» en lui répondant de manière lubrique et en lui envoyant un lien vers un site internet à caractère sexuel. La salariée aurait, en outre et après avoir dénoncé certaines agressions sexuelles qui l’auraient prétendument choquée, accepté d’accompagner son supérieur au sauna ainsi qu’en voyage privé à l’étranger.

Au regard de ces éléments, la Cour d’appel en a conclu qu’«en aucun cas [la salariée] ne pouvait dénoncer comme constitutifs d’un harcèlement, des actes qu’elle avait elle-même soutenus et favorisés par son comportement».

La Cour d’appel a dès lors déclaré le licenciement intervenu comme justifié et a débouté la salariée de sa demande en obtention de dommages et intérêts, alors que ses accusations de harcèlement avaient un caractère fallacieux et n’avaient d’autre fin que celle de discréditer son supérieur auprès des responsables de la société.

Dans ce contexte, il est important de rappeler qu’en matière de harcèlement sexuel, si la charge de la preuve, qui appartient au salarié, est allégée, alors qu’il lui suffit d’établir des indices faisant présumer qu’il a été victime d’actes de harcèlement sexuel, il n’en demeure pas moins que le salarié doit démontrer avoir été gêné par l’attention à connotation sexuelle dont il a fait l’objet. En effet, l’acte doit être ressenti comme offensant et indésirable par celui ou celle qui en est victime afin d’être considéré comme un acte de harcèlement sexuel.

Dans le cas d’espèce, la salariée restait en défaut d’établir des indices permettant de faire présumer qu’elle avait effectivement été victime d’agressions sexuelles et son comportement ne permettait pas, d’après la Cour, de considérer qu’elle s’était sentie offensée par les agissements de son supérieur.

Ainsi, il convient de retenir de cet arrêt que la dénonciation de faits de harcèlement sexuel peut justifier un licenciement avec préavis dès lors que les accusations sont fausses et effectuées de mauvaise foi par le salarié. Dans le cadre de leur appréciation, les juridictions prennent également en considération le comportement et les actes du salarié faisant l’objet d’un supposé harcèlement sexuel.

Cour d’appel, 09 juin 2016, n° 39669 du rôle