Paperjam.lu

 

En marge du procès actuellement intenté par Clearstream à l'encontre de Ernest Backes, co-auteur du livre "Révélation$", paru il y a un an, l'édition papier de paperJam, disponible en kiosques depuis hier, consacre sa 'Coverstory' à Denis Robert, ancien journaliste français, devenu écrivain, spécialisé dans les "affaires". Un an après avoir écrit "Révélation$", point de départ de ce qu'il est convenu d'appeler 'l'affaire Clearstream', il publie "La Boîte Noire - Récit d'une enquête sous haute pression', un récit à la première personne relatant la succession d'événements intervenus depuis la sortie de "Révélation$". Retour sur un dossier sensible qui a déjà fait couler beaucoup d'encre?

Souvenez-vous? "Révélation$", paru en mars 2001, en même temps qu'était diffusé, sur la chaîne française cryptée Canal+, le documentaire "Les Dissimulateurs", décrivait, sur la base d'un témoignage précis d'un ancien cadre de Clearstream, Ernest Backes, le fonctionnement de la chambre de compensation financière. Elle y était montrée du doigt pour avoir instauré un complexe système mettant en action des comptes "cachés" au profit, non seulement d'institutions financières, mais aussi de grands groupes industriels multinationaux, voire de sociétés troubles.

L'ouvrage plutôt touffu et difficile d'accès avait eu comme une des suites directes les plus spectaculaires la mise à l'écart de André Lussi, l'administrateur-délégué de Clearstream, remplacé - d'abord provisoirement, puis définitivement depuis l'automne dernier - par André Roelants, ancien Président du Comité de Direction de Dexia-BIL.

De procédures judiciaires en auditions multiples, tant au Luxembourg qu'en France, où une mission parlementaire présidée par le député socialiste Vincent Peillon, porte-parole du Parti Socialiste, enchaîne les auditions, l'affaire aurait très bien pu tomber dans un certain oubli en attendant que d'éventuels procès la fassent, plus tard, remonter à la surface.

Entre temps, la bataille a fait rage, en coulisses, pour la prise de contrôle de Clearstream, finalement promis aux Allemands de la Deutsche Börse, déjà actionnaires à 50% de la société de clearing luxembourgeoise, et désormais en train de racheter les 50% restants à l'autre actionnaire, Cedel.

Oubliés Denis Robert, Ernest Backes, ou encore un certain Monsieur H.? Sans doute, si le 28 janvier dernier, Robert n'avait remis le couvert en publiant "La Boite Noire - Récit d'une enquête sous haute pression', trois jours après la présentation officielle, à Paris, du fameux rapport de la mission parlementaire française, par la voix du virulent Arnaud Montebourg.

"La Boîte Noire", récit à la première personne, relate la succession d'événements intervenus depuis la sortie de "Révélation$". Le mystérieux "Monsieur H" prend forme: Régis Hempel, ancien vice-président et Directeur informatique de Clearstream, affirmant être en possession de documents mettant en lumière les manipulations informatiques destinées à cacher des milliers de transactions qui n'avaient pas forcément lieu d'être? Des documents, et des manipulations informatiques, qui servent de fil rouge à l'ensemble de l'ouvrage, lequel révèle également d'autres surprises, comme la présence de banques ayant pu financer le terrorisme dans Clearstream, ou le témoignage très détaillé d'un banquier français explicitant comment il se servait de comptes opaques de la firme luxembourgeoise pour verser des commissions dans l'affaire de la vente des frégates françaises à Taïwan, dont on devrait prochainement reparler dans la tentaculaire "Affaire Elf".

"Pour Clearstream et ses avocats, nous étions des extra-terrestres. Ils ne comprenaient pas nos motivations. Je suis entré là où il n'était pas prévu que j'aille. Je veux seulement expliquer ici ce que j'ai compris" explique l'auteur en exergue de son ouvrage, dans lequel d'autres témoignages forts sont publiés, tel celui d'un ingénieur en informatique attestant du caractère parfaitement plausible des révélations faites par l'auteur et ses témoins.

En dépit d'un certain silence constaté tant dans la presse française que luxembourgeoise, et contrastant singulièrement avec toute l'agitation qui avait entouré la parution de "Révélation$", "La Boite Noire" connaît déjà un grand succès, avec plus de 30.000 ventes en un mois d'existence.

Denis Robert peut susciter le mépris des uns ou l'attention des autres: il ne laisse, en tous les cas, personne indifférent. Pas plus que le sujet qu'il traite, impliquant directement le fonctionnement de la Place financière luxembourgeoise et de ses institutions ou entreprises.

Le choix qui fut le nôtre, au sein de la rédaction de paperJam, de réaliser cet entretien avec celui que nous avons qualifié "d'Emmerdeur", est de susciter un vrai débat, constructif, où chacun peut apporter sa pierre à l'édifice d'une meilleure compréhension des accusations dont le pays et certaines de ses institutions et entreprises font l'objet.

"Je n'ai aucun compte à régler au Luxembourg. Au contraire, j'y ai des amis. Je crois d'ailleurs que le pays est autant victime que coupable" tient à préciser Denis Robert. Dans un tel environnement, alors qu'accusations et allusions se multiplient, le silence ne suffit toutefois plus; il peut être interprété, par certains lecteurs, comme un aveu de faiblesse.

Aussi invitons-nous les différentes parties concernées plus ou moins directement par les propos de M. Robert reproduits dans nos colonnes à réagir dans la - ou l'une - des prochaines éditions de paperJam. Ces échanges de vues, ces réactions, permettront aux différents lecteurs, décideurs, organisations, de se forger un avis, d'enfin créer le débat, de remettre en perspective les reproches faits à la Place, d'informer?

Et le procès en cours? Lundi dernier s'est tenu devant le tribunal correctionnel l'audition de Ernest Backes, poursuivi par Clearstream pour diffamation et calomnie. Il a surtout été question de bataille de procédures entre les avocats des deux parties, au sujet de la recevabilité des plaintes déposées. La présidente du tribunal a demandé au Parquet de rendre, le 9 avril prochain, un avis quant à la suite à donner ou non à ce procès.

paperJam, en kiosques, avec l'intégralité de l'entretien.