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Une définition et un peu d'histoire... – Pour bien comprendre la notion de «démondialisation», définissons tout d’abord le terme «mondialisation» replacé dans un contexte économique. Le Larousse nous apprend que «la mondialisation est un phénomène qui tend à accroître l’inter­­dépendance des économies dans un système de marché à dimension mondiale. Elle affecte la sphère réelle de l’économie, c’est-à-dire la production et la consommation des biens et des services, de même que la sphère financière (monnaies et capitaux)». La démondialisation est le phénomène inverse de la mondialisation. Relevons que la démondialisation trouve souvent un terrain propice dans les périodes de crise et de récession. Elles sont caractérisées par la montée du protectionnisme, la mise en place de nouvelles réglementations, un Etat plus fort.

Cependant, les cours d’histoire nous ont enseigné que la globalisation a été la clé du déve­loppement des civilisations. A titre d’exemple, pen­sons à Byzance, à l’Empire romain ou encore au développement du commerce pendant la période des conquistadores. Mais après les années de splendeur suivent la décadence et la chute, souvent douloureuses. Une transition en douceur entre mondialisation et démondialisation est-elle possible?

L'ère industrielle... – Dans sa loi «des avantages comparatifs», David Ricardo (1772-1823) a théorisé la notion de commerce international. Il a constaté que les chefs d’entreprise sont motivés par la notion de profit. Ils réunissent ainsi les facteurs de production (capital financier, physique, humain) exclusivement disponibles au niveau national à l’époque. Les entreprises produisent et exportent ce qui ne peut être réalisé à coûts plus faibles qu’à l’étranger. C’est le début de l’ère industrielle. Les pays occidentaux s’organisent pour produire et exporter plus. Si la machine s’enraye, c’est la guerre et on repart.La mondialisation à outrance... – Depuis les accords du GATT en 1947 et la mise en place de la CECA (Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier), nous avons vécu une croissance et une globalisation effrénées. Le tout accéléré par la mobilité, les nouvelles technologies, la génération des «baby-boomers», la chute du bloc communiste, le développement des ordinateurs, les accords de libre-échange, la libéralisation des mouvements des capitaux, une langue commune (l’anglais) et l’avènement de l’Internet. Ces dernières années, les limites du système ont été repoussées à l’extrême avec le développement de gigantesques multinationales qui délocalisent leurs usines dans les pays à main-d’œuvre bon marché. La Chine est devenue notre grande usine. Maurice Allais, Prix Nobel d’Economie en 1988, parle de libéralisation sauvage.

Un village planétaire... – Avec le net et les médias, nous pensions appartenir à un village planétaire. Nous étions bien au chaud dans nos chaumières, avec comme murs de protection les rapports du FMI, de l’OCDE, du G8... Nous étions bercés par la ballade des gens heureux qui fredonnaient que le monde était en paix et que nous étions en train d’instaurer un gouvernement mondial et humaniste. Le réveil a été brutal en 2008 avec la crise du subprime, la faillite de Lehman Brothers qui était jusqu’alors considéré comme «too big to fail» et les nombreuses banques qui ont dû être sauvées par les Etats. Sommes-nous arrivés à ce point de non-retour comme semble le suggérer le livre Collapse of Complex Societies de Joseph Tainter?Premiers signes de démondialisation... – C’est alors que le «chacun-pour-soi» a repris forme. Les Anglais refusant de renflouer une banque islandaise présente à Londres. Barack Obama scandant tout d’abord «Buy US» pour ajouter, il y a quelques semaines, une touche populiste avec «Buy US, Boycott Toyota». Nous sommes en pleine guerre économique. Les Etats-Unis ayant comme alliée la Chine (cf. réunion de Copenhague 2009). Une nouvelle donne mondiale se dessine, pour preuve: les Etats-Unis n’ont pas réduit leur budget militaire d’un cent!Assurément, avec une Europe du Sud au bord du gouffre, nous sommes au début d’un long processus de démondialisation. Processus qui pourra emprunter différentes voies, ceci au gré des avancées technologiques et du contexte politico-économique. Le sociologue Philippin Walden Bello (Focus on the Global South) fait partie des leaders du mouvement néo-protectionniste, il prône un développement plus harmonieux au sein des régions.

La position du Luxembourg... – Le Luxembourg est un pays trop petit pour se replier sur lui-même. Il l’a compris depuis longtemps. Il a organisé l’immigration de main-d’œuvre italienne et portugaise dans un premier temps et a réussi à l’intégrer. Ensuite, il a progressivement axé sa politique d’immigration sur les cols blancs. Son industrie des services est développée et tournée vers l’international (cf. les fonds d’investissement). Aucun autre pays européen ne dispose de ce positionnement. C’est incontestablement un atout. Il ne faudrait cependant pas que la crise soit trop sévère et prolongée, car alors l’Etat Providence Made in Luxembourg devrait accepter de faire des coupes sombres tant au niveau de la fonction publique que du secteur privé. L’équi­libre du Luxembourg serait menacé. En effet, dans un processus de forte démondialisation, le Luxembourg ne bénéficie pas d’atouts impressionnants. Le secteur industriel est peu développé, ce qui est logique vu la taille du marché intérieur. De plus, notre indépendance énergétique est proche de zéro et le climat n’est pas excessivement clément. La production agricole ne suffirait pas à nourrir les 500.000 habitants, à moins de manger des patates et du pain.

En guise de conclusion – On imaginait que la mondialisation donnerait à manger à tout le monde, la réalité est bien différente. Nous en avons pris conscience avec la crise. Serions-nous devenus plus humains? Il n’est pas trop tard pour enclencher une saine mondialisation à rebours... Les idées certes extrêmes de Dmitry Orlov qui parle de définancialisation, démondialisation et relocalisation devraient nous faire réfléchir.

Espérons que dans notre monde connecté (Internet) nous saurons tirer les leçons du passé et reconstruire une économie plus saine, plus propre et plus «fair». Pas si sûr, les grandes réformes se font souvent lorsque tout va mal et dans la douleur.