Tiffany Dossou, Juriste (Crédit photo : Castegnaro Luxembourg)

Tiffany Dossou, Juriste (Crédit photo : Castegnaro Luxembourg)

Le salarié a été engagé comme vendeur par son ancien employeur, la société S1, avec prise d’effet le 1er décembre 2001, puis a signé un nouveau contrat de travail avec cette même société en qualité d’informaticien le 1er novembre 2008. Il a ensuite été affecté de façon permanente auprès de la société S2 avec prise d’effet le 1er mars 2014, avant de résilier son contrat de travail avec effet immédiat pour faute grave de l’employeur le 26 avril 2016.

Le salarié a engagé une première action en référé à l’encontre de la société S2, avant d’engager une action à l’encontre des deux sociétés, S1 et S2, afin de voir qualifier sa démission avec effet immédiat du 26 avril 2016 comme étant justifiée, et voir ainsi condamner les deux sociétés à l’indemniser.

La Cour d’appel a considéré la démission du salarié pour faute grave de la société S2 comme étant justifiée et a, de ce fait, admis les demandes du salarié en paiement de dommages-intérêts pour préjudices matériel et moral.

1)    La proximité dans le temps des faits à la base de la démission

La Cour rappelle d’abord qu’à l’instar de l’employeur qui licencie un salarié avec effet immédiat pour faute grave, le salarié qui démissionne avec effet immédiat pour faute grave dans le chef de son employeur doit établir des faits graves dont il a eu connaissance dans le mois précédant sa démission.

Le salarié reprochait à son ancien employeur, la société S1, une modification de son contrat de travail, à savoir son transfert vers la société S2 (devenue son nouvel employeur), au mépris de la procédure à suivre pour la modification d’une clause essentielle du contrat de travail en défaveur du salarié.

Selon la société S1, le salarié affecté, en date du 1er mars 2014, auprès de la société S2 en qualité de vendeur, avait conclu un nouveau contrat de travail avec cette dernière avec reprise d’ancienneté au 1er décembre 2001. À l’appui de leurs arguments, les sociétés S1 et S2 ont fourni des fiches de salaires établies par la société S2, ainsi que des courriers et courriels datant des 28 juin 2014, 29 juillet 2014, 30 décembre 2014 et 31 juillet 2015 desquels il résulte que le salarié était parfaitement au courant de son affectation définitive auprès de la société S2.

La Cour d’appel a, d’une part, retenu que l’employeur du salarié, au moment de sa démission avec effet immédiat était la société S2 et, d’autre part, a suivi le raisonnement des sociétés S1 et S2 en précisant que la modification du contrat de travail alléguée est trop ancienne pour être prise en compte pour justifier sa démission. 

2)    Le paiement partiel et tardif des salaires

Le salarié reprochait aux sociétés S1 et S2 d’avoir systématiquement payé les salaires avec un retard considérable et sous forme d’acomptes.

En effet, ce n’est que le 19 avril 2016, la veille de l’audience des référés, que l’employeur, la société S2, s’est acquittée du solde des arriérés redus pour la période de mars 2014 à janvier 2016. En outre, le mandataire du salarié avait dû réclamer le paiement du salaire du mois de mars 2016 en date du 4 avril et à nouveau, seul un acompte avait été payé. Il résulte encore des documents soumis à la Cour que la fiche de salaire du mois de février 2016 avait seulement été remise au mandataire du salarié dans le cadre de l’instance de référé en date du 14 mars 2016 et la fiche du mois de mars 2016 n’avait été remise que le 6 avril 2016.

La Cour commence par rappeler que, conformément à l’article L.221-1 du code du travail, le salaire «est payé chaque mois, et ce au plus tard le dernier jour du mois de calendrier afférent», et que chaque salarié est en droit d’avoir une situation financière stable, ce qui inclut le paiement de ses salaires à chaque fin de mois au plus tard et ce, dans leur intégralité.

Il est de jurisprudence constante, rappelle encore la Cour, que «les manquements persistants de l’employeur à son obligation de payer à la fin du mois les salariés constituent un motif grave au sens de l’article L.124-10 du code du travail».

Après avoir confirmé que la société S2 avait encore violé ses obligations contractuelles et légales de payer les salaires et de remettre les fiches de salaires le mois qui a précédé la démission du salarié, la Cour d’appel a conclu que «le paiement tardif et partiel des salaires à des intervalles irréguliers et de manière répétée, ainsi que les remises tardives des fiches de salaires constituent une violation grave des obligations patronales justifiant la démission avec effet immédiat du salarié».

Cour d’appel du 1er février 2018, n°44587 du rôle.

 

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