Sur le chantier, le tri entre les différents matériaux est fait. (Photo: Céline Coubray)

Sur le chantier, le tri entre les différents matériaux est fait. (Photo: Céline Coubray)

«Les déchets de construction représentent entre 25 et 30% du volume total des déchets en Europe», a introduit Claude Turmes, secrétaire d’État au Développement durable et aux Infrastructures. «Il s’agit donc d’être beaucoup plus actif pour arriver à réutiliser un maximum de ces matériaux et les faire entrer dans le cycle de l’économie circulaire.»

Pour ce faire, le Luxembourg a décidé de faire de la déconstruction du bâtiment Jean Monnet I un projet pilote sur ce sujet. Le Fonds Kirchberg, en tant que maître d’ouvrage, est fortement engagé dans cette procédure qui pourra à l’avenir être utilisée pour d’autres bâtiments. Ils se sont associés au List (Luxembourg Institute of Science and Technology) qui est le troisième partenaire institutionnel de cette opération. Ensemble, ils font en sorte qu’un maximum de déchets issus de la construction et de la démolition puissent être réutilisés et recyclés, conformément à la hiérarchie des déchets. Cette approche entre non seulement dans le cadre de la loi modifiée du 21 mars 2012 relative à la gestion des déchets, mais aussi de sa révision publiée en mai 2018 (2018/851/UE).

Développement d’outils spécifiques

Le List a d’abord dû travailler sur une méthodologie à mettre en place et constituer des outils spécifiques, afin de pouvoir systématiser ces déconstructions sur les bâtiments qui doivent être démolis. «Tout ceci n’est possible qu’avec l’accompagnement d’experts comme Schroeder & Associés, Betic et Luxcontrol, qui interviennent sur ce chantier», précise Carole Lacroix du List.

Le premier outil est un inventaire des matériaux de construction, et donc des potentiels déchets, établi préalablement au démantèlement. Cet inventaire permet de mieux planifier la gestion des ressources et d’envisager le plus possible la collecte séparée des matériaux sur place. Cet inventaire se détaille en trois volets: le premier est la collecte et l’analyse des informations relatives au bâtiment en lui-même, comme sa date de construction, son usage, les plans… Puis vient l’identification des différents matériaux de construction qui est réalisée en collaboration avec des experts. Ceci permet d’évaluer les différentes aptitudes au recyclage. Enfin, il y a la recherche de polluants tels que l’amiante, les métaux lourds ou les polluants secondaires qui seront à traiter de manière spécifique.

Lors de notre travail préparatoire, nous avons étudié ce que les pays voisins en Europe faisaient et nous n’avons trouvé aucune littérature correspondant à cela.

Carole Lacroix du List

En plus de cet inventaire, un guide associé décrit le processus et les références normatives. «Le Luxembourg est précurseur dans cette démarche», précise Mme Lacroix du List. «Lors de notre travail préparatoire, nous avons étudié ce que les pays voisins en Europe faisaient et nous n’avons trouvé aucune littérature correspondant à cela.»

Un moke-up pour bien comprendre

Afin d’avancer précisément sur la déconstruction, les équipes ont dû avoir recours à un moke-up. «À l’image de ce qui est pratiqué en construction, nous avons réalisé un test à échelle réelle du démantèlement. Nous avons choisi un bureau type et avons procédé à un curetage de cet espace pour analyser tous les composants de la pièce. Comme nous avions beaucoup de faux plafonds et de cloisons, nous ne savions pas ce que nous avions derrière. Il fallait donc désosser les éléments pour les analyser», explique Guillaume Dubois de Schroeder & Associés. À partir de ce qu’ils ont trouvé, ils ont pu projeter plus précisément les besoins pour le tri et la revalorisation possible. Car il faut aussi réaliser qu’en plus des enjeux environnementaux, il y a des enjeux économiques qui peuvent entrer en ligne de compte.

«En revalorisant une partie des matériaux de construction, on modifie l’économie globale du projet en y réintroduisant de la valeur. Cette approche est donc intéressante, non seulement au niveau de l’environnement, mais aussi dans l’économie globale du projet», souligne Marc Feider de Schroeder & Associés. «Les dossiers de soumission peuvent aussi être élaborés avec des éléments plus complets, ce qui permet aux soumissionnaires de remettre des offres mieux calculées», ajoute Claude Turmes. «Et à partir de ces nouvelles connaissances, il est aussi possible de réduire les risques de surprise lors des travaux.»

À l’intérieur du bâtiment, un bureau a été désossé pour analyser tous les différents matériaux de construction.

Un chantier sous haute surveillance

«Le démantèlement se fait en plusieurs phases», explique Patrick Gillen, président du Fonds Kirchberg. «La phase 1 concerne le bloc M et a débuté en juin. Sa fin prévisionnelle est prévue en septembre. La phase 2, qui concerne les blocs A, B, C et CC, débutera en août et devrait s’achever en avril 2019. Tout ceci se fait sous le contrôle de l’ITM et de Luxcontrol, notamment pour la gestion des déchets polluants, dont l’amiante. Il y a des zones de confinement et tout est fait pour que les différentes étapes se déroulent dans le respect des règles de sécurité.»

Pour les autres matériaux non polluants, ils sont acheminés vers des entreprises qui prennent en charge leur recyclage. L’aluminium (environ 400 tonnes) est pris en charge à Clervaux par l’entreprise Hydro Aluminium, le verre (environ 150 tonnes) est géré par l’entreprise Girev de Thionville et le bois (environ 45 tonnes) est traité à Sanem par Kronospan.