Certains clients préfèrent désormais louer un coffre-fort pour y placer du cash que de continuer à payer des frais pour leur compte en banque. (Photo: Sven Becker / Archives)

Certains clients préfèrent désormais louer un coffre-fort pour y placer du cash que de continuer à payer des frais pour leur compte en banque. (Photo: Sven Becker / Archives)

Pour ou contre les taux bas? Le 10 mars dernier, la Banque centrale européenne (BCE) a poursuivi sur sa lancée en abaissant simultanément ses trois taux directeurs. Une tendance que son président, l’Italien Mario Draghi, a promis de soutenir jusqu’au printemps 2017, au moins, et à laquelle il n’a en tout cas rien changé lors de la dernière réunion du Conseil des gouverneurs, le 21 avril dernier.

En agissant ainsi, il espère relancer la mécanique économique en zone euro, en faisant glisser l’argent des carnets d’épargne vers l’économie réelle. Mais les taux bas, c’est comme l’euro fort: selon leur position, certains s’en frottent les mains pendant que d’autres grincent des dents.

Les banques, confrontées à cette chute de taux, sont loin de s’en réjouir. Et pas seulement parce que leurs clients se plaignent auprès d’elles de ne plus rémunérer leur épargne. «Un des problèmes est que les marges d’intérêt sont en baisse pour les crédits accordés alors que les banques subissent des coûts importants, notamment au niveau des investissements dans l’informatique et des nouvelles réglementations», commente Serge de Cillia, CEO de l’Association des banques et banquiers, Luxembourg (ABBL). En mars, le taux de dépôt, soit celui qui calcule l’intérêt que les banques reçoivent – en principe – lorsqu’elles placent de l’argent auprès de la banque centrale, s’est encore enfoncé un peu plus en territoire négatif: de -0,3% à -0,4%. Les institutions bancaires doivent donc payer pour faire garder leur argent. «Par contre, les banques ont l’obligation d’offrir des taux positifs à leurs clients», poursuit le responsable de l’ABBL.

Au Luxembourg, la situation n’inquiète pas trop encore. Les banques sont toujours capables d’assurer leur rôle de fournisseur de crédit, même si le taux de l’épargne n’incite guère à y placer son argent. «Les gens sont de plus en plus séduits par le cash et visiblement la demande pour la location de coffres-forts est en augmentation», poursuit Serge de Cillia. Pourquoi, en effet, payer pour des frais de gestion de comptes qui ne rapportent rien?

L’attrait du taux fixe

Autre tendance en hausse, elle, la demande de taux fixes dans la négociation de prêts hypothécaires. «Traditionnellement, les Luxembourgeois sont demandeurs de taux variables pour l’achat de biens immobiliers, mais désormais ils se montrent intéressés par des taux fixes à 10 ou 15 ans qui permettent de diminuer le risque», observe Jean-Paul Scheuren, président de la Chambre immobilière du Grand-Duché de Luxembourg. Logique, la différence est devenue minime et on peut avoir sur le marché des crédits à taux fixes aux alentours de 2%. «Les taux bas stimulent aussi l’investissement immobilier, poursuit-il. Les privés y voient une alternative à l’épargne à taux très faible tandis que les promoteurs profitent de financements bon marché.» Seul point faible pour l’achat immobilier, dans le contexte actuel, l’inflation qui reste trop peu élevée. Elle a en effet une influence sur la capacité de remboursement des ménages, surtout dans un pays où les salaires sont indexés en fonction du coût de la vie. La politique de taux plancher décrétée par la BCE a notamment pour objectif de faire en sorte que les ménages se mettent à consommer plutôt qu’à épargner. À changer par exemple de voiture et permettre ainsi la relance du secteur dans son ensemble. Mais est-ce vraiment le cas? «Les taux sont effectivement intéressants pour l’achat d’un véhicule, mais cette donnée-là, les consommateurs l’ont plus ou moins intégrée depuis un certain temps, ils s’y sont habitués», convient Alain Petry, conseiller de l’Association des distributeurs automobiles luxembourgeois (Adal). Selon lui, l’achat d’une voiture reste un achat réfléchi et les offres faites par les concessionnaires lors de l’Autofestival, en janvier, jouent nettement plus sur la décision d’achat que le taux du crédit.