La plupart des médias - exception faite des organes de services publics - vivent essentiellement de la publicité ou du sponsoring. Presse écrite, quotidienne ou périodique; radios ou télés: les supports ne manquent pas. De l'autre côté du miroir, les annonceurs, ceux qui payent pour être vus, peuvent aussi encore profiter du cinéma, des panneaux d'affichage, des "folders" distribués dans les boîtes aux lettres? Là encore, les possibilités ne manquent pas.
Pour l'année 2000, selon les chiffres publiés par Publinvest, plus de 80 millions d'Euro ont été investis au Luxembourg sur l'ensemble des cinq médias que sont, par ordre d'importance, la presse écrite, la radio, la télévision, l'affichage et le cinéma. Ce qui représente un investissement moyen de 183 Euro par habitant, et place le Grand-Duché dans une honnête moyenne, un peu devant l'Italie (125 Euro), la France (153 Euro) ou la Belgique (175 Euro); mais derrière l'Allemagne (238 Euro), la Grande-Bretagne (254 Euro) ou la Suisse (396 Euro). Le tout à des années lumière d'une "hyper-société de consommation' telle que les Etats-Unis (512 Euro).
"La communication contribue à la réussite et permet, pour le moins indirectement, d'améliorer la visibilité de l'Entreprise" tente de résumer Olivier Mores, Attaché à la direction de l'Entreprise des P&T, en charge des relations extérieures. Une vison complétée par celle d'Eric Hieronimus, Directeur Marketing de la Brasserie Nationale (Bofferding): "on ne communique pas sur la notoriété, mais plus sur l'image. Communiquer, c'est raconter quelque chose, faire partager sa vie". Difficile de viser un autre objectif lorsqu'on a, comme Bofferding, une notoriété de 98% au Luxembourg, avec notamment 1.200 enseignes accrochées aux frontons des cafés. "Un étranger qui passe deux jours au Luxembourg ne peut pas au moins une fois ne pas avoir vu notre marque ou notre logo'"
Approches opposées
L'Entreprise des P&T et Bofferding partagent toutes deux la même caractéristique d'être plutôt incontournables au Luxembourg: une présence ancestrale et une large visibilité qui pourrait presque les dispenser de trop se montrer? C'est aussi un peu le cas pour Bram, grand magasin de vêtements, qui joue le rôle de locomotive du centre commercial City Concorde à Bertrange, même si son histoire remonte à un peu moins longtemps. "Je pense que si nous arrêtions de faire de la publicité pendant une année complète, nos ventes ne baisseraient pas nécessairement ose Georges Geiben, Gérant de Bram. Mais je ne tenterai jamais l'expérience ! Il est impératif de tout entreprendre afin de rester dans la mémoire des gens. Si quelqu'un pense vêtement, il faut qu'il pense Bram. Ca coûte beaucoup de se faire oublier et encore plus de chercher à se rattraper".
Les difficultés que rencontrent aujourd'hui des entreprises pour développer leur communication sont multiples. D'abord, la multiplication des supports qui rend de plus en plus délicat un choix pour se faire voir. Encore qu'en matière de télé et de radio, le Luxembourg présente un profil atypique au regard de n'importe quel autre pays, compte tenu de la prédominance du média RTL.
On peut ensuite noter une concurrence de plus en plus accrue à tous les niveaux de l'activité économique, qui fait qu'au fil des ans, rares sont les créneaux qui sont restés entre les mains d'un seul acteur. Et, enfin, un changement de mentalité de la part du consommateur, directement lié aux deux premiers éléments facteurs, et qui le rend plus "volatile" dans son comportement. "La clientèle n'est plus aussi fidèle qu'elle pouvait l'être à l'époque de nos parents constate M. Geiben. Il faut donc savoir l'attirer et l'inciter à rester. Mais, au Luxembourg, on est dans le cas particulier où beaucoup de choses fonctionnent par le biais du bouche-à-oreille, du relationnel. Ce qui ne nous empêche pas d'essayer de nous renouveler chaque année".
Cela implique directement de devoir mettre en place une politique de communication adaptée, la plus ciblée possible, mais qui n'exclut pas, non plus, d'envisager une approche qui, en apparence, peut lui sembler opposée. "A l'avenir, je crois que nous essaierons aussi de nous orienter davantage vers une 'globalisation' du client, en pratiquant une politique d'intégration explique ainsi M. Mores. Il s'agira de faire jouer des synergies entre les différents services que nous proposons. Par exemple, commander un service via Internet et se le faire livrer par la Poste. Mais il ne faut pas perdre de vue que chaque client a des besoins particuliers dont il faut essayer de tenir compte de manière aussi spécifique que possible. Toute la difficulté consiste à concilier ces deux extrêmes".
Prime à la fidélité
Cette façon de voir ne constitue pas nécessairement une tendance généralisée, puisque M. Hieronimus, lui, croit plus au "micro-marketing", comme auprès des communautés étrangères vivant au Luxembourg. D'ailleurs, les campagnes de la Brasserie Nationale sont déjà déclinées en plusieurs langues étrangères, "mais en restant toujours fidèle au contenu et à la ligne générale".
La fidélité? Une notion qui peut tout aussi bien se retrouver dans la façon de communiquer. A une série de campagnes qui se succèdent sans forcément de liens forts entre elles, la tendance serait plutôt à une certaine continuité dans ce domaine.
Ainsi Bofferding a-t-il toujours joué sur une "corporate identity" presque immuable, basée sur une couleur verte ultra-présente, et qui se suffit désormais à elle-même pour identifier le produit. La dernière campagne le prouve d'ailleurs, puisque le nom même de la bière n'apparaît pas directement. "Il faut ainsi savoir sortir du lot, se faire remarquer, étonner. Etre original, mais toujours en adéquation avec la notoriété du produit" précise M. Hieronimus. L'originalité a toutefois ses limites et il n'est pas certain qu'IMIWeb en ait forcément tiré les fruits (en l'occurrence les oranges) lors de sa campagne de lancement d'il y a tout juste un an'
Sur un marché aussi restreint que celui du Luxembourg, la proximité est aussi un atout qui peut être décliné sous plusieurs formes. Bofferding, pendant 15 ans, a ainsi joué la convivialité avec sa campagne "Sidd gudder dong mat Bofferdeng". Sa part de marché a grimpé de 10% à 50% aujourd'hui?
Bram, de son côté, a fait poser, en fin d'année dernière, des gens comme vous et moi pendant tout un mois, pour une campagne "Model fir een daag". Ainsi, impossible ou presque de ne pas connaître quelqu'un qui n'ait pas participé à ces campagnes originales? "Et puis les gens aiment bien quand ils entendent parler des produits qu'eux-mêmes utilisent" constate M. Hieronimus.
Communiquer tous azimuts
Pour autant, la publicité ne constitue pas l'unique moyen de communiquer pour une entreprise, loin de là. Et les chiffres publiés chaque année sur les piges publicitaires dans les médias luxembourgeois (voir encadré page 079) ne représentent finalement que la partie "visible" d'un iceberg qui peut parfois être plus important. Ainsi, si les données 2000 de Publinvest indiquent quelque 1 million d'Euro d'investissement pour Bram, le montant tourne bien plus sûrement autour des 1,5 million, "tout compris", "soit bien plus que 4% du budget traditionnellement consacré à ce secteur-là" reconnaît M. Geiben.
Et la différence est certainement plus grande encore pour Bofferding, entre les 0,6 million d'Euro d'investissements publicitaires référencés pour 2000 et la réalité. Les enseignes et les affichettes dans les débits de boisson ou les commerces d'alimentation; les plateaux, verres, décapsuleurs aux couleurs de la marque; les sous-bocks ( 6 millions sont imprimés par Bofferding chaque année, et chacun sert en moyenne trois fois? et pas uniquement pour la bière); jusqu'aux visites (12.000 par an) de la brasserie: tout est communication, y compris la communication' interne dans une entreprise. En tenant informé tous ses employés de sa "vie intime", l'entreprise augmente d'autant les vecteurs de diffusion de l'information vers l'extérieur, vers les proches et les amis de ces employés. "On ne peut pas séparer la communication en 15 éléments distincts; tout est lié" affirme M. Hieronimus.
Autres options: des "coups" ponctuels, des participations à des événements uniques, des promotions? "Pour savoir si tout ce que nous entreprenons est efficace, il suffit de regarder la progression du chiffre d'affaires en fin d'année explique M. Geiben. Mais dans de nombreux cas, il est impossible de chiffrer ce que peut rapporter telle ou telle opération de communication. Il s'agit avant tout de soigner l'image de marque de la société, et de toucher la clientèle".
Toucher, la clientèle, certes, mais pas non plus pour lui faire avaler n'importe quoi. Le temps du "client gogo" est certainement révolu, et c'est à des interlocuteurs de plus en plus pointilleux et connaisseurs que les sociétés ont souvent affaire. "La sincérité et l'honnêteté sont très importantes. Nous, nous ne nous contentons donc pas de mettre en avant nos seuls produits, mais nous agissons aussi avec une certaine éthique, sans surenchère comme d'autres sont tentés de le faire" témoigne M. Mores.
Dans le but de pouvoir viser juste, la qualité de la relation avec l'agence de communication est souvent primordiale. Pas question, en règle générale, d'évoquer une relation client/fournisseur entre une entreprise et son agence de communication. Tout doit se passer dans la plus parfaite harmonie, avec un souci d'échange et de proximité. "Il est impossible de détailler le pourcentage de contribution de notre part et de celle de l'agence explique M. Hieronimus. Il s'agit d'une collaboration franche et honnête, basée sur la confiance et la connaissance réciproque. La valeur ajoutée d'une agence vient bien sûr de l'aspect technique et graphique, mais aussi et surtout du facteur humain de création et de suivi. Certains, dans les métiers de la publicité, ont tendance à devenir un peu fonctionnaires. Cela ne peut donner que de mauvaises campagnes".
La qualité d'une campagne se mesure avant tout à la façon dont elle aura touché et interpellé le consommateur final. De l'annonce purement informative à un concept plus "décalé", tous les coups sont dans la nature. "Mais il faut avouer que, parfois, on cherche bien trop sophistiqué en matière de communication note M. Geiben. Il faut avant tout penser à créer la publicité pour les gens, les clients, afin qu'ils puissent s'identifier à ce qu'ils voient. Souvent, ce sont les opérations les moins coûteuses qui sont les meilleures! La clef de tout, c'est d'avoir des idées'"
Mais le mot de la fin, ce sera quand même pour replacer le produit dans une position centrale, qui devrait toujours être la sienne: "C'est essentiellement dans la qualité du produit que nous investissons. Car mieux vaudra toujours un excellent produit avec un mauvais marketing que le contraire" conclut M. Hieronimus.
Le Top 10 des annonceurs au Luxembourg
(données en milliers d'Euro)
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1.Cactus2.198
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2. Société Européenne de
Communication2.164
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3.Mobilux1.230
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4.Autosdiffusion Losch1.221
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5.P&T1.181
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6.Banque et Caisse d'Epargne
de l'Etat1.144
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7.Bram1.051
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8.Dexia BIL837
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9.BGL797
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10.Toyota750
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Source: Luxembourg Media Key Facts 2001 (IP Luxembourg)
Ces chiffres concernent les investissement bruts réalisés en 2000 dans les "5 médias" (presse, radio, cinéma, télé et affichage), et "pigés" par l'Institut ILReS.