«Je ne le conseille pas. Mais je l’engagerais bien!» Professionnel de la prise de parole en public, coach reconnu en la matière, Pedro Castilho (Verbalius) voit en Xavier Bettel un homme doué.

Il a pu l’observer, dit-il, lors d’interventions à la Chambre des députés ou lors d’une visite du parlement justement que Xavier Bettel guidait, mais aussi lors de prises de paroles impromptues dans des manifestations où il représentait la Ville, lors de tables rondes, en duels politiques...

Le sens de la formule

Un style Bettel? «Des traits communs se dégagent de toutes ses prises de parole, dans des contextes différents. Il est authentique et constant: le Bettel en ‘on’ et le Bettel en ‘off’ semblent similaires. C’est un personnage, mais il ne joue pas. Et s’il joue, il est vraiment très fort! Il dégage une sympathie naturelle et une forme de séduction, de force de conviction. Il a aussi le sens de la répartie, une rapidité dans la rhétorique, qui lui permet de riposter, d’être à l’aise dans l’improvisation et d’emporter le duel. En plus, il a l’art du slogan, le sens de la formule. Pour l’auditeur, pour celui qui guette une petite phrase à relever, c’est un bon client…»

Aux oreilles et aux yeux de Pedro Castilho, le Premier ministre dispose d’une habileté à communiquer, qui relève du don, de l’attrait pour le fait d’être au cœur du public et du travail de plaideur, le tout exercé avec une passion manifeste. «Et quand il est convaincu, il est convaincant.»

Attendu au tournant

Précisément… Comment l’expert voit-il Xavier Bettel aborder l’exercice périlleux du discours sur l’état de la Nation, dans lequel le Premier ministre frais émoulu se lancera pour la première fois? «J’attends avec curiosité de voir ce que cela va donner. Quelle touche personnelle va-t-il apporter? Le changement est un mot d’ordre qui est revenu pendant la campagne et dans le discours politique de la majorité actuelle. Comment va-t-on voir ce changement dans le discours en question? Quels accents va-t-il y mettre? C’est intéressant de suivre la cohérence entre ce qui a été dit précédemment et ce qui sera dit à ce moment.»

Il y aura, dans tous les cas, le fond et la forme. Sur le fond, M. Castilho recommande une certaine prudence à l’orateur. «M. Bettel vit ce qu’il dit. Il a un côté Robin des Bois et c’est une force. Il est très bon dans l’exercice oratoire, mais celui-ci est spécial. C’est une première d’abord. Ensuite, c’est un discours qui reprend un contenu personnel et collectif. Il n’y aura pas que du Bettel. Je suppose que c’est un contenu qui a été préparé en commun, où chacun voudra mettre sa petite touche, que quelqu’un va rédiger pour la mise en forme et que Xavier Bettel amendera pour faire sien.»

Le contexte aussi est spécial: «Ce discours sera très médiatisé et très observé, par les élus, par les citoyens, par la presse, par les observateurs européens… Bettel est attendu au tournant, par ses supporters comme par ses détracteurs. Il faut convaincre tout le monde, ne décevoir personne, et rester fidèle à un programme. Le choix des mots ne sera pas anodin.»

Pas à la légère

Sur la forme, Pedro Castilho se demande quelle sera la rupture. «Parlera-t-il exclusivement en luxembourgeois? Enchaîner les trois langues, ce serait une belle symbolique… Est-ce qu’il va briser le cadre conventionnel? S’adresser à tous depuis le perchoir ou depuis un autre endroit? On n’est pas sur un discours improvisé. Les éléments doivent être plus pensés et la part de naturel qu’ils permettent se résume a priori à la façon de le présenter. C’est hyper encadré et cela mérite une préparation plus assidue.»

Le Xavier Bettel «facile» va devoir travailler. «Le danger, ce serait d’être trop sûr de soi. D’ordinaire, il peut se permettre de se concentrer sur le fond, en faisant confiance à son habileté à gérer la parole. Ici, il doit s’appuyer sur un fond préparé et ficelé, sans réelle marge de manœuvre, pour se concentrer sur l’exercice, sa réalisation et ce qu’on retiendra de l’avoir vu et entendu. Il ne faut pas prendre cette préparation-là à la légère.»

Le public sera le juge. Et appréciera comment est l’homme de parole, au travers de la parole de l’homme.