Monsieur Vandeweerd, pourquoi avoir choisi la thématique de l’entrepreneuriat et du développement des PME en Afrique pour le prochain midi de la microfinance, le 15 décembre?
«Mi-2015, Ada a revu ses lignes stratégiques de développement. Il en est sorti que l’ONG devait se tourner aussi vers les petits entrepreneurs, acteurs clés du développement économique qui permet la création d’emplois, l’amélioration du niveau de vie des ménages. Cette orientation envers les clients finaux des institutions de microfinance va désormais guider les nouveaux projets qui seront mis en œuvre par l’ONG. Ce choix vise en quelque sorte à être plus efficace en matière de lutte contre la pauvreté dans les pays les moins avancés qui se trouvent quasi tous en Afrique – seul Haïti est en dehors du continent africain. La création d’une unité d’appui technique et commercial aux TPE/PME est envisagée à terme. D’où le thème du prochain midi de la microfinance. En plus de la microfinance, Ada s’oriente donc également vers la mésofinance.
Qu’est-ce que la mésofinance?
«Les TPE/PME, dans la plupart des pays du Sud et surtout dans les pays moins avancés, ont rarement accès au financement bancaire alors que celui-ci est primordial pour leur développement. Ce problème d’accès au financement provient du fait que les banques considèrent ces institutions trop risquées: manque de visibilité sur les projets à financer, absence de business plan, fonds propres et garanties insuffisantes, etc. À cela s’ajoute l’éternel argument avancé par les banquiers 'classiques' de la gestion et du suivi de crédits peu élevés qui se révèle donc très coûteux pour les banques.
Pour pallier ce manque de financement d’institutions, qui demeurent pourtant un vecteur de croissance et de création d’emplois important, est apparue la mésofinance. En grec, 'mesos' signifie médian, milieu. Il regroupe donc toutes les initiatives qui permettent de financer le chaînon manquant de la finance, c’est-à-dire les clients, les institutions qui sont à cheval entre la microfinance et la finance bancaire. En clair, il s’agit de faire évoluer les formes de 'banking' pour cette clientèle particulière qui n’est financée ni par les banques, ni par les institutions de microfinance. Dans les cas d’espèce, on parle de downscaling ou de descente en gamme s’il s’agit d’institutions bancaires qui veulent conquérir ce marché et donc octroyer des financements inférieurs à la moyenne pratiquée, de upscaling ou de montée en puissance si cela est effectué par des institutions de microfinance qui veulent répondre aux attentes des TPE/PME.
Est-ce à dire que la microfinance a atteint ses limites en termes de développement de l’entrepreneuriat et de la création d’emplois?
«Il est toujours difficile de généraliser pour un secteur encore jeune et toujours en évolution, mais je répondrais oui à cette question dans le sens où désormais, la plupart des spécialistes s’accordent sur le fait qu’il existe une certaine limite de financement pour la microfinance. Cette limite varie bien entendu en fonction des contextes d’intervention, mais à partir d’un certain seuil, il ne s’agit plus de microfinance, mais bien de finance avec tout ce que cela signifie en termes de formalisme et de prise de garanties qui vont bien au-delà de la caution solidaire, de la caution morale ou d’avaliseurs 'informels' appelés à garantir le crédit. La microfinance habituelle, celle qui octroie de nombreux tout petits crédits à court terme et donc répétitifs avec des taux d’intérêt relativement élevés mais obligatoires pour couvrir les charges de l’institution, a dans les faits une contribution ou un impact limité sur l’entrepreneuriat. En effet, elle encourage plus la reproduction d’activités existantes et non un élargissement des systèmes de production et de commercialisation. Si on veut monter en puissance, en termes de durée et de montant, et donc développer l’entrepreneuriat, il faut aussi s’organiser autrement car le crédit seul ou en isolation n’est pas suffisant. Les aspects d’accompagnement dans les domaines professionnel, technique et commercial sont tout aussi importants. C’est ce que voudrait expérimenter Ada dans une nouvelle génération de projets en s’inspirant des leçons apprises par des partenaires qui se sont engagés plutôt dans cette voie comme 'entrepreneurs du monde' et 'investisseurs et partenaires'.»