Tom Kettels: «Je pense que là où l’on voit effectivement une évolution, c’est dans la volonté d’engagement de tous les acteurs.» (Photo: Luc Deflorenne)

Tom Kettels: «Je pense que là où l’on voit effectivement une évolution, c’est dans la volonté d’engagement de tous les acteurs.» (Photo: Luc Deflorenne)

Un petit regard dans le rétroviseur vaut plus qu’un long discours. En effet, que de chemin parcouru depuis 2003, lorsqu’AOL s’implantait au Grand-Duché, emmenant dans son sillage Amazon et d’autres grands noms de l’ICT, prémices d’une ascension prometteuse. À l’époque (déjà 10 ans!), le pays, avec notamment une capacité de 59 gigabits (dont 10 utilisés), environ 10.000 m2 de data centres et trois connections vers l’extérieur (deux vers Bruxelles et une en direction de Francfort), était totalement éclipsé par les grandes places européennes. «La connectivité et les infrastructures étaient alors suffisantes pour un usage national; les données, pour la plus grande part issues du secteur financier, se résumaient pour l’essentiel à des chiffres financiers. Par contre, pour les nouvelles activités de commerce qui supposentle transfert d’images, de son, de vidéos,les moyens montraient rapidement leurs limites», reconnaît Tom Kettels, senior ICT advisor auprès du ministère d’État.

Le gouvernement a alors entamé, à l’aube de l’année 2006, une réflexion avec les représentants du monde ICT afin de définir une politique. En parallèle, certains grands acteurs internationaux avaient prévenu: «Nous ne trouvons pas les offres dont nous avons besoin.» Capacité réduite et absence de concurrence au niveau des fournisseurs étaient les plus importants griefs qu’ils avançaient à l’encontre du Luxembourg. «Mais comme à l’époque, l’éclatement de la bulle internet était encore bien trop présent dans les esprits, les acteurs privés avaient quelques réticences à investir», poursuit M. Kettels.

De ces constats et réflexions est né LuxConnect, première pierre d’un édifice qui aujourd’hui fait montre d’une belle visibilité en Europe. Les data centres sont érigés au fur et à mesure des années et des investissements (plus de 40.000 m2 aujourd’hui), les connexions vers l’international se multiplient (on compte 18 chemins vers Bruxelles, Amsterdam, Francfort, Paris, entre autres) et la capacité a atteint les 75 térabits (dont deux sont actuellement utilisés); faisant grimper le Luxembourg au 5e rang européen, devant des villes comme Milan, Zurich ou encore Madrid.

Une stratégie à consolider

Six data centres du pays ont la particularité d’être certifiés Tier IV, offrant une sécurité physique optimale, ce qui, pour le cloud computing, est primordial. «Une défaillance de près d’une heure peut s’avérer lourde de conséquences pour la gestion de data. Les centres certifiés Tier IV offrent la garantie de subir moins de cinq minutes cumulées de coupures. Dans la pratique, certains data centres n’ont pas connu une seule coupure depuis plusieurs années.» Mais, si le prix lié à cette excellence en termes de sécurité pouvait refroidir certaines sociétés dont les données moins sensibles n’avaient pas nécessité de stockage dans un environnement ultrasécurisé, ce n’est plus forcément le cas aujourd’hui. «En effet, environ 70% du coût des data centres sont liés à l’énergie», précise Tom Kettels. Et sur ce point, le Luxembourg s’avère très bien placé, sinon en première position, car si le coût de l’électricité (que le pays achète hors frontières) est semblable aux autres pays, les frais liés au réseau font toute la différence et se répercutent (à la baisse) sur la facture des clients.

Dans l’approche de coût, les infrastructures les plus récentes ont également été conçues dans un souci d’économie d’énergie. Cette vision écologique, qui s’inscrit dans la politique de nombre de sociétés, a également un pouvoir attractif non négligeable.

Mais les atouts ne s’arrêtent pas là: la connectivité est également l’un des points forts du Luxembourg notamment de par sa position géographique, au centre du golden ring (Londres, Amsterdam, Francfort, Strasbourg, Paris). «Du Luxembourg, il est possible de servir tous ces marchés. D’ailleurs les sociétés d’e-gaming telles que OnLive ne s’y sont pas trompées en venant s’installer au Grand-Duché.» Cela étant, comme le souligne Tom Kettels, «le gouvernement voit dans les data centres et la connectivité des outils, sur lesquels il s’agit de construire et non une fin en soi». Cette construction passe également par un cadre légal adapté à ces nouvelles activités et un service de qualité rendu possible par une communauté ICT fortement développée et comprenant des spécialistes hautement qualifiés. Tout cet environnement attire les acteurs étrangers, qui font en sorte de consolider leur présence sur le territoire pour les pionniers. Tel est le cas, depuis peu, pour Level 3 Communications. Et les exemples pullulent. Le gouvernement s’attend à ce que d’autres suivent cette voie. Le data – plus encore le big data – gagne du terrain, dans un contexte propice. «Mais je pense que là où l’on voit effectivement une évolution, c’est dans la volonté d’engagement de tous les acteurs. Ils ont pris conscience que c’est l’affaire de tous et, de ce fait, ils n’attendent plus les seules initiatives du gouvernement», conclut Tom Kettels.