Mike Bourscheid a effectué un véritable casting pour trouver son perroquet. (Photo: Mike Bourscheid)

Mike Bourscheid a effectué un véritable casting pour trouver son perroquet. (Photo: Mike Bourscheid)

La Ca’ del Duca, qui accueille le pavillon luxembourgeois, est une charmante demeure en plein centre de Venise. Les habitués de ce rendez-vous de l’art qu’est la biennale connaissent le chemin par cœur et marquent l’adresse d’une croix pour se l’imposer dans un parcours vénitien semé de dizaines d’expositions. Même habitué des lieux, on s’étonne à chaque fois de voir comment l’artiste luxembourgeois sélectionné réussit à s’approprier cet appartement, avec son couloir, ses pièces tarabiscotées, sa vue sur le Grand Canal, ses parquets anciens…

Mike Bourscheid ne fait pas exception et a pensé le pavillon comme une visite intime dans l’univers énigmatique de personnages curieux, issus de son imagination foisonnante. Des personnages dont il endosse le contour et les costumes, réalisés aux mesures de l’artiste pour mieux brouiller les perceptions traditionnelles et les clichés identitaires.

Narration énigmatique

Car tout le travail de Mike Bourscheid – et Venise en est un concentré – raconte des histoires qui interrogent l’héritage familial et l’histoire culturelle, les questions de genres, le rôle de l’art dans notre quotidien, les métiers «d’homme» ou «de femme». Costumes, objets domestiques, installations, performances et pièces musicales sont autant d’éléments à mettre ensemble pour décoder une narration aussi drôle que profonde.

La visite commence par le long corridor où les murs sont couverts de panneaux de bois et de moules à biscuits en bois représentant les protagonistes de ce qui va suivre. «The Imposters» est une galerie de portraits comme on en verrait dans un manoir. «Le hall d’entrée est important dans beaucoup de familles. C’est là qu’on montre tout ce qu’on a et ce qu’on est», relate l’artiste en évoquant un souvenir familial.

The Imposters (Photo: Luke Walker)

Comme l’essentiel des pièces et objets que l’on trouve dans le pavillon, les moules sont sculptés par Mike Bourscheid, pour qui le travail manuel, l’acquisition de compétences artisanales, fait partie intégrante et incontournable de son travail. C’est aussi le cas du costume «Goldbird Variations (Pas de deux)» qui nous attend dans la pièce suivante, baignée d’une lumière jaune. Allusion évidente aux Goldberg Variations de Glenn Gould, la pièce se joue entre un costume qui mélange une jupe à volants et une longue protubérance gonflée qui entre en dialogue avec un lion en bronze, surmonté de pantoufles et dont la face a été enlevée. «Il n’est ni enfantin ni agressif et chacun peut voir son reflet dans le bronze poli.»

The Goldbird Variations (pas de deux) (Photo: Luke Walker)

L’œuvre fonctionne très bien comme une installation, mais servira aussi pour une performance où, sandales en cuir aux pieds et luxueux gants de protection aux mains, Bourscheid prendra des poses sculpturales, accompagné par de la techno entraînante. Des points sur le costume correspondent à des marques sur les doigts pour indiquer quelle posture adopter.

Équipe de hockey

Suit «Idealverein», un ensemble de six tabliers de cuir qui sont autant de personnages d’une équipe dont on ne connaît pas vraiment le sort. «Je pensais aux vestiaires de hockey où les patins trônent en dessous de chaque tenue», détaille l’artiste de plus en plus influencé par sa vie au Canada. Chacun des tabliers et des souliers qui l’accompagnent revêt une fonction particulière: celui qui joue de la flûte, celui qui porte un miroir et un rouge à lèvres, celui dont les abdos sont dessinés par des œufs, celui qui noue des bracelets d’amitié…

Idealverein (Photo: Luke Walker)

Dans la pièce adjacente, «This is how I imagine love» rassemble une paire de costumes dans un environnement rose. L’un est exposé et comprend un pantalon rose garni d’une forme rembourrée à l’entrejambe, tandis que l’autre est à découvrir dans un tiroir dans une matière irisée évoquant le métal. Pour les deux, d’énormes têtes montées sur un dispositif de prothèses complètent le costume et contraignent celui qui le portera.

This is how I imagine love (Photo: Luke Walker)

Il faut presque être arrivé à la fin du parcours pour découvrir «Thank you so much for the flowers» qui donne son titre à l’exposition. Un pyjama de soie, cousu par l’artiste bien évidemment, fait face à une sorte de pot de fleurs en céramique. C’est en fait un casque qui servira à la performance qui sera livrée. Sur les côtés, une vingtaine d’autres pots ornent le sol. «Ce sont mes essais pour avoir appris la céramique et le travail sur le tour.»

Dialogue avec un perroquet

La dernière salle est hantée par la présence du personnage du pirate qui était déjà représenté sur les moules à biscuits. «The wellbeing of things: a 5km race» est une vidéo très drôle où ce fameux pirate, qui a des faux airs de cow-boy ou de police montée canadienne, est en dialogue avec son perroquet. Ils ont échoué dans un motel pendant que leur bateau doit être réparé et le pirate explore les environs, au grand dam de son compagnon de plus en plus jaloux des changements de son maître. Un premier essai filmique pour l’artiste qui démontre ici encore son sens de l’humour, sa précision dans l’exécution, ses réflexions sur l’apparence et l’interdépendance entre les êtres.

The wellbeing of things (Photo: Luke Walker)

Une exposition forte qui réussit le pari d’exposer les temps morts entre les performances. Pas besoin de documenter le moment éphémère par une vidéo ou des photos, les installations des costumes et objets se suffisent à elles-mêmes pour comprendre le propos de l’artiste et mesurer sa pratique artistique et technique.

 

Du 13 mai au 26 novembre 2017

Pavillon du Luxembourg

Ca’ del Duca - Corte del Duca Sforza

Venise

Site du Casino Luxembourg.