Daniel Meketyn, Head of the IT Department, Eurobank EFG Private Bank Luxembourg (Photo : David Laurent/Wide)

Daniel Meketyn, Head of the IT Department, Eurobank EFG Private Bank Luxembourg (Photo : David Laurent/Wide)

Monsieur Meketyn, quelles sont les grands chantiers informatiques en cours chez Eurobank EFG Private Bank Luxembourg ?

« Nous réfléchissons autour de trois axes principaux. Tout d’abord, sur le plan fonctionnel, nous travaillons avec le groupe pour diminuer les coûts et augmenter les fonctionnalités de notre système. L’objectif est bien entendu de maximiser le résultat de nos efforts, tout en réussissant à améliorer la qualité de nos prestations… Le but est de prendre le meilleur chez chacun et de le transférer chez les autres. C’est un travail permanent, sans cesse renouvelé. Il y a ensuite un axe de travail plus technique. Nous devons assurer une meilleure capacité de charge de travail, avec une meilleure disponibilité des applications critiques. Et cela ne peut passer que par une infrastructure adaptée. Pour nous, cela veut dire améliorer notre maintenance, tout en optimisant et en facilitant l’exploitation. Dans ce domaine, l’année dernière comme cette année, nous avons travaillé à mutualiser nos serveurs, et surtout à limiter l’hétérogénéité de notre parc. Il est toujours possible et nécessaire de simplifier.

Le dernier axe, c’est celui de la sécurité. Nous sommes une banque. Nos informations sont nos actifs. Ce sont elles qui permettent de répondre aux besoins de nos clients. Et c’est un chantier qui est également permanent.

Pour être honnête, tous les responsables informatiques ont, d’une manière ou d’une autre, des problématiques comparables, les mêmes préoccupations !

Comment trouvez-vous l’équilibre entre ce que vous faites en interne et ce que vous sous-traitez ?

« Nous tenons à être indépendants pour tout ce qui touche à l’infrastructure. En 2010, avant mon arrivée, le choix avait été fait d’investir dans une salle informatique sur site, que nous pouvons intégralement maintenir. Dans le domaine des applicatifs, il est certain que nous sommes en fait dépendants des éditeurs de logiciels. Nous ne sommes pas assez importants pour réussir à déve­lopper nos propres solutions. Tout ce qui relève du core banking est donc basé sur des éléments standards issus du marché. Les différents produits financiers peuvent être particulièrement complexes. Pour ceux-ci, il n’est même pas la peine d’essayer de proposer nos propres outils. Les coûts de développement et de maintenance seraient exorbitants.

Il faut trouver les meilleures solutions possibles et, sur certains éléments, l’externalisation est un moyen de réduire le risque. D’un autre côté, la partie véritablement sensible de notre IT doit rester in house. Quel est le ROI ? Serons-nous mis en difficulté si jamais nous ne sommes pas les opérateurs de cette partie de notre IT ? Selon les réponses, on peut pencher pour l’externalisation.

Comment choisissez-vous vos sous-traitants ?

« Sur un sujet technique, je fais la plupart du temps un appel d’offres. Je n’ai pas tendance à confier tous nos besoins à un seul prestataire et les choix technologiques peuvent être faits selon différents critè­res. Demander à plusieurs entreprises une proposition permet d’avoir la vision la plus large possible. C’est pourquoi je cherche à avoir systématiquement plus de trois solutions qui me soient proposées. Avec ce système, je suis capable de recouper les propositions qui me sont faites.

Il ne s’agit pas forcément d’être particulièrement original, mais de voir ce que les produits les plus répandus sur le marché peuvent proposer, pour alimenter notre réflexion interne. À l’inverse, si sur un produit précis, j’ai un avis déjà construit, il n’y a pas de raison d’aller voir ailleurs. Mais j’aime malgré tout faire jouer la concurrence.

L’informatique bancaire n’est-elle pas devenue très complexe avec le temps ?

« Il y a un fait : ce n’est pas parce que nous sommes un établissement relativement petit que nous devons gérer moins d’informations – ou plus exactement que nous avons moins de complexité à gérer. Il est impossible pour nous d’avoir toutes les compétences en interne, en ayant le niveau de compétence sécuritaire requis. Le fait d’être plus simple, plus uniformisés dans l’architecture et dans nos choix technologiques, nous facilite la vie.
De manière générale, les systèmes infor­matiques sont trop disparates. Et cette variété implique des failles de sécurité multipliées. En uni­formisant, on peut se concentrer sur un nombre de cas problématiques plus limités, et donc être mieux armé pour sa défense.

Quelles sont les exigences du management de la banque ?

« Sur le plan du business, la demande est simple : les applications doivent être disponibles, et ce qui prime, ce sont les demandes des différents départements. Ce sont les utilisateurs qui connaissent leurs besoins. La sécurité est une préoccupation pour les gens de l’IT, éventuellement quelques managers ou des auditeurs.

Cela veut dire que nous devons être capables d’intégrer dans le système de nouveaux produits financiers. On ne nous demande pas de développer une application pour tablette numérique, par exemple.

Réussit-on aujourd’hui à construire une stratégie IT sur la durée ? Avec le rythme d’évolution technologique, n’est-ce pas vain ?

« Faire un plan sur trois ans, cela veut souvent dire tout jeter au bout de 12 mois pour le recommencer… Mais en attendant, si nous sommes impliqués dans des projets dès le début, cela nous permet d’anticiper et d’adapter l’outil à ce qui va arriver. Nous sommes de ce point de vue une sorte de prestataire de services interne. La différence avec un véritable prestataire IT, c’est que nos interventions ne sont pas ponctuelles, et que nous pouvons justement développer une vision à long terme.

Y a-t-il des tendances qui se dessinent malgré tout ? Des tendances de fond… On a par ex­em­ple longtemps parlé de l’open source, mais il semble avoir du mal à s’imposer dans certains secteurs…

« Je n’ai rien contre l’open source. D’ailleurs nous avons certains outils informatiques en cours d’installation qui le sont… La gratuité de ces outils et la richesse des forums de développement font que certaines solutions peuvent être très intéressantes, et permettent de bénéficier d’un savoir-faire important dans un grand nombre de tâches.

Ceci dit, sur les sujets structurants de l’IT, il est nécessaire de toujours viser une véritable solution. L’innovation n’est pas un critère primordial pour nous. L’important, c’est d’avoir quelque chose de pérenne… même si le long terme en infor­matique est une utopie. L’avantage vient de l’évolutivité. Autrement dit, on peut trouver des compromis en termes de phasage, de choix d’options, de définition de la criticité, mais jamais au détriment de la sécurité.

Pour revenir à la question, en informatique, il y a une certaine continuité dans le changement. En 20 ans d’expérience, j’ai déjà vu passer un certain nombre de nouvelles technologiques, qui devaient tout changer, et qui n’ont pas réussi à s’imposer. Au début de l’informatique, nous étions souvent dans un environnement IBM, très fermé. Le balancier a fait son effet, et l’on est passé sur des systèmes ouverts, qui se sont multipliés… On pouvait trouver dans certaines structures entre 50 et 100 systèmes différents. Ce qui n’est pas mieux, mais simplement l’inverse d’un monde très fermé et protégé.
C’est alors que l’on a mis en place la virtuali­sation, qui est une manière de recentraliser les choses. On s’était laissé déborder. Trop de bases de données différentes, trop de ressources différentes, et l’on se retrouve coincés. Ici, nous avons une vingtaine d’applications, dont à peine une dizaine de critiques. C’est ce dont je parlais lorsque j’abordais la question de l’optimisation de l’exploitation.

Cela me fait penser à la photographie. Auparavant, on travaillait avec un film argentique. Avec le passage au numérique, on a mis en avant la liberté que ces nouveaux appareils donnaient. On pouvait multiplier les prises de vues, et voir directement le résultat. En attendant, aujourd’hui encore, on imprime ses photos pour les conserver. Le papier est encore là…

Vous parlez de technologies qui devaient tout révolutionner… Avez-vous un exemple précis ?

« Je citerais bien volontiers Java. À un moment, le langage avait été présenté comme la solution à tous les problèmes. Le fait est qu’il permettait de progresser sur de nombreux points. Mais au final, ceux qui ont tenté de tout faire en Java ont eu du mal, beaucoup de mal… Ce langage n’a pas été le nouveau Cobol, qui permettait de tout faire… Après différents tests, le marché a tranché, et s’est rendu compte que ce n’était pas une solution aussi universelle que cela. »

 


Parcours - Vision panoramique

Âgé de 44 ans, Daniel Meketyn a fait sa formation initiale à Nancy, en suivant un DEA en informatique, à l’Université de Nancy I. « Je me suis assez rapidement rendu compte que je n’étais pas fait pour le milieu universitaire. J’avais besoin de choses plus concrètes, c’est pourquoi je me suis rapidement orienté vers une carrière en entreprise. » Après une première partie de carrière en Lorraine et à Paris, il rejoint la KBL en 1998 en tant que chef de projets. Il y reste pendant presque 13 ans, et quitte l’établissement alors qu’il est responsable d’un département de développements informatiques internes. Chez Eurobank EFG Private Banking, il apprécie le changement de perspective que lui offre son rôle de responsable du département IT : « J’étais auparavant dans un poste très vertical. Aujourd’hui mon rôle est plus horizontal. Cela oblige à changer de vision. C’est en fait ce défi qui m’a attiré, car il me permet d’avoir une vision à 360° de l’informatique de l’entreprise. »