Daniel Braun, directeur des ressources humaines, Mondo Luxembourg (Photo: David Laurent / Wili)

Daniel Braun, directeur des ressources humaines, Mondo Luxembourg (Photo: David Laurent / Wili)

Monsieur Braun, comment se situe Mondo Luxembourg par rapport à l’ensemble du groupe ?

« Mondo est un groupe international, mais avant tout une société familiale, toujours détenue et dirigée par les Stroppiana. Sa taille est relativement modeste, puisqu’il emploie 1.400 personnes dans le monde, dont 140 au Luxembourg. Ici, nous employons principalement des ouvriers, sur plusieurs lignes de production. Nous fabriquons essentiellement deux types de produits : des ballons et jouets gonflables et des revêtements de sol spécifiques en élastomère (donc en caoutchouc). On peut presque parler de deux usines en une. Par ailleurs, il y a une représentation commerciale pour laquelle Luxembourg a la charge d'un ensemble de pays. En termes de ressources humaines, je dois donc gérer des profils très différents : une centaine de ‘cols bleus’, des administratifs, des commerciaux, des fonctions ‘groupe’, ainsi que des intérimaires ou CDD en haute saison.

Comme beaucoup d’entreprises industrielles, Mondo est-elle en train d’opérer une mutation ?

« Mutation est sans doute trop fort. Nos produits restent spécifiques et compétitifs. Cependant, depuis environ un an, le groupe est en pleine restructuration et redéfinition des fonctions de chaque entité du groupe, au niveau international. Le but est de permettre à Mondo de se préparer pour les 10 à 15 prochaines années en se demandant si nous sommes toujours aptes à répondre aux besoins du marché et aux attentes de nos clients. Cette démarche est plutôt saine et importante à mettre en œuvre, surtout dans un contexte de crise. C’est dans ce contexte que la direction a décidé de fermer l’usine québécoise et de rapatrier le carnet de commandes à Luxembourg. Inversement, la force commerciale a été récupérée par le siège en Italie. Pour le domaine des revêtements de sol ‘civils’, les fonctions commerciales sont désormais externalisées, via des agents et représentants.

Comment avez-vous géré ces départs ?

« Cela dépend beaucoup du pays et de la culture entrepreneuriale de chacun, j’ai dû enlever des commerciaux en Allemagne, aux Pays-Bas, dans les pays nordiques, en Belgique et ici au Luxembourg (six personnes, ndlr). L’idée générale était de transformer un coût fixe (salaire) en un coût variable (commission) en proposant aux commerciaux de démarrer leur propre entreprise et de devenir des agents indépendants. Certains ont accepté, d’autres se sont tournés vers des distributeurs existants, d’autres ont changé de voie dans des sociétés avec lesquelles nous avions des contacts. Après mon expérience chez Villeroy & Boch pendant leur plan social, j’ai à cœur de suivre chaque personne pour l’aider à se recycler sur le marché. Cinq des six personnes ont retrouvé du travail et la sixième veut reprendre des études.

Comment Luxembourg a-t-il remporté la mise face à l’usine canadienne ? Quels sont ses atouts ?

« Nous sommes dans le groupe Mondo la seule entité capable de produire les revêtements de sols à destination des transports. Nos lignes de production et les personnes qui y travaillent sont spécifiques, exigeantes, certifiées. Cela pèse dans la balance quand il y a des appels d’offres internationaux. Le précédent CEO, David Weijber, a mis en place une approche du leadership particulière, que l’on trouve généralement dans les pays nordiques. Il s’est entouré d’une équipe de gens qui ont les compétences nécessaires pour être appelés leader plutôt que manager. C’est-à-dire qu’on est plus dans les soft skills, dans la capacité à motiver ses troupes, à fédérer autour d’un projet, à montrer l’exemple que dans la gestion et le muscle. Cette manière particulière de travailler, en équipe, en transparence, sans jeu de pouvoir, où tout le monde concoure à aller vers le même résultat a certainement aussi joué un rôle important dans le choix de Luxembourg. Ce sont donc à la fois les compétences techniques et managériales qui ont pu faire en sorte que Mondo a décidé de pousser et d’investir sur le site Luxembourg.

Les questions liées au coût du travail ne sont pas entrées en ligne de compte ?

« Si, bien sûr. Nous sommes aussi des gestionnaires. Nous avons réalisé un business case qui mettait en évidence ce que le groupe gagnait en se développant au Luxembourg, avec le retour sur investissement, le rapport coût sur gains… Ce sont ces types d’informations financières qui ont convaincu la maison mère de rapatrier le carnet de commandes québécois ici – et avec lui, le directeur technique canadien d’ailleurs.

Outre l’extension des activités industrielles du site, d’autres aspects vont-ils être développés ici ?

« Oui. Nous avons reçu d’autres fonctions globales qui étaient avant concentrées en Italie au niveau du siège. Par exemple, le département recherche et développement est venu au Luxembourg, ainsi que celui qualité. Le directeur R&D est venu de Suisse et est en train de constituer son équipe ici, avec un recrutement international très spécifique, d’ingénieurs spécialisés dans le caoutchouc. Je vais faire venir des gensqui travaillaient dans l’usine au Québec, j’ai des contacts avec Goodyear, puisque nous travaillons sur les mêmes matériaux… Ce sont des profils trop ciblés pour publier des annonces. Une fois ces nouveautés digérées, nous essayerons d’attirer d’autres fonctions globales du groupe au Luxembourg.

Depuis septembre dernier, Mondo Luxembourg a un nouveau CEO en la personne de Stefania Stroppiana. A-t-elle apporté des changements, imprimé sa marque ?

« Notre nouveau CEO n’est pas une inconnue dans la maison, puisqu’elle est la fille du fondateur de l’entreprise et la femme du précédent CEO, David Weijber… Comme quoi, dire que nous sommes une société familiale n’est pas seulement une formule. Elle était auparavant responsable du marketing et… elle est en congé de maternité (rires). Mais, bien sûr, nous sommes tout le temps en contact avec elle. Elle n’a pas vraiment eu le temps d’imprimer sa marque. Néanmoins, nous avons senti tout de suite une différence en termes de disponibilité et de sensibilité. Je crois qu’en tant que femme, elle est plus tournée vers l’humain, sa porte est toujours ouverte, elle a une bonne écoute et se montre patiente. Elle réussit à faire passer ses directives ou ce qu’elle veut sans imposer les choses, mais dans la suggestion, la finesse. Autre point important dans le quotidien, elle parle français, ce qui facilite le contact avec certaines catégories du personnel.

Plus globalement, comment considérez-vous votre métier de DRH et son évolution ?

« C’est un métier fantastique que j’exerce depuis bientôt 20 ans, où plus que les ressources humaines, il s’agit de gérer des talents. Bien sûr, la partie ‘hard’ – salaires, aspects légaux, contrats… – est essentielle, puisque si elle n’est pas faite, il n’y a pas de salariés. C’est un mal nécessaire que nous essayons d’outsourcer le plus possible pour pouvoir nous concentrer sur la partie ‘soft’. C’est-à-dire de savoir quel est notre capital de compétences et s’il correspond à nos besoins actuels et futurs. Quand on se rend compte qu’il y a des manques, nous cherchons à les combler. Soit par la voie de la formation et promotion interne, parce que nos produits et nos profils sont très particuliers, soit par mutation au sein du groupe, soit par recrutement externe. À l’inverse, quand il y a des compétences présentes aujourd’hui qui ne nous seront plus nécessaires demain, on peut les recycler, en capitalisant sur l’expérience de la personne dans le groupe, ses contacts, son réseau et en ajoutant de la formation si nécessaire. Outre ces aspects de recrutement et de formation, la motivation des équipes et le développement d’un leadership particulier sont des aspects qui me tiennent à cœur.

La formation concerne donc aussi les chefs d’équipe ?

« Oui, nous avons développé des programmes de formation spécifiques au leadership developement : état des lieux des forces et faiblesses de l’équipe, établissement des besoins pour les team leaders, formation sur les manques, et maintenance par des workshops réguliers avec d’autres team leaders… Mondo Luxembourg pourrait d’ailleurs servir d’exemple pour d’autres entités du groupe et mettre en place un projet pilote. Cela fait partie de la culture d’entreprise de voir ce qui se fait bien ailleurs. »