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Signe de changement: les «centres d'appels» ou autres «call centers» s'appellent désormais «Centre de Relation-Clients». Une preuve que le cliché «centre d'appels = vendeur de cuisine» est bien révolu. Mieux, les entreprises ont, semble-t-il, compris qu'après avoir optimisé les coûts (vague des centres logistiques dans les années 90 en Lorraine), il leur fallait impérativement fidéliser le client (répondre et anticiper ses besoins) et rationaliser leur relation client (une réponse rapide, structurée, adaptée à la demande); tout cela grâce au centre de relation clients. «On voulait un accueil élargi et répondre rapidement: on est ouvert de lundi à vendredi, de 8h à 20h, le samedi de 8h30 à 13h, on reçoit entre 3000 et 3500 appels/jour, un appel dure en moyenne 2 minutes 30 et on traite les questions Internet sous 48 h», précise Laurent Petitjean, directeur d'Allodis Lorraine à Metz, le centre de support clientèle de la Banque Populaire de Lorraine. De son côté, Christian Badinier, Délégué général du CRITT-TTI (Centre Régional d'Innovation et de Transfert de Technolo-gie, Télécommunications et Technologies de l'Informa-tion), situé sur le Technopôle de Metz, parle d'un vrai «changement comportemental par rapport au client: on répond au moment où le client se pose la question». Un nouveau métier qu'il a même fallu, parfois, vendre auprès de ses collaborateurs. «Il a fallu expliquer aux chargés de clientèle que nous étions complémentaires et pas concurrents. Le premier client, c'est le client interne », se souvient Georges Jérôme, directeur de Direct Ecureuil, le centre de support clientèle de la Caisse d'Epargne de Lorraine-Nord installé à Metz depuis janvier 2000.

L'explosion des centres d'appel

Lancés aux Etats-Unis dans les années 90, les centres d'appel ont abordé l'Europe continentale entre 1996 et 1998, deux ans après le Royaume-Uni et les Pays-Bas. «En France, c'était l'explosion des téléphones portables et les compagnies avaient besoin de centres d'appels», se souvient Nicolas Regrigny, Directeur du Développement Econo-mique à l'Aduan (Agence de Développement et d'Urba-nisme de l'Agglomération Nancéienne).

Conséquences: ce sont Bertelsmann, plate-forme de SFR et Atos, plate-forme de Cegetel, qui s'installent, respectivement, à Nancy-Laxou et au centre-ville de Nancy. Depuis, ils ont été rejoints par Alcatel, Cap Gemini, Cegetel, France Télécom, la SNVB, les 3 Suisses, la Redoute? Au total, 23 plates-formes et 2.500 télé-opérateurs qui font de Nancy, la cinquième des villes préférées des centres d'appels en France. En 1998, c'est au tour de Metz d'entrer dans ce tourbillon, suivie par le reste du département: France Télécom, Bosch Centre de Service, Sage France, Xtrasource, Bertelsmann, Yves Rocher? Aujourd'hui, on compte 33 centres de relation-client en Moselle et 1900 emplois de télé-opérateurs(trices) existant et programmés.

Tendances 

Contrairement à l'Irlande et au Royaume-Uni, la France et notamment la Lorraine, ont très peu testé les centres de relation clients pan-européens. «C'est un choix dangereux au plan social (une grève), au plan technique (une défaillance) et en matière de ressources humaines», précise Nicolas Regrigny de l'Aduan. La solution la plus prisée est celle d'un centre de relation clients par aire linguistique: on vient en France pour avoir accès aux marchés francophones (Bénélux, Suisse, Canada, Afrique du Nord'). C'est le cas pour Transcom, un prestataire multi-clients luxembourgeois (d'origine suédoise) qui a installé en novembre 1999 son nouveau centre d'appels à Raon-l'Etape dans les Vosges. Créé en 1995, l'entreprise est présente dans 14 pays avec 24 centres d'appels et plus de 6.000 employés. «A Raon l'Etape, nous assurons la Gestion de la Relation Client à nos clients français parce que nous pensons qu'apporter un service à notre client dans sa langue maternelle est un must. Et c'est pourquoi Transcom WorldWide peut assurer sa GRC dans 37 langues», insiste Michael Nelson, Directeur des Ventes et du Marketing chez Transcom. Autre point important, le choix du mode de fonctionnement de son centre. Tous les modes cohabitent en Lorraine avec cependant une préférence pour le centre d'appels in-house. Les banques et les assurances ont fait ce choix en raison de la confidentialité de leurs informations. «Nous avons des techniques d'assurance lourdes: la vente de contrats, la gestion de sinistres? autant d'informations que nous souhaitons garder», justifie Fabienne Gimenez, responsable de la plate-forme de la Maif à Nancy. Pour d'autres, le centre de relation clients est leur c'ur de métier. «Pour vendre des produits grand public, on peut trouver facilement à externaliser mais notre métier est trop pointu et ce service est un des liens les plus importants en termes de connaissance et de satisfaction de nos clients. On développe nos produits, on les vend et on les fidélise», soutient Philippe Kornmann, Directeur de la plate-forme Sage France à Metz, n°1 français de la conception de logiciels de paie-comptabilité-finances pour les PME-PMI.

Parallèlement, pourtant, certains prestataires de centres d'appel ont séduit les entreprises. Après s'être installé à Nancy-Laxou en 1999 puis à Metz en 2000, Bertelsmann, le prestataire unique de l'opérateur de téléphonie mobile SFR, met actuellement en place à Nancy-Laxou une plate-forme téléphonique et Internet pour les clients particuliers et les prospects du constructeur automobile Renault. Chez Xtrasource, prestataire américain de quatre clients en informatique et électronique grand public, installé sur le Technopôle de Metz, les atouts d'un prestataire existent bien. «Nous assurons un bon Service Après-Vente avec des coûts en moyenne 8% inférieurs à ce que notre client aurait fait lui-même et nous lui permettons de se concentrer sur son activité primaire», précise Emile Koolstra, directeur du centre. Sans oublier, comme le rappelle Denis Massion, Project Manager chez Tesselaar, prestataire néerlandais installé au Luxembourg, qu'il reste nécessaire de travailler en étroit partenariat: «nous aurions peu de succès avec un client souhaitant outsourcer uniquement les problèmes». Dernière tendance en Lorraine, celle de la transversalité des activités des télé-opérateurs: prise de commandes, suivi, réclamations et, de plus en plus, l'assistance technique (hot-line)?à raison de 90% d'appels entrants et seulement 10% d'appels sortants pour des promotions ciblées et qualifiées.

Les atouts séduction de la Région

Si aujourd'hui, ces implantations ne surprennent plus, elles cachent cependant un travail de longue haleine effectué depuis le début par plusieurs acteurs. Parmi eux, le Capem, le Comité d'Expansion de la Moselle. En 1999, il confiait, avec la ville de Metz, une étude au CRITT-TTI. L'objectif: comprendre les enjeux et les critères d'implantation des centres d'appels. «On était régulièrement sollicité par des centres d'appels mais aucun projet ne se concrétisait. L'étude du CRITT nous a recommandé trois choses: valoriser le métier de télé-opérateur, travailler sur le produit au niveau de l'immobilier (avec une connexion au réseau haut-débit) et du personnel, travailler sur la commercialisation hors-Moselle», résume Thierry Petry, chargé de mission au Capem. Depuis, un colloque a eu lieu en octobre 1999 à la Foire-Expo de Metz réunissant 300 participants. Le 20 septembre prochain, c'est un Forum de l'Emploi qui devra permettre de faire connaître les métiers de télé-opérateur et de superviseur. Des actions ont aussi été menées pour sensibiliser les élus à la nécessité de proposer des plateaux de bureaux adaptés et rapidement disponibles. Enfin, le Capem a intégré en mai 2000 le réseau ECCA (European Call Center Alliance) qui, cette année, met en place une prospection commune des centres d'appels américains ou de centres présents en Grande-Bretagne qui souhaiteraient implanter un deuxième centre sur le continent. «La spécificité de nos centres d'appels c'est une orientation à l'international vers des marchés francophones mais aussi italiens et allemands», résume Thierry Petry. C'est d'ailleurs l'une des raisons qui explique la présence d'Xtrasource à Metz. «A la différence d'Amsterdam, de Londres ou de Paris, il n'y a pas ici de concurrence pour le personnel, il y a des pôles d'éducation, des infrastructures, une connexion fibre optique et, surtout, des gens qui parlent italien puisqu'ils sont issus des 2e et 3e générations qui travaillaient dans la métallurgie», explique Emile Koolstra. Axe fort du travail du Capem: la formation. L'Université de Metz a déposé en janvier dernier un dossier au Ministère de l'Education Nationale afin d'obtenir à la rentrée 2001-2002 la création d'une «licence professionnelle aux métiers d'encadrement dans les centres d'appel à orientation franco-allemande». C'est aussi prioritairement sur l'aspect formation que l'Aduan a développé son offre avec la mise en place par l'ANPE Nancy d'une cellule spéciale qui repère les gens capables d'intégrer le métier de télé-opérateur. Conclusion: pour les nouveaux centres d'appels, un bassin de 3.000 personnes à leur disposition. De son côté, le Centre Consulaire de Formation (CCF) de Nancy assure tous les deux mois une promotion d'une quarantaine de télé-opérateurs. Enfin, une formation de superviseur actuellement en cours d'élaboration avec l'ICN (Institut Commercial de Nancy) sera opérationnelle à la rentrée 2001-2002. René Schott, directeur d'Atos, prestataire de Cegetel à Nancy, souligne que «Cegetel a choisi le site pour des raisons économiques. Nancy avait démarré une politique de centres d'appels et la Région apportait son aide. Mais il y a aussi le sérieux que l'on reconnaît aux gens de l'Est. Pour preuves: pour l'annuaire express (le 12 de France Télécom), nous avons ce centre à Nancy et un autre à Paris. On constate moins d'absentéisme à Nancy», affirme-t-il. En effet, Nancy peut se prévaloir encore d'un faible turn-over de 8% contre 20 à 30% en région parisienne. Dernière offre de la place nancéenne: C@N, un club informel créé en 1997 qui réunit aujourd'hui 25 membres dont les plates-formes de centres d'appels et les prestataires. Un de ses atouts: mettre à leur disposition une plate-forme de formation pouvant accueillir 50 personnes pour toute activité de démarrage, formation, débordement et secours. Autant d'arguments qui auront probablement convaincu la GMF. On parle de son arrivée sur le technopôle de Nancy-Brabois fin 2001 avec création d'une quarantaine d'emplois. 

Annexe:

Du vocabulaire pour choisir son mode de fonctionnement

Presque tous les modèles cohabitent en Lorraine. Certaines entreprises passent même d'un modèle à l'autre. Au tout début, elles externalisent leur centre d'appels puis elles le font faire chez elles par un prestataire et finissent par le faire seule.

- in-house: vous êtes chez vous avec vos salariés.

- outsourcing: vous externalisez votre centre d'appels chez votre prestataire; ce sont ses salariés, ses propres locaux et son matériel.

- insourcing  vous externalisez votre centre d'appels ?chez vous! En général avec votre propre matériel. Souvent, une ou deux personnes de votre entreprise sont chargées de la coordination avec le prestataire.

-cosourcing: c'est vous et votre prestataire qui ensemble montez un centre de relation-clients. Il ne sera ni situé chez vous, ni chez le prestataire mais sur un site dédié, à usage exclusif, à proximité immédiate de vos locaux. C'est en général le prestataire qui loue et équipe ce site, selon vos besoins.

2.Une avancée technologique pour le CRM

Aujourd'hui, les Centres de Relation-Clients sont à la fois des plates-formes téléphoniques et Internet. En revanche, arrivé en France il y a un an et demi, le Web Call Center est l'avenir technologique du Centre de Relation-Clients. Il concerne trois nouveaux canaux de communication:

- La voix sur IP (Internet Protocole): cela permet de dialoguer en direct avec votre client (sous réserve qu'il ait un poste multimédia). La communication est transmise par le réseau Internet.

Pour le moment cependant la qualité d'appel semble trop moyenne.

- Le call-back: ce bouton ajoute une fonction de «répondeur» sur le site Web. Il vous permet de laisser vos coordonnées téléphoniques pour être ensuite rappelé par un télé-conseiller. 

- Le co-browsing: il correspond à une navigation synchronisée. Il y a la voix et l'image. Le télé-conseiller vous accompagne, depuis son poste, dans votre navigation. Il peut, par exemple, vous aider à remplir un bulletin de souscription.