Il n'a pas été facile, pour Jean-Pierre Zigrand et Yves Nosbusch, de défendre le «pour» contre l'avis du public.  (Photo: Olivier Minaire)

Il n'a pas été facile, pour Jean-Pierre Zigrand et Yves Nosbusch, de défendre le «pour» contre l'avis du public.  (Photo: Olivier Minaire)

Salle comble. Le Paperjam Club a attiré quelque 200 personnes au siège de la Banque de Luxembourg autour d’une thématique au cœur de l’actualité depuis 2008: «Economic crisis: have we learned the right lessons?». L’affluence de mercredi soir s’expliquait également par le nouveau concept proposé par le club d’affaires de Maison Moderne: un débat à la façon de l’Oxford Union Society.

Fondée en 1823, l’organisation anglaise fait référence en matière de débat d’idées sur des sujets économiques comme hier soir, mais aussi des thèmes de société. Son président en exercice, Benjamin Sullivan, avait fait le déplacement au Luxembourg pour cette première du genre et pour modérer un débat qui a vu s’affronter, à la façon gentlemen, deux orateurs en faveur du thème de la soirée et deux autres qui y sont opposés. Tous s’exprimaient en leur nom propre et sont montés au pupitre à tour de rôle pour défendre leurs vues et réagir aux exposés de la partie adverse.

D’emblée, un vote à main levée a permis de cerner rapidement que l’assistance se plaçait clairement du côté des «contre». La tâche s’annonçait dont plutôt difficile pour les deux représentants du «pour», Yves Nosbusch (Chef économiste chez BGL BNP Paribas) et le Dr. Jean-Pierre Zigrand (directeur du Systemic Risk Centre).

«Nous avons appris beaucoup, différentes mesures dont Basel III ont été prises rapidement, a relevé Yves Nosbusch. Les banques centrales ont effectué un travail conséquent avec plusieurs interventions à grande échelle.»

Opposé quant à lui au fait que les bonnes leçons de la crise aient été tirées, le député LSAP Franz Fayot (dans le camp du «contre» aux côtés de Nicolas Henckes, secrétaire général de l’UEL) s’est confronté à M. Nosbuch sur les inégalités présentes au sein de la société qui n’ont «rien à voir avec la crise», selon le chef économiste de la BGL BNP Paribas.

Voir sur le long terme

«Nous vivons dans un monde centré sur l’économie, dans un monde où les valeurs individuelles sont plus importantes que les valeurs collectives», a ajouté Franz Fayot tout en invitant l’assemblée à rester attentive au poids de la dette vis-à-vis des futures générations et des signes avant-coureurs de l’éclatement d’une prochaine bulle, fusse-t-elle technologique, des subprimes ou autre.

Plaidant également en faveur du «pour», Jean-Pierre Zigrand a toutefois admis que les banques étaient perçues comme isolées les unes des autres. Mais la crise des subprimes, qui a vu son origine sur un pourcentage limité de ses actifs, a révélé que ces institutions dépendaient bien les unes des autres.

«Personne n’est à désigner comme coupable», a ajouté Jean-Pierre Zigrand qui a plaidé pour une vision à long terme des systèmes financiers plutôt qu’une allocation des ressources pour satisfaire à un électorat ou un retour sur investissement rapide.

«Il faut adopter une vue sur le long terme, notamment sur le plan de l’éducation.»

Investir et travailler dur

Studieux lors de l’exposé du camp opposé, les débatteurs, qui avaient quelques minutes pour préparer leurs réponses, ont, malgré leurs divergences, montré que le besoin de changement des mécanismes du secteur financier, en particulier du côté des banques, était prépondérant. 

«Les banques devraient être des partenaires, a indiqué pour sa part Nicolas Henckes. Elles devraient investir dans la création de nouvelles activités, pour susciter l’innovation et non tout miser dans les marchés financiers.»

Occupé à analyser le projet de budget 2015 dont il est le rapporteur, Franz Fayot s’est octroyé en conclusion une parenthèse politique en soumettant l’idée d’introduire de nouveaux critères pour mesurer la richesse d’un pays, son développement, en prenant en exemple le PIBien-être.

Le vote à main levée en clôture de séance a livré une image de l’opinion de la salle relativement similaire à celle perçue en ouverture de séance. 

Une piste de trame pour le prochain discours sur l’état de la Nation? Le prochain débat à la façon Oxford sera justement organisé en avril prochain, dans la foulée de ce discours traditionnel du Premier ministre. Le débat portera sur un état des lieux de l’action du gouvernement «Gambia».