André Roelants (au premier plan) et Marc Beaujean espèrent que leur société emploiera une dizaine de personnes au Luxembourg. (Photo : Olivier Minaire)

André Roelants (au premier plan) et Marc Beaujean espèrent que leur société emploiera une dizaine de personnes au Luxembourg. (Photo : Olivier Minaire)

Pour préparer AIFMD, répondre aux coûteux changements réglementaires, bénéficier du soutien de la Place à la microfinance, la société de gestion suisse BlueOrchard réinstalle certaines activités au Grand-Duché. Cet événement annonce-t-il une tendance durable pour l’ensemble du secteur ? Éléments de réponse avec Marc Beaujean, acting CEO, et André Roelants, fondateur et président du conseil de la Sicav DMCF.

Monsieur Beaujean, Blue Orchard déballe ses cartons à Luxembourg. Pourquoi ?

« BlueOrchard est une société de gestion d’actifs basée en Suisse, mais gérant des fonds de microfinance domiciliés au Luxembourg. À partir du 1er juillet 2012, et sous réserve d’approbation de la CSSF, la société BlueOrchard Asset Management reprendra, depuis le Luxembourg, la gestion du fonds Dexia Microfinance Fund Luxembourg. Ce dernier sera rebaptisé BlueOrchard Microfinance Fund. Puisque notre sponsor, Dexia Asset Management, va lui-même vraisemblablement être vendu dans très peu de temps et que la marque Dexia va disparaître, nous nous sommes dit que c’était l’occasion de donner notre nom à notre principal fonds.

Monsieur Roelants, quelle sera la substance de cette société ?

« Notre filiale luxembourgeoise se limitera à trois ou quatre personnes pour commencer. Jusqu’à maintenant seule la Sicav et son administration étaient au Luxembourg. Les fonctions de conseil juridique, de gestion du risque, de compliance et une partie du middle office se retrouveront à terme au Grand-Duché. Nous voulons devenir plus visibles sur la Place. Car, c’est un peu ironique, en 1998, nous étions le tout premier fonds spécialisé en microfinance commercialisé et créé au Luxembourg, mais il a pris de l’ampleur en Suisse, et quasiment personne ne nous connaît au Grand-Duché… alors que la Sicav représente environ 350 millions d’euros d’actifs.

Qu’est-ce qui vous a poussé à revenir ?

A.R. « La Place a fait entretemps de la microfinance un axe de développement. C’est une classe d’actifs spécifique qui inclut des compétences spécifiques. Cette Sicav investit en direct sous la forme de prêts qu’elle fait à des banques de développement dans le monde, pour des montants assez modestes de 3 à 4 millions d’euros. Or, nous voulons créer au Luxembourg une base de compétences. Cela pourrait être utile pour la Place dans le futur. On y trouve peu de compétences en risque crédit spécifique à la microfinance. Nous voulons aussi être beaucoup plus présents dans le portefeuille des banques privées de la Place.
Par ailleurs, la loi de 2010 veut que les Sicav partie 2 aient une substance au Luxembourg à partir du 1er juillet 2012. Nous pouvions soit sous-traiter ce rôle-là à un tiers, soit devenir nous-mêmes gestionnaires en exercice. En 2013, avec la directive AIFM, la microfinance pourrait être assimilée à un investissement alternatif. Être incorporés à Luxembourg dès 2012 devrait nous aider à vendre nos produits partout en Europe beaucoup plus facilement. Nous anticipons un mouvement.

Comment le Luxembourg compte-t-il soutenir la microfinance ?

M.B. « Deux mesures sont en gestation. Au niveau européen, il serait question d’une exemption partielle des fonds de microfinance par rapport à la directive générale AIFM. Au Luxembourg, je comprends que l’on veut mettre en place un mécanisme par lequel, sur un plan fiscal ou sur un plan de facilité réglementaire, de tels fonds et leurs investissements seraient favorisés. C’est encore assez vague, mais il y a une volonté d’en faire plus. Cela dépend à nouveau de ce qu’il y aura comme dérogation pour ce genre de fonds par rapport au régime général AIFM.

D’autres sociétés de gestion du secteur vont-elles vous suivre ?

M. B. « C’est possible. Mais cela a un coût : il faut un compliance officer, un chief risk officer, etc. et des fonds propres pour se les payer. Nous en avons les moyens, mais c’est loin d’être le cas de tous les fonds. Nous pensons donc qu’une consolidation de l’industrie va intervenir, que les plus petits acteurs vont se vendre ou partir en run off. Le coût d’exploitation augmente tout le temps. La marée monte et seuls les plus grands garderont la tête en dehors de l’eau.

Quels objectifs vous fixez-vous ?

M. B. « Nous avons pour ambition de doubler la base sous gestion dans les trois-quatre années à venir avec nos fonds existants, mais aussi avec les fonds sur mesure. Notre effectif augmentera conjointement à notre base d’actifs. Nous espérons être une dizaine dans trois ans. »