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Lucien Weiler, Conseil parlementaire interrégional Benelux <br/>(Photo: Julien Becker) 

Depuis le 1er janvier, le président de la Chambre des députés, le chrétien-social Lucien Weiler, assume pour 18 mois la présidence du Conseil parlementaire interrégional (CPI), l’assemblée parlementaire consultative de la Grande Région. Dans les faits, il n’exercera concrètement son mandat qu’après le 11e Sommet - et le passage de relais avec la région wallonne -, début février. Quant à sa feuille de route, elle verra son contenu précisé après le débat d’orientation à la Chambre des députés, fin de ce mois, et la prise de position du ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du Territoire, Jean-Marie Halsdorf.

Monsieur Weiler, quels objectifs précis vous êtes-vous fixés durant votre mandat?

«Nous abordons cette Présidence très concrètement. La Chambre des Députés organisera un débat d’orientation sur la Grande Région fin janvier, à l’initiative de M. le Député Marcel Oberweis, par ailleurs membre de la délégation luxembourgeoise du CPI. Ce sera l’occasion de s’accorder sur quelques sujets clés que nous souhaitons développer au cours des 18 mois de notre Présidence du Conseil Parlementaire Interrégional.

Quels seront les points clés du Programme transfrontalier de la coopération territoriale européenne 2007-2013?

«Les thématiques comprennent trois grands axes: l’innovation et le développement économique, l’aménagement du territoire incluant les aspects de la mobilité dans la Grande Région et de la protection de l’environnement, ainsi que la coopération dans les domaines de l’éducation, de la santé, du domaine social et de la culture.

Ces sujets font aussi partie de la «Vision d’avenir 2020 pour l’espace de coopération interrégional» adopté en juin 2003 par le 7e Sommet des Exécutifs de la Grande Région.

Ce document de référence est le fruit des travaux d’une commission politique présidée par Jacques Santer et réalisée à la demande de la présidence sarroise de la Grande Région.

Il contient déjà des propositions concrètes qui ont été reprises et développées par la suite. La connaissance des cultures et des langues avoisinantes, l’organisation et le financement de la coopération culturelle transfrontalière, la mobilité professionnelle transfrontalière, un espace intégré de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, une coopération transfrontalière pour les transports en commun sont des projets clés.

Quelle doit être selon vous la priorité n°1 en 2008?

«Il n’y a pas de ‘priorité n°1’. Le champ de travail est vaste. La coopération transfrontalière a remporté ces dernières années des succès concrets. Rappelons le lycée de Schengen à Perl qui a ouvert ses portes en automne 2007. Le Bureau Commun de Coopération Policière de Luxembourg regroupant des agents français, luxembourgeois, allemands et belges est également un exemple éloquent de coopération transfrontalière. La Maison de la Grande Région vient de déménager en plein centre-ville, rue Notre-Dame. L’année culturelle a donné l’occasion de créer de nouveaux réseaux culturels dans la Grande Région.

Les premiers pas ayant été franchis, nous devons entamer les prochains chantiers dans plusieurs domaines, dont en premier lieu l’aménagement du territoire, les transports, l’économie et le logement.

Quel bilan peut-on d’ores et déjà tirer du programme eBird et sur quelles thématiques doit-il concentrer son action?

«Les projets eBird, dont les résultats sont d’ailleurs publiés sur Internet, concernent des domaines importants comme le marché de l’emploi transfrontalier, des réseaux dans les domaines de l’artisanat, de l’innovation, de la recherche ou encore de la culture, ainsi qu’une comparaison des systèmes d’aménagement du territoire. Ils constituent ainsi une base de travail. Il faut connaître les systèmes, disposer des données statistiques et autres pour disposer des données de base indispensables pour pouvoir planifier des actions communes.

La création de réseaux inter-villes (tels que Lela+) ne témoigne-t-elle pas de l’échec du programme similaire au sein de la Grande Région, EuRegio?

«Des réseaux inter-villes comme le QuattroPole Metz-Luxembourg-Trèves-Sarrebruck ou Lela Luxembourg-Esch-Longwy-Arlon qui est devenu Lela+ grâce à l’adhésion, il y a quelques semaines, de Thionville et de Metz, sont des formes de coopération transfrontalière concrète. Il appartient aux partenaires des différents réseaux de définir dans quels domaines et jusqu’à quel point cette coopération peut aller. Je ne crois pas qu’on peut parler d’un échec.

Comment faire pour que la Grande Région ne soit pas un «machin» (pour reprendre l’expression de de Gaulle à propos de l’ONU) aux yeux de ses habitants et qu’elle devienne un instrument réactif, à l’écoute de leurs préoccupations quotidiennes?

«Des dizaines de milliers de personnes vivent quotidiennement la Grande Région, parfois sans s’en rendre compte. Quelque 130.000 personnes résidant en France, en Belgique ou en Allemagne se déplacent chaque jour pour aller travailler au Luxembourg. De même, un certain nombre de Luxembourgeois ont établi leur résidence dans les régions limitrophes pour fuir la flambée des prix du marché immobilier luxembourgeois. Pour tous ces gens, la Grande Région constitue une opportunité.

Mais elle est parfois également un générateur de problèmes, le flux de ces personnes ayant indubitablement des conséquences en matière de transports, de logement, d’enseignement et d’autres. Ces problèmes, nous devons les aborder et proposer des solutions. Le ‘Lycée de Schengen’ à Perl, permettant à des enfants allemands et luxembourgeois de suivre les mêmes cours et d’obtenir les mêmes diplômes, est un pas en avant. Il faut continuer dans cette voie.

Alors que les flux de transports interrégionaux ne cessent de grossir, le spectre d’un engorgement de la Grande Région se fait de plus en plus précis. Le Luxembourg, de par son attrait, est particulièrement concerné par les problèmes de circulation, notamment dus aux navetteurs. Qu’allez-vous faire pour éviter le blocage (notamment au sud), inévitable lorsque  Belval sera pleinement opérationnel?

«En ce qui concerne les problèmes de circulation, d’importants projets de loi ont été votés par le Parlement ou sont encore discutés dans la Commission des Transports. La réalisation d’un tram au Kirchberg, la construction de la gare périphérique à Cessange et la modernisation de certaines lignes ferroviaires comme Pétange-Luxembourg ou Bettembourg-Luxembourg vont certainement avoir des effets positifs.

Le site de Belval est en construction. Il permet de créer sur quelque 120 hectares non seulement 20.000 emplois de haut niveau dans le tertiaire et dans la recherche, mais aussi des logements pour 8.000 habitants.

Belval est le résultat d’une volonté de décentralisation, un site qui se trouve donc très proche de la frontière, évitant un passage à travers le pays et limitant le chemin d’accès des travailleurs transfrontaliers. Par ailleurs, le Luxembourg s’est prononcé très clairement pour la liaison Micheville qui devra relier l’A28, sur territoire français, avec le site Belval. Le Grand-Duché est en attente de la prise de position française.

Comment assurer un développement économique cohérent dans la Grande Région, alors que le Luxembourg continue d’y créer des déséquilibres notables, par l’attrait de son marché du travail et sa politique fiscale favorable (jusqu’en 2015 au moins)?

«Si 130.000 frontaliers ont trouvé un emploi bien rémunéré et lié à des conditions sociales favorables au Luxembourg, ce n’est pas un désavantage. Le Luxembourg, en tant que pays indépendant, a certains avantages par rapport aux régions limitrophes. La prise de décisions est beaucoup plus lourde dans nos pays voisins qui ont des structures politiques différentes qui ne permettent pas toujours aux régions périphériques de tout réaliser. Il y a des contraintes.

Si nous parlons de l’amélioration des lignes ferroviaires vers l’Allemagne et au-delà de la frontière allemande, nos interlocuteurs se situent à Berlin. Les «Länder» sont plus autonomes dans le domaine de la Culture et de l’Enseignement. En France, beaucoup dépend de Paris.

Il ne faut cependant pas perdre de vue que maintes entreprises des pays limitrophes se sont bien installées sur le marché luxembourgeois. Par ailleurs les régions avoisinantes ne sont quand même pas démunies de tout développement économique. Il faut donc bien nuancer et constater que l’essor qu’a connu le Grand-Duché, dans les 30 dernières années, n’a pas été un désavantage pour les régions limitrophes. Bien au contraire. Son attrait a fait profiter ces régions de certaines retombées positives.